Jillian Meyers : passages TV

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Récemment en mars
 

La La Land

Télévision : 26 mars à 13:35-15:50 sur Arte

film : comédie musicale

A Los Angeles, Mia, aspirante actrice, est fatiguée d'enchaîner les auditions. Sebastian, un pianiste de jazz, est remercié du club miteux où il exerce car son jeu n'est pas assez accessible aux touristes de passage. Les deux jeunes gens se rencontrent dans un embouteillage, partent sur de mauvaises bases avant de découvrir leurs nombreux points communs. Ils tombent amoureux l'un de l'autre. Sebastian veut monter son propre club pour y jouer enfin la musique qu'il aime et encourage Mia dans ses projets. Il est engagé dans un groupe dont le style est aux antipodes du sien, s'absente trop souvent et s'éloigne de son rêve. Ce qui inquiète Mia... - Critique : Du sadisme de Whiplash, qui a révélé le réalisateur américain Damien Chazelle, en 2014, il reste des échos dans La La Land. Comme le jeune batteur de ce film-là, dressé à la cravache par un chef d’orchestre impitoyable, Mia (Emma Stone) et Seb (Ryan Gosling) encaissent toutes sortes d’humiliations sur leurs chemins respectifs : une carrière d’actrice pour elle, l’ouverture d’un club de jazz pour lui. Mais ces épreuves vers un hypothétique accomplissement ne sont plus l’unique obsession du cinéaste. En témoigne l’époustouflante scène d’ouverture sur une bretelle d’autoroute saturée de Los Angeles, direction Hollywood, où les deux héros n’apparaissent que tardivement. Des dizaines d’automobilistes sortent de leur véhicule et se mettent à danser au soleil, à chanter leur joie, leur enthousiasme pour leur ville et sa spécialité, le show-business. Au vu de cette kyrielle de personnages, on pourrait croire à un film choral — en plus d’être (souvent) chanté. Fausse piste. La La Land se resserre sur Mia et Seb. Mais reste, pendant plus de deux heures, formidablement pluriel et foisonnant. L’énergie de Damien Chazelle, 32 ans, le pousse à toutes sortes d’acrobaties de mise en scène et de montage, mais aussi à traquer la multiplicité des sentiments et des émotions derrière chaque situation. L’aspirante comédienne repart vaincue et blessée d’auditions où elle brille pourtant. Le pianiste qu’interprète Ryan Gosling avec une classe incomparable se bat pour ses projets, mais il se sait obsédé par une musique (le jazz pur et dur) en voie d’extinction, ou déjà disparue. Il vit seul, encombré de reliques liées à sa passion, dans un appartement-mausolée. Damien Chazelle : « Il y a quelque chose de rugueux dans le monde de ‘La La Land’ » L’histoire d’amour elle-même change sans cesse de tonalité. Comme à l’âge d’or de la comédie hollywoodienne, Mia et Seb s’agressent d’abord mutuellement chaque fois qu’ils se rencontrent. Plusieurs indices suggèrent que le désir de la jeune femme pour le musicien n’est pas réciproque. Plus tard, l’ivresse de leurs sentiments devenus impérieux inspire à Damien Chazelle de superbes variations chorégraphiques sur le thème de l’envol... Puis le film devient un traité acéré de la désillusion amoureuse sur fond d’aspirations professionnelles contrariées. « Tu m’aimais mieux quand je galérais, parce que ça te rassurait ! » est la réplique cinglante de Seb à Mia après deux saisons de vie commune. Pour ces amants artistes, il y a quelque chose de plus attirant, de plus grand que leur amour, et même que leur art : le rêve. Celui qu’ils se font d’eux-mêmes, de leur histoire, de leur avenir. Fantasmer le bonheur fait déjà leur bonheur. Los Angeles est la ville qui transforme chaque moment banal en scène de cinéma, la chambre d’écho magique qui fait basculer le quotidien vers la fiction la plus radieuse. Damien Chazelle ne se prive pas de filmer tous les coins traversés par ses deux héros comme les décors mythiques qu’ils furent et demeurent. Notamment l’Observatoire, si présent dans La Fureur de vivre, de Nicholas Ray, film préféré de Sebastian. Ce tourbillon de chansons et de numéros dansés ambitionne de retrouver le lustre d’un Hollywood légendaire. Pour ne parler que de ces vingt dernières années, d’autres films ont plus ou moins échoué dans cette tentative : Nine (Rob Marshall), par académisme, et Moulin Rouge (de Baz Luhrmann), par outrance. La La Land y parvient grâce à un équilibre rare entre la dévotion perfectionniste et la relecture inquiète. Même si Ryan Gosling et Emma Stone ont travaillé de longs mois leur chant et leur danse, une fragilité émouvante dément, par instants, leur professionnalisme. Tout comme l’optimisme américain du film se laisse lézarder par la mélancolie. Au pays de Chantons sous la pluie, référence glorieuse, indépassable, Damien Chazelle le conquérant donne libre cours à son goût pour Jacques Demy et pour les amours impossibles.

Année : 2016

Avec : Claudio Claudine, Emma Stone, Finn Wittrock, Hernandez Callie, J K Simmons, Jillian Meyers, John Legend, Michael Riccio, Moore Mandy, Rosemarie DeWitt, Rothe Jessica, Ryan Gosling, Sonoya Mizuno, Terry Walters, Tom Everett

Récemment en mars
 

La La Land

Télévision : 24 mars à 21:00-23:00 sur Arte

film : comédie musicale

A Los Angeles, Mia, aspirante actrice, est fatiguée d'enchaîner les auditions. Sebastian, un pianiste de jazz, est remercié du club miteux où il exerce car son jeu n'est pas assez accessible aux touristes de passage. Les deux jeunes gens se rencontrent dans un embouteillage, partent sur de mauvaises bases avant de découvrir leurs nombreux points communs. Ils tombent amoureux l'un de l'autre. Sebastian veut monter son propre club pour y jouer enfin la musique qu'il aime et encourage Mia dans ses projets. Il est engagé dans un groupe dont le style est aux antipodes du sien, s'absente trop souvent et s'éloigne de son rêve. Ce qui inquiète Mia... - Critique : Du sadisme de Whiplash, qui a révélé le réalisateur américain Damien Chazelle, en 2014, il reste des échos dans La La Land. Comme le jeune batteur de ce film-là, dressé à la cravache par un chef d’orchestre impitoyable, Mia (Emma Stone) et Seb (Ryan Gosling) encaissent toutes sortes d’humiliations sur leurs chemins respectifs : une carrière d’actrice pour elle, l’ouverture d’un club de jazz pour lui. Mais ces épreuves vers un hypothétique accomplissement ne sont plus l’unique obsession du cinéaste. En témoigne l’époustouflante scène d’ouverture sur une bretelle d’autoroute saturée de Los Angeles, direction Hollywood, où les deux héros n’apparaissent que tardivement. Des dizaines d’automobilistes sortent de leur véhicule et se mettent à danser au soleil, à chanter leur joie, leur enthousiasme pour leur ville et sa spécialité, le show-business. Au vu de cette kyrielle de personnages, on pourrait croire à un film choral — en plus d’être (souvent) chanté. Fausse piste. La La Land se resserre sur Mia et Seb. Mais reste, pendant plus de deux heures, formidablement pluriel et foisonnant. L’énergie de Damien Chazelle, 32 ans, le pousse à toutes sortes d’acrobaties de mise en scène et de montage, mais aussi à traquer la multiplicité des sentiments et des émotions derrière chaque situation. L’aspirante comédienne repart vaincue et blessée d’auditions où elle brille pourtant. Le pianiste qu’interprète Ryan Gosling avec une classe incomparable se bat pour ses projets, mais il se sait obsédé par une musique (le jazz pur et dur) en voie d’extinction, ou déjà disparue. Il vit seul, encombré de reliques liées à sa passion, dans un appartement-mausolée. Damien Chazelle : « Il y a quelque chose de rugueux dans le monde de ‘La La Land’ » L’histoire d’amour elle-même change sans cesse de tonalité. Comme à l’âge d’or de la comédie hollywoodienne, Mia et Seb s’agressent d’abord mutuellement chaque fois qu’ils se rencontrent. Plusieurs indices suggèrent que le désir de la jeune femme pour le musicien n’est pas réciproque. Plus tard, l’ivresse de leurs sentiments devenus impérieux inspire à Damien Chazelle de superbes variations chorégraphiques sur le thème de l’envol... Puis le film devient un traité acéré de la désillusion amoureuse sur fond d’aspirations professionnelles contrariées. « Tu m’aimais mieux quand je galérais, parce que ça te rassurait ! » est la réplique cinglante de Seb à Mia après deux saisons de vie commune. Pour ces amants artistes, il y a quelque chose de plus attirant, de plus grand que leur amour, et même que leur art : le rêve. Celui qu’ils se font d’eux-mêmes, de leur histoire, de leur avenir. Fantasmer le bonheur fait déjà leur bonheur. Los Angeles est la ville qui transforme chaque moment banal en scène de cinéma, la chambre d’écho magique qui fait basculer le quotidien vers la fiction la plus radieuse. Damien Chazelle ne se prive pas de filmer tous les coins traversés par ses deux héros comme les décors mythiques qu’ils furent et demeurent. Notamment l’Observatoire, si présent dans La Fureur de vivre, de Nicholas Ray, film préféré de Sebastian. Ce tourbillon de chansons et de numéros dansés ambitionne de retrouver le lustre d’un Hollywood légendaire. Pour ne parler que de ces vingt dernières années, d’autres films ont plus ou moins échoué dans cette tentative : Nine (Rob Marshall), par académisme, et Moulin Rouge (de Baz Luhrmann), par outrance. La La Land y parvient grâce à un équilibre rare entre la dévotion perfectionniste et la relecture inquiète. Même si Ryan Gosling et Emma Stone ont travaillé de longs mois leur chant et leur danse, une fragilité émouvante dément, par instants, leur professionnalisme. Tout comme l’optimisme américain du film se laisse lézarder par la mélancolie. Au pays de Chantons sous la pluie, référence glorieuse, indépassable, Damien Chazelle le conquérant donne libre cours à son goût pour Jacques Demy et pour les amours impossibles.

Année : 2016

Avec : Claudio Claudine, Emma Stone, Finn Wittrock, Hernandez Callie, J K Simmons, Jillian Meyers, John Legend, Michael Riccio, Moore Mandy, Rosemarie DeWitt, Rothe Jessica, Ryan Gosling, Sonoya Mizuno, Terry Walters, Tom Everett

Antérieurement en 2023
 

Babylon

Télévision : 6 novembre 2023 à 02:07-05:10 sur Canal +

film : comédie dramatique

Los Angeles, au début des années 1920. Après une période de balbutiements, l'industrie cinématographique est désormais en plein boom, et nombreux sont ceux qui veulent profiter de ce nouvel eldorado. Nellie LaRoy, une aspirante actrice, Manny Torres, un jeune immigré qui nourrit des rêves de réalisation, et Jack Conrad, une star du grand écran, sont déterminés à obtenir, pour les premiers, ou à conserver, pour le dernier, une part du gâteau hollywoodien. S'ils profitent du glamour, des paillettes et des grandes fêtes décadentes, ces artistes sont aussi confrontés à la face sombre de l'industrie du divertissement... - Critique : L’ancien et le renouveau se télescopent avec brio dans cette fresque en forme d’énorme pochette-surprise, qui ne recule pas devant les frasques pour recréer Hollywood au temps du muet. Une époque lointaine que le réalisateur de La La Land (2016) semble avoir dans le sang, comme une fièvre. Possédé, il envoie valser l’image figée du vénérable cinéma de cinémathèque et fait d’emblée surgir des corps, de la sensualité, pour redonner chair à des êtres humains qu’on imaginerait spontanément comme des silhouettes diaphanes, fantomatiques, en noir et blanc. Les voilà qui font la fête en parfaits débauchés et lorsque, encore un peu titubants, ils se mettent à tourner un film, le grand tumulte continue et devient hilarant. En remontant le temps jusqu’aux années 1920, Damien Chazelle trouve une énergie. Celle des pionniers qui le fascinent, comme le montrait son précédent film, First Man : Le premier homme sur la lune (2018). Celle des audacieux, prêts à courir après un rêve et capables de le réaliser. Ce feu sacré des conquérants fait bouillir l’étonnante marmite qu’est Babylon, plus de trois heures de cinéma orchestrées comme des battements de cœur, avec un souffle de marathonien. Le tempo est le langage de prédilection du réalisateur de Whiplash (2014), qui reste fidèle à son talentueux « metteur en musique », Justin Hurvitz, lequel a concocté cette fois une partition toujours jazzy mais souvent frénétique. Tout est vitalité ici, même les personnages, et pas seulement le trompettiste noir nommé Sidney Palmer (Jovan Adepo). Dieux de l’écran Pour raconter ceux qui ont cru au cinématographe et ont vécu un moment unique de son histoire, le scénario ne suit pas une intrigue mais des mouvements, croise les trajectoires de quelques figures emblématiques, utilisées comme des vibrations. Dans le sillage de Jack Conrad (Brad Pitt), flotte un parfum de puissance et de gloire, l’aura un peu irréelle et excentrique d’un dieu de l’écran. Nellie LaRoy (Margot Robbie) fait, elle, surgir la lumière que cherche la caméra : avant même de briller, l’actrice débutante est déjà une étoile. À ses côtés, Manny Torres (Diego Calva) est une caisse de résonance pour l’accélérateur de destinées qu’a mis en route l’industrie cinématographique naissante : parce que tout ce qui a un rapport avec les films l’intéresse, le jeune émigré mexicain fera tout dans l’usine à rêves, de grouillot à directeur de studio. Le cinéma ouvre le royaume des grandes espérances, invite à jouer, à perdre la raison, transforme le peuple de Babylon en gamins surexcités qui croient au Père Noël. Damien Chazelle ne fait pas que rendre hommage à ce passé illuminé, il le prend pour exemple : son film est une folie d’auteur comme on n’en verra peut-être plus jamais, une production luxueuse menée avec une réjouissante et impertinente jeunesse. L’éléphant qui tient la vedette de la première scène impose cocassement cet esprit junior, parfois proche du dessin animé — un serpent à sonnette et un crocodile le confirmeront. La légèreté est ici une manière de prendre la défense du cinéma, qui fut très tôt accusé, comme on nous le montre, d’être un art mineur. C’est justement ce qu’il a de mineur qui en fait un art majeur, nous dit le réalisateur, démonstration magistrale à l’appui. Histoire collective Dans une atmosphère de grand bazar, la beauté surgit. Tout allait de travers sur le plateau du film en costumes de Jack Conrad, et soudain la magie opère. Pendant le tournage brouillon de La Bonne en vadrouille, la réalisatrice Ruth Adler (Olivia Hamilton) s’enhardit à diriger la manière dont Nelly LaRoy va pleurer, et le miracle se produit : une larme coule, le plan est parfait, le pouvoir de l’image révèle sa fulgurance. Ceux qui, au temps du muet, bricolaient des films avec les moyens du bord ont trouvé de l’or. Ils sont devenus des artistes parce qu’ils ont adoré leur métier, mais leur trésor a attiré les gestionnaires, nous dit Chazelle. Qui nous fait comprendre, mieux que jamais, comment la professionnalisation du cinéma, avec l’arrivée du parlant, a brutalement freiné l’élan de liberté qui portait les premiers films. Hollywood s’est bâti en imposant des normes techniques et artistiques mais aussi morales, raciales et sexistes. Une reprise en main totale qui inspire des scènes magnifiquement ressenties, évoquant le passage de la lumière à l’ombre. Ainsi, la sortie mélancolique et funèbre de Jack Conrad, un grand moment de cinéma porté par un grand Brad Pitt. Babylon nous apprend beaucoup, étonnamment. Car tout a été fait pour fuir le didactisme. Le cinéphile Damien Chazelle s’est judicieusement méfié de la mémoire des spécialistes, des noms qu’il faut connaître, des incontournables qu’il faut citer. C’est une histoire collective qu’il veut partager. Alors, il nous en donne les clés, par exemple en nous révélant les références qu’il fait au fameux Chantons sous la pluie (1952), qui évoquait l’arrivée du parlant. Surtout, il nous dit que cette histoire est la nôtre, spectateurs, et il nous y inscrit à travers de très belles scènes qui ont pour décor une salle de cinéma. Un lieu qui n’est jamais celui de la nostalgie, mais de la vie. UN SUJET PRISÉL’histoire du cinéma américain a régulièrement été revisitée par ses réalisateurs, qui ont voulu donner leur vision du microcosme qu’est Hollywood. Comme Robert Altman (The Player, 1992) ou Quentin Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood, 2019, avec, déjà, le duo de Babylon, Brad Pitt et Margot Robbie). Récemment, les mythes que sont Marilyn Monroe et Citizen Kane ont inspiré Blonde, d’Andrew Dominik, et Mank, de David Fincher, lancés sur Netflix… La période du muet a trouvé un écho légendaire dans le personnage de la star oubliée de Sunset Boulevard (1950), de Billy Wilder, interprétée par Gloria Swanson, qui régna sur les années 1920 et dont le nom est, avec celui de Garbo, l’un des rares vrais patronymes cités dans Babylon. Mais le seul film sur le Hollywood de cette époque à avoir obtenu cinq oscars est français : The Artist (2011), de Michel Hazanavicius.

Année : 2022

Avec : Brad Pitt, Diego Calva, Jean Smart, Jillian Meyers, Jovan Adepo, Li Jun, Lukas Haas, Margot Robbie, Max Minghella, Moore Mandy, Olivia Wilde, P J Byrne, Rory Scovel, Tobey Maguire

Antérieurement en 2023
 

Babylon

Télévision : 6 novembre 2023 à 01:36-04:39 sur Canal +

film : comédie dramatique

Los Angeles, au début des années 1920. Après une période de balbutiements, l'industrie cinématographique est désormais en plein boom, et nombreux sont ceux qui veulent profiter de ce nouvel eldorado. Nellie LaRoy, une aspirante actrice, Manny Torres, un jeune immigré qui nourrit des rêves de réalisation, et Jack Conrad, une star du grand écran, sont déterminés à obtenir, pour les premiers, ou à conserver, pour le dernier, une part du gâteau hollywoodien. S'ils profitent du glamour, des paillettes et des grandes fêtes décadentes, ces artistes sont aussi confrontés à la face sombre de l'industrie du divertissement... - Critique : L’ancien et le renouveau se télescopent avec brio dans cette fresque en forme d’énorme pochette-surprise, qui ne recule pas devant les frasques pour recréer Hollywood au temps du muet. Une époque lointaine que le réalisateur de La La Land (2016) semble avoir dans le sang, comme une fièvre. Possédé, il envoie valser l’image figée du vénérable cinéma de cinémathèque et fait d’emblée surgir des corps, de la sensualité, pour redonner chair à des êtres humains qu’on imaginerait spontanément comme des silhouettes diaphanes, fantomatiques, en noir et blanc. Les voilà qui font la fête en parfaits débauchés et lorsque, encore un peu titubants, ils se mettent à tourner un film, le grand tumulte continue et devient hilarant. En remontant le temps jusqu’aux années 1920, Damien Chazelle trouve une énergie. Celle des pionniers qui le fascinent, comme le montrait son précédent film, First Man : Le premier homme sur la lune (2018). Celle des audacieux, prêts à courir après un rêve et capables de le réaliser. Ce feu sacré des conquérants fait bouillir l’étonnante marmite qu’est Babylon, plus de trois heures de cinéma orchestrées comme des battements de cœur, avec un souffle de marathonien. Le tempo est le langage de prédilection du réalisateur de Whiplash (2014), qui reste fidèle à son talentueux « metteur en musique », Justin Hurvitz, lequel a concocté cette fois une partition toujours jazzy mais souvent frénétique. Tout est vitalité ici, même les personnages, et pas seulement le trompettiste noir nommé Sidney Palmer (Jovan Adepo). Dieux de l’écran Pour raconter ceux qui ont cru au cinématographe et ont vécu un moment unique de son histoire, le scénario ne suit pas une intrigue mais des mouvements, croise les trajectoires de quelques figures emblématiques, utilisées comme des vibrations. Dans le sillage de Jack Conrad (Brad Pitt), flotte un parfum de puissance et de gloire, l’aura un peu irréelle et excentrique d’un dieu de l’écran. Nellie LaRoy (Margot Robbie) fait, elle, surgir la lumière que cherche la caméra : avant même de briller, l’actrice débutante est déjà une étoile. À ses côtés, Manny Torres (Diego Calva) est une caisse de résonance pour l’accélérateur de destinées qu’a mis en route l’industrie cinématographique naissante : parce que tout ce qui a un rapport avec les films l’intéresse, le jeune émigré mexicain fera tout dans l’usine à rêves, de grouillot à directeur de studio. Le cinéma ouvre le royaume des grandes espérances, invite à jouer, à perdre la raison, transforme le peuple de Babylon en gamins surexcités qui croient au Père Noël. Damien Chazelle ne fait pas que rendre hommage à ce passé illuminé, il le prend pour exemple : son film est une folie d’auteur comme on n’en verra peut-être plus jamais, une production luxueuse menée avec une réjouissante et impertinente jeunesse. L’éléphant qui tient la vedette de la première scène impose cocassement cet esprit junior, parfois proche du dessin animé — un serpent à sonnette et un crocodile le confirmeront. La légèreté est ici une manière de prendre la défense du cinéma, qui fut très tôt accusé, comme on nous le montre, d’être un art mineur. C’est justement ce qu’il a de mineur qui en fait un art majeur, nous dit le réalisateur, démonstration magistrale à l’appui. Histoire collective Dans une atmosphère de grand bazar, la beauté surgit. Tout allait de travers sur le plateau du film en costumes de Jack Conrad, et soudain la magie opère. Pendant le tournage brouillon de La Bonne en vadrouille, la réalisatrice Ruth Adler (Olivia Hamilton) s’enhardit à diriger la manière dont Nelly LaRoy va pleurer, et le miracle se produit : une larme coule, le plan est parfait, le pouvoir de l’image révèle sa fulgurance. Ceux qui, au temps du muet, bricolaient des films avec les moyens du bord ont trouvé de l’or. Ils sont devenus des artistes parce qu’ils ont adoré leur métier, mais leur trésor a attiré les gestionnaires, nous dit Chazelle. Qui nous fait comprendre, mieux que jamais, comment la professionnalisation du cinéma, avec l’arrivée du parlant, a brutalement freiné l’élan de liberté qui portait les premiers films. Hollywood s’est bâti en imposant des normes techniques et artistiques mais aussi morales, raciales et sexistes. Une reprise en main totale qui inspire des scènes magnifiquement ressenties, évoquant le passage de la lumière à l’ombre. Ainsi, la sortie mélancolique et funèbre de Jack Conrad, un grand moment de cinéma porté par un grand Brad Pitt. Babylon nous apprend beaucoup, étonnamment. Car tout a été fait pour fuir le didactisme. Le cinéphile Damien Chazelle s’est judicieusement méfié de la mémoire des spécialistes, des noms qu’il faut connaître, des incontournables qu’il faut citer. C’est une histoire collective qu’il veut partager. Alors, il nous en donne les clés, par exemple en nous révélant les références qu’il fait au fameux Chantons sous la pluie (1952), qui évoquait l’arrivée du parlant. Surtout, il nous dit que cette histoire est la nôtre, spectateurs, et il nous y inscrit à travers de très belles scènes qui ont pour décor une salle de cinéma. Un lieu qui n’est jamais celui de la nostalgie, mais de la vie. UN SUJET PRISÉL’histoire du cinéma américain a régulièrement été revisitée par ses réalisateurs, qui ont voulu donner leur vision du microcosme qu’est Hollywood. Comme Robert Altman (The Player, 1992) ou Quentin Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood, 2019, avec, déjà, le duo de Babylon, Brad Pitt et Margot Robbie). Récemment, les mythes que sont Marilyn Monroe et Citizen Kane ont inspiré Blonde, d’Andrew Dominik, et Mank, de David Fincher, lancés sur Netflix… La période du muet a trouvé un écho légendaire dans le personnage de la star oubliée de Sunset Boulevard (1950), de Billy Wilder, interprétée par Gloria Swanson, qui régna sur les années 1920 et dont le nom est, avec celui de Garbo, l’un des rares vrais patronymes cités dans Babylon. Mais le seul film sur le Hollywood de cette époque à avoir obtenu cinq oscars est français : The Artist (2011), de Michel Hazanavicius.

Année : 2022

Avec : Brad Pitt, Diego Calva, Jean Smart, Jillian Meyers, Jovan Adepo, Li Jun, Lukas Haas, Margot Robbie, Max Minghella, Moore Mandy, Olivia Wilde, P J Byrne, Rory Scovel, Tobey Maguire

Antérieurement en 2023
 

Babylon

Télévision : 14 octobre 2023 à 23:23-02:26 sur Canal +

film : comédie dramatique

Los Angeles, au début des années 1920. Après une période de balbutiements, l'industrie cinématographique est désormais en plein boom, et nombreux sont ceux qui veulent profiter de ce nouvel eldorado. Nellie LaRoy, une aspirante actrice, Manny Torres, un jeune immigré qui nourrit des rêves de réalisation, et Jack Conrad, une star du grand écran, sont déterminés à obtenir, pour les premiers, ou à conserver, pour le dernier, une part du gâteau hollywoodien. S'ils profitent du glamour, des paillettes et des grandes fêtes décadentes, ces artistes sont aussi confrontés à la face sombre de l'industrie du divertissement... - Critique : L’ancien et le renouveau se télescopent avec brio dans cette fresque en forme d’énorme pochette-surprise, qui ne recule pas devant les frasques pour recréer Hollywood au temps du muet. Une époque lointaine que le réalisateur de La La Land (2016) semble avoir dans le sang, comme une fièvre. Possédé, il envoie valser l’image figée du vénérable cinéma de cinémathèque et fait d’emblée surgir des corps, de la sensualité, pour redonner chair à des êtres humains qu’on imaginerait spontanément comme des silhouettes diaphanes, fantomatiques, en noir et blanc. Les voilà qui font la fête en parfaits débauchés et lorsque, encore un peu titubants, ils se mettent à tourner un film, le grand tumulte continue et devient hilarant. En remontant le temps jusqu’aux années 1920, Damien Chazelle trouve une énergie. Celle des pionniers qui le fascinent, comme le montrait son précédent film, First Man : Le premier homme sur la lune (2018). Celle des audacieux, prêts à courir après un rêve et capables de le réaliser. Ce feu sacré des conquérants fait bouillir l’étonnante marmite qu’est Babylon, plus de trois heures de cinéma orchestrées comme des battements de cœur, avec un souffle de marathonien. Le tempo est le langage de prédilection du réalisateur de Whiplash (2014), qui reste fidèle à son talentueux « metteur en musique », Justin Hurvitz, lequel a concocté cette fois une partition toujours jazzy mais souvent frénétique. Tout est vitalité ici, même les personnages, et pas seulement le trompettiste noir nommé Sidney Palmer (Jovan Adepo). Dieux de l’écran Pour raconter ceux qui ont cru au cinématographe et ont vécu un moment unique de son histoire, le scénario ne suit pas une intrigue mais des mouvements, croise les trajectoires de quelques figures emblématiques, utilisées comme des vibrations. Dans le sillage de Jack Conrad (Brad Pitt), flotte un parfum de puissance et de gloire, l’aura un peu irréelle et excentrique d’un dieu de l’écran. Nellie LaRoy (Margot Robbie) fait, elle, surgir la lumière que cherche la caméra : avant même de briller, l’actrice débutante est déjà une étoile. À ses côtés, Manny Torres (Diego Calva) est une caisse de résonance pour l’accélérateur de destinées qu’a mis en route l’industrie cinématographique naissante : parce que tout ce qui a un rapport avec les films l’intéresse, le jeune émigré mexicain fera tout dans l’usine à rêves, de grouillot à directeur de studio. Le cinéma ouvre le royaume des grandes espérances, invite à jouer, à perdre la raison, transforme le peuple de Babylon en gamins surexcités qui croient au Père Noël. Damien Chazelle ne fait pas que rendre hommage à ce passé illuminé, il le prend pour exemple : son film est une folie d’auteur comme on n’en verra peut-être plus jamais, une production luxueuse menée avec une réjouissante et impertinente jeunesse. L’éléphant qui tient la vedette de la première scène impose cocassement cet esprit junior, parfois proche du dessin animé — un serpent à sonnette et un crocodile le confirmeront. La légèreté est ici une manière de prendre la défense du cinéma, qui fut très tôt accusé, comme on nous le montre, d’être un art mineur. C’est justement ce qu’il a de mineur qui en fait un art majeur, nous dit le réalisateur, démonstration magistrale à l’appui. Histoire collective Dans une atmosphère de grand bazar, la beauté surgit. Tout allait de travers sur le plateau du film en costumes de Jack Conrad, et soudain la magie opère. Pendant le tournage brouillon de La Bonne en vadrouille, la réalisatrice Ruth Adler (Olivia Hamilton) s’enhardit à diriger la manière dont Nelly LaRoy va pleurer, et le miracle se produit : une larme coule, le plan est parfait, le pouvoir de l’image révèle sa fulgurance. Ceux qui, au temps du muet, bricolaient des films avec les moyens du bord ont trouvé de l’or. Ils sont devenus des artistes parce qu’ils ont adoré leur métier, mais leur trésor a attiré les gestionnaires, nous dit Chazelle. Qui nous fait comprendre, mieux que jamais, comment la professionnalisation du cinéma, avec l’arrivée du parlant, a brutalement freiné l’élan de liberté qui portait les premiers films. Hollywood s’est bâti en imposant des normes techniques et artistiques mais aussi morales, raciales et sexistes. Une reprise en main totale qui inspire des scènes magnifiquement ressenties, évoquant le passage de la lumière à l’ombre. Ainsi, la sortie mélancolique et funèbre de Jack Conrad, un grand moment de cinéma porté par un grand Brad Pitt. Babylon nous apprend beaucoup, étonnamment. Car tout a été fait pour fuir le didactisme. Le cinéphile Damien Chazelle s’est judicieusement méfié de la mémoire des spécialistes, des noms qu’il faut connaître, des incontournables qu’il faut citer. C’est une histoire collective qu’il veut partager. Alors, il nous en donne les clés, par exemple en nous révélant les références qu’il fait au fameux Chantons sous la pluie (1952), qui évoquait l’arrivée du parlant. Surtout, il nous dit que cette histoire est la nôtre, spectateurs, et il nous y inscrit à travers de très belles scènes qui ont pour décor une salle de cinéma. Un lieu qui n’est jamais celui de la nostalgie, mais de la vie. UN SUJET PRISÉL’histoire du cinéma américain a régulièrement été revisitée par ses réalisateurs, qui ont voulu donner leur vision du microcosme qu’est Hollywood. Comme Robert Altman (The Player, 1992) ou Quentin Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood, 2019, avec, déjà, le duo de Babylon, Brad Pitt et Margot Robbie). Récemment, les mythes que sont Marilyn Monroe et Citizen Kane ont inspiré Blonde, d’Andrew Dominik, et Mank, de David Fincher, lancés sur Netflix… La période du muet a trouvé un écho légendaire dans le personnage de la star oubliée de Sunset Boulevard (1950), de Billy Wilder, interprétée par Gloria Swanson, qui régna sur les années 1920 et dont le nom est, avec celui de Garbo, l’un des rares vrais patronymes cités dans Babylon. Mais le seul film sur le Hollywood de cette époque à avoir obtenu cinq oscars est français : The Artist (2011), de Michel Hazanavicius.

Année : 2022

Avec : Brad Pitt, Diego Calva, Jean Smart, Jillian Meyers, Jovan Adepo, Li Jun, Lukas Haas, Margot Robbie, Max Minghella, Moore Mandy, Olivia Wilde, P J Byrne, Rory Scovel, Tobey Maguire

Antérieurement en 2023
 

Babylon

Télévision : 2 octobre 2023 à 00:53-03:55 sur Canal +

film : comédie dramatique

Los Angeles, au début des années 1920. Après une période de balbutiements, l'industrie cinématographique est désormais en plein boom, et nombreux sont ceux qui veulent profiter de ce nouvel eldorado. Nellie LaRoy, une aspirante actrice, Manny Torres, un jeune immigré qui nourrit des rêves de réalisation, et Jack Conrad, une star du grand écran, sont déterminés à obtenir, pour les premiers, ou à conserver, pour le dernier, une part du gâteau hollywoodien. S'ils profitent du glamour, des paillettes et des grandes fêtes décadentes, ces artistes sont aussi confrontés à la face sombre de l'industrie du divertissement... - Critique : L’ancien et le renouveau se télescopent avec brio dans cette fresque en forme d’énorme pochette-surprise, qui ne recule pas devant les frasques pour recréer Hollywood au temps du muet. Une époque lointaine que le réalisateur de La La Land (2016) semble avoir dans le sang, comme une fièvre. Possédé, il envoie valser l’image figée du vénérable cinéma de cinémathèque et fait d’emblée surgir des corps, de la sensualité, pour redonner chair à des êtres humains qu’on imaginerait spontanément comme des silhouettes diaphanes, fantomatiques, en noir et blanc. Les voilà qui font la fête en parfaits débauchés et lorsque, encore un peu titubants, ils se mettent à tourner un film, le grand tumulte continue et devient hilarant. En remontant le temps jusqu’aux années 1920, Damien Chazelle trouve une énergie. Celle des pionniers qui le fascinent, comme le montrait son précédent film, First Man : Le premier homme sur la lune (2018). Celle des audacieux, prêts à courir après un rêve et capables de le réaliser. Ce feu sacré des conquérants fait bouillir l’étonnante marmite qu’est Babylon, plus de trois heures de cinéma orchestrées comme des battements de cœur, avec un souffle de marathonien. Le tempo est le langage de prédilection du réalisateur de Whiplash (2014), qui reste fidèle à son talentueux « metteur en musique », Justin Hurvitz, lequel a concocté cette fois une partition toujours jazzy mais souvent frénétique. Tout est vitalité ici, même les personnages, et pas seulement le trompettiste noir nommé Sidney Palmer (Jovan Adepo). Dieux de l’écran Pour raconter ceux qui ont cru au cinématographe et ont vécu un moment unique de son histoire, le scénario ne suit pas une intrigue mais des mouvements, croise les trajectoires de quelques figures emblématiques, utilisées comme des vibrations. Dans le sillage de Jack Conrad (Brad Pitt), flotte un parfum de puissance et de gloire, l’aura un peu irréelle et excentrique d’un dieu de l’écran. Nellie LaRoy (Margot Robbie) fait, elle, surgir la lumière que cherche la caméra : avant même de briller, l’actrice débutante est déjà une étoile. À ses côtés, Manny Torres (Diego Calva) est une caisse de résonance pour l’accélérateur de destinées qu’a mis en route l’industrie cinématographique naissante : parce que tout ce qui a un rapport avec les films l’intéresse, le jeune émigré mexicain fera tout dans l’usine à rêves, de grouillot à directeur de studio. Le cinéma ouvre le royaume des grandes espérances, invite à jouer, à perdre la raison, transforme le peuple de Babylon en gamins surexcités qui croient au Père Noël. Damien Chazelle ne fait pas que rendre hommage à ce passé illuminé, il le prend pour exemple : son film est une folie d’auteur comme on n’en verra peut-être plus jamais, une production luxueuse menée avec une réjouissante et impertinente jeunesse. L’éléphant qui tient la vedette de la première scène impose cocassement cet esprit junior, parfois proche du dessin animé — un serpent à sonnette et un crocodile le confirmeront. La légèreté est ici une manière de prendre la défense du cinéma, qui fut très tôt accusé, comme on nous le montre, d’être un art mineur. C’est justement ce qu’il a de mineur qui en fait un art majeur, nous dit le réalisateur, démonstration magistrale à l’appui. Histoire collective Dans une atmosphère de grand bazar, la beauté surgit. Tout allait de travers sur le plateau du film en costumes de Jack Conrad, et soudain la magie opère. Pendant le tournage brouillon de La Bonne en vadrouille, la réalisatrice Ruth Adler (Olivia Hamilton) s’enhardit à diriger la manière dont Nelly LaRoy va pleurer, et le miracle se produit : une larme coule, le plan est parfait, le pouvoir de l’image révèle sa fulgurance. Ceux qui, au temps du muet, bricolaient des films avec les moyens du bord ont trouvé de l’or. Ils sont devenus des artistes parce qu’ils ont adoré leur métier, mais leur trésor a attiré les gestionnaires, nous dit Chazelle. Qui nous fait comprendre, mieux que jamais, comment la professionnalisation du cinéma, avec l’arrivée du parlant, a brutalement freiné l’élan de liberté qui portait les premiers films. Hollywood s’est bâti en imposant des normes techniques et artistiques mais aussi morales, raciales et sexistes. Une reprise en main totale qui inspire des scènes magnifiquement ressenties, évoquant le passage de la lumière à l’ombre. Ainsi, la sortie mélancolique et funèbre de Jack Conrad, un grand moment de cinéma porté par un grand Brad Pitt. Babylon nous apprend beaucoup, étonnamment. Car tout a été fait pour fuir le didactisme. Le cinéphile Damien Chazelle s’est judicieusement méfié de la mémoire des spécialistes, des noms qu’il faut connaître, des incontournables qu’il faut citer. C’est une histoire collective qu’il veut partager. Alors, il nous en donne les clés, par exemple en nous révélant les références qu’il fait au fameux Chantons sous la pluie (1952), qui évoquait l’arrivée du parlant. Surtout, il nous dit que cette histoire est la nôtre, spectateurs, et il nous y inscrit à travers de très belles scènes qui ont pour décor une salle de cinéma. Un lieu qui n’est jamais celui de la nostalgie, mais de la vie. UN SUJET PRISÉL’histoire du cinéma américain a régulièrement été revisitée par ses réalisateurs, qui ont voulu donner leur vision du microcosme qu’est Hollywood. Comme Robert Altman (The Player, 1992) ou Quentin Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood, 2019, avec, déjà, le duo de Babylon, Brad Pitt et Margot Robbie). Récemment, les mythes que sont Marilyn Monroe et Citizen Kane ont inspiré Blonde, d’Andrew Dominik, et Mank, de David Fincher, lancés sur Netflix… La période du muet a trouvé un écho légendaire dans le personnage de la star oubliée de Sunset Boulevard (1950), de Billy Wilder, interprétée par Gloria Swanson, qui régna sur les années 1920 et dont le nom est, avec celui de Garbo, l’un des rares vrais patronymes cités dans Babylon. Mais le seul film sur le Hollywood de cette époque à avoir obtenu cinq oscars est français : The Artist (2011), de Michel Hazanavicius.

Année : 2022

Avec : Brad Pitt, Diego Calva, Jean Smart, Jillian Meyers, Jovan Adepo, Li Jun, Lukas Haas, Margot Robbie, Max Minghella, Moore Mandy, Olivia Wilde, P J Byrne, Rory Scovel, Tobey Maguire

Antérieurement en 2023
 

Babylon

Télévision : 2 octobre 2023 à 00:52-03:54 sur Canal +

film : comédie dramatique

Los Angeles, au début des années 1920. Après une période de balbutiements, l'industrie cinématographique est désormais en plein boom, et nombreux sont ceux qui veulent profiter de ce nouvel eldorado. Nellie LaRoy, une aspirante actrice, Manny Torres, un jeune immigré qui nourrit des rêves de réalisation, et Jack Conrad, une star du grand écran, sont déterminés à obtenir, pour les premiers, ou à conserver, pour le dernier, une part du gâteau hollywoodien. S'ils profitent du glamour, des paillettes et des grandes fêtes décadentes, ces artistes sont aussi confrontés à la face sombre de l'industrie du divertissement... - Critique : L’ancien et le renouveau se télescopent avec brio dans cette fresque en forme d’énorme pochette-surprise, qui ne recule pas devant les frasques pour recréer Hollywood au temps du muet. Une époque lointaine que le réalisateur de La La Land (2016) semble avoir dans le sang, comme une fièvre. Possédé, il envoie valser l’image figée du vénérable cinéma de cinémathèque et fait d’emblée surgir des corps, de la sensualité, pour redonner chair à des êtres humains qu’on imaginerait spontanément comme des silhouettes diaphanes, fantomatiques, en noir et blanc. Les voilà qui font la fête en parfaits débauchés et lorsque, encore un peu titubants, ils se mettent à tourner un film, le grand tumulte continue et devient hilarant. En remontant le temps jusqu’aux années 1920, Damien Chazelle trouve une énergie. Celle des pionniers qui le fascinent, comme le montrait son précédent film, First Man : Le premier homme sur la lune (2018). Celle des audacieux, prêts à courir après un rêve et capables de le réaliser. Ce feu sacré des conquérants fait bouillir l’étonnante marmite qu’est Babylon, plus de trois heures de cinéma orchestrées comme des battements de cœur, avec un souffle de marathonien. Le tempo est le langage de prédilection du réalisateur de Whiplash (2014), qui reste fidèle à son talentueux « metteur en musique », Justin Hurvitz, lequel a concocté cette fois une partition toujours jazzy mais souvent frénétique. Tout est vitalité ici, même les personnages, et pas seulement le trompettiste noir nommé Sidney Palmer (Jovan Adepo). Dieux de l’écran Pour raconter ceux qui ont cru au cinématographe et ont vécu un moment unique de son histoire, le scénario ne suit pas une intrigue mais des mouvements, croise les trajectoires de quelques figures emblématiques, utilisées comme des vibrations. Dans le sillage de Jack Conrad (Brad Pitt), flotte un parfum de puissance et de gloire, l’aura un peu irréelle et excentrique d’un dieu de l’écran. Nellie LaRoy (Margot Robbie) fait, elle, surgir la lumière que cherche la caméra : avant même de briller, l’actrice débutante est déjà une étoile. À ses côtés, Manny Torres (Diego Calva) est une caisse de résonance pour l’accélérateur de destinées qu’a mis en route l’industrie cinématographique naissante : parce que tout ce qui a un rapport avec les films l’intéresse, le jeune émigré mexicain fera tout dans l’usine à rêves, de grouillot à directeur de studio. Le cinéma ouvre le royaume des grandes espérances, invite à jouer, à perdre la raison, transforme le peuple de Babylon en gamins surexcités qui croient au Père Noël. Damien Chazelle ne fait pas que rendre hommage à ce passé illuminé, il le prend pour exemple : son film est une folie d’auteur comme on n’en verra peut-être plus jamais, une production luxueuse menée avec une réjouissante et impertinente jeunesse. L’éléphant qui tient la vedette de la première scène impose cocassement cet esprit junior, parfois proche du dessin animé — un serpent à sonnette et un crocodile le confirmeront. La légèreté est ici une manière de prendre la défense du cinéma, qui fut très tôt accusé, comme on nous le montre, d’être un art mineur. C’est justement ce qu’il a de mineur qui en fait un art majeur, nous dit le réalisateur, démonstration magistrale à l’appui. Histoire collective Dans une atmosphère de grand bazar, la beauté surgit. Tout allait de travers sur le plateau du film en costumes de Jack Conrad, et soudain la magie opère. Pendant le tournage brouillon de La Bonne en vadrouille, la réalisatrice Ruth Adler (Olivia Hamilton) s’enhardit à diriger la manière dont Nelly LaRoy va pleurer, et le miracle se produit : une larme coule, le plan est parfait, le pouvoir de l’image révèle sa fulgurance. Ceux qui, au temps du muet, bricolaient des films avec les moyens du bord ont trouvé de l’or. Ils sont devenus des artistes parce qu’ils ont adoré leur métier, mais leur trésor a attiré les gestionnaires, nous dit Chazelle. Qui nous fait comprendre, mieux que jamais, comment la professionnalisation du cinéma, avec l’arrivée du parlant, a brutalement freiné l’élan de liberté qui portait les premiers films. Hollywood s’est bâti en imposant des normes techniques et artistiques mais aussi morales, raciales et sexistes. Une reprise en main totale qui inspire des scènes magnifiquement ressenties, évoquant le passage de la lumière à l’ombre. Ainsi, la sortie mélancolique et funèbre de Jack Conrad, un grand moment de cinéma porté par un grand Brad Pitt. Babylon nous apprend beaucoup, étonnamment. Car tout a été fait pour fuir le didactisme. Le cinéphile Damien Chazelle s’est judicieusement méfié de la mémoire des spécialistes, des noms qu’il faut connaître, des incontournables qu’il faut citer. C’est une histoire collective qu’il veut partager. Alors, il nous en donne les clés, par exemple en nous révélant les références qu’il fait au fameux Chantons sous la pluie (1952), qui évoquait l’arrivée du parlant. Surtout, il nous dit que cette histoire est la nôtre, spectateurs, et il nous y inscrit à travers de très belles scènes qui ont pour décor une salle de cinéma. Un lieu qui n’est jamais celui de la nostalgie, mais de la vie. UN SUJET PRISÉL’histoire du cinéma américain a régulièrement été revisitée par ses réalisateurs, qui ont voulu donner leur vision du microcosme qu’est Hollywood. Comme Robert Altman (The Player, 1992) ou Quentin Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood, 2019, avec, déjà, le duo de Babylon, Brad Pitt et Margot Robbie). Récemment, les mythes que sont Marilyn Monroe et Citizen Kane ont inspiré Blonde, d’Andrew Dominik, et Mank, de David Fincher, lancés sur Netflix… La période du muet a trouvé un écho légendaire dans le personnage de la star oubliée de Sunset Boulevard (1950), de Billy Wilder, interprétée par Gloria Swanson, qui régna sur les années 1920 et dont le nom est, avec celui de Garbo, l’un des rares vrais patronymes cités dans Babylon. Mais le seul film sur le Hollywood de cette époque à avoir obtenu cinq oscars est français : The Artist (2011), de Michel Hazanavicius.

Année : 2022

Avec : Brad Pitt, Diego Calva, Jean Smart, Jillian Meyers, Jovan Adepo, Li Jun, Lukas Haas, Margot Robbie, Max Minghella, Moore Mandy, Olivia Wilde, P J Byrne, Rory Scovel, Tobey Maguire

Antérieurement en 2023
 

Babylon

Télévision : 12 septembre 2023 à 23:17-02:20 sur Canal +

film : comédie dramatique

Los Angeles, au début des années 1920. Après une période de balbutiements, l'industrie cinématographique est désormais en plein boom, et nombreux sont ceux qui veulent profiter de ce nouvel eldorado. Nellie LaRoy, une aspirante actrice, Manny Torres, un jeune immigré qui nourrit des rêves de réalisation, et Jack Conrad, une star du grand écran, sont déterminés à obtenir, pour les premiers, ou à conserver, pour le dernier, une part du gâteau hollywoodien. S'ils profitent du glamour, des paillettes et des grandes fêtes décadentes, ces artistes sont aussi confrontés à la face sombre de l'industrie du divertissement... - Critique : L’ancien et le renouveau se télescopent avec brio dans cette fresque en forme d’énorme pochette-surprise, qui ne recule pas devant les frasques pour recréer Hollywood au temps du muet. Une époque lointaine que le réalisateur de La La Land (2016) semble avoir dans le sang, comme une fièvre. Possédé, il envoie valser l’image figée du vénérable cinéma de cinémathèque et fait d’emblée surgir des corps, de la sensualité, pour redonner chair à des êtres humains qu’on imaginerait spontanément comme des silhouettes diaphanes, fantomatiques, en noir et blanc. Les voilà qui font la fête en parfaits débauchés et lorsque, encore un peu titubants, ils se mettent à tourner un film, le grand tumulte continue et devient hilarant. En remontant le temps jusqu’aux années 1920, Damien Chazelle trouve une énergie. Celle des pionniers qui le fascinent, comme le montrait son précédent film, First Man : Le premier homme sur la lune (2018). Celle des audacieux, prêts à courir après un rêve et capables de le réaliser. Ce feu sacré des conquérants fait bouillir l’étonnante marmite qu’est Babylon, plus de trois heures de cinéma orchestrées comme des battements de cœur, avec un souffle de marathonien. Le tempo est le langage de prédilection du réalisateur de Whiplash (2014), qui reste fidèle à son talentueux « metteur en musique », Justin Hurvitz, lequel a concocté cette fois une partition toujours jazzy mais souvent frénétique. Tout est vitalité ici, même les personnages, et pas seulement le trompettiste noir nommé Sidney Palmer (Jovan Adepo). Dieux de l’écran Pour raconter ceux qui ont cru au cinématographe et ont vécu un moment unique de son histoire, le scénario ne suit pas une intrigue mais des mouvements, croise les trajectoires de quelques figures emblématiques, utilisées comme des vibrations. Dans le sillage de Jack Conrad (Brad Pitt), flotte un parfum de puissance et de gloire, l’aura un peu irréelle et excentrique d’un dieu de l’écran. Nellie LaRoy (Margot Robbie) fait, elle, surgir la lumière que cherche la caméra : avant même de briller, l’actrice débutante est déjà une étoile. À ses côtés, Manny Torres (Diego Calva) est une caisse de résonance pour l’accélérateur de destinées qu’a mis en route l’industrie cinématographique naissante : parce que tout ce qui a un rapport avec les films l’intéresse, le jeune émigré mexicain fera tout dans l’usine à rêves, de grouillot à directeur de studio. Le cinéma ouvre le royaume des grandes espérances, invite à jouer, à perdre la raison, transforme le peuple de Babylon en gamins surexcités qui croient au Père Noël. Damien Chazelle ne fait pas que rendre hommage à ce passé illuminé, il le prend pour exemple : son film est une folie d’auteur comme on n’en verra peut-être plus jamais, une production luxueuse menée avec une réjouissante et impertinente jeunesse. L’éléphant qui tient la vedette de la première scène impose cocassement cet esprit junior, parfois proche du dessin animé — un serpent à sonnette et un crocodile le confirmeront. La légèreté est ici une manière de prendre la défense du cinéma, qui fut très tôt accusé, comme on nous le montre, d’être un art mineur. C’est justement ce qu’il a de mineur qui en fait un art majeur, nous dit le réalisateur, démonstration magistrale à l’appui. Histoire collective Dans une atmosphère de grand bazar, la beauté surgit. Tout allait de travers sur le plateau du film en costumes de Jack Conrad, et soudain la magie opère. Pendant le tournage brouillon de La Bonne en vadrouille, la réalisatrice Ruth Adler (Olivia Hamilton) s’enhardit à diriger la manière dont Nelly LaRoy va pleurer, et le miracle se produit : une larme coule, le plan est parfait, le pouvoir de l’image révèle sa fulgurance. Ceux qui, au temps du muet, bricolaient des films avec les moyens du bord ont trouvé de l’or. Ils sont devenus des artistes parce qu’ils ont adoré leur métier, mais leur trésor a attiré les gestionnaires, nous dit Chazelle. Qui nous fait comprendre, mieux que jamais, comment la professionnalisation du cinéma, avec l’arrivée du parlant, a brutalement freiné l’élan de liberté qui portait les premiers films. Hollywood s’est bâti en imposant des normes techniques et artistiques mais aussi morales, raciales et sexistes. Une reprise en main totale qui inspire des scènes magnifiquement ressenties, évoquant le passage de la lumière à l’ombre. Ainsi, la sortie mélancolique et funèbre de Jack Conrad, un grand moment de cinéma porté par un grand Brad Pitt. Babylon nous apprend beaucoup, étonnamment. Car tout a été fait pour fuir le didactisme. Le cinéphile Damien Chazelle s’est judicieusement méfié de la mémoire des spécialistes, des noms qu’il faut connaître, des incontournables qu’il faut citer. C’est une histoire collective qu’il veut partager. Alors, il nous en donne les clés, par exemple en nous révélant les références qu’il fait au fameux Chantons sous la pluie (1952), qui évoquait l’arrivée du parlant. Surtout, il nous dit que cette histoire est la nôtre, spectateurs, et il nous y inscrit à travers de très belles scènes qui ont pour décor une salle de cinéma. Un lieu qui n’est jamais celui de la nostalgie, mais de la vie. UN SUJET PRISÉL’histoire du cinéma américain a régulièrement été revisitée par ses réalisateurs, qui ont voulu donner leur vision du microcosme qu’est Hollywood. Comme Robert Altman (The Player, 1992) ou Quentin Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood, 2019, avec, déjà, le duo de Babylon, Brad Pitt et Margot Robbie). Récemment, les mythes que sont Marilyn Monroe et Citizen Kane ont inspiré Blonde, d’Andrew Dominik, et Mank, de David Fincher, lancés sur Netflix… La période du muet a trouvé un écho légendaire dans le personnage de la star oubliée de Sunset Boulevard (1950), de Billy Wilder, interprétée par Gloria Swanson, qui régna sur les années 1920 et dont le nom est, avec celui de Garbo, l’un des rares vrais patronymes cités dans Babylon. Mais le seul film sur le Hollywood de cette époque à avoir obtenu cinq oscars est français : The Artist (2011), de Michel Hazanavicius.

Année : 2022

Avec : Brad Pitt, Diego Calva, Jean Smart, Jillian Meyers, Jovan Adepo, Li Jun, Lukas Haas, Margot Robbie, Max Minghella, Moore Mandy, Olivia Wilde, P J Byrne, Rory Scovel, Tobey Maguire

Antérieurement en 2023
 

Babylon

Télévision : 10 septembre 2023 à 02:10-05:13 sur Canal +

film : comédie dramatique

Los Angeles, au début des années 1920. Après une période de balbutiements, l'industrie cinématographique est désormais en plein boom, et nombreux sont ceux qui veulent profiter de ce nouvel eldorado. Nellie LaRoy, une aspirante actrice, Manny Torres, un jeune immigré qui nourrit des rêves de réalisation, et Jack Conrad, une star du grand écran, sont déterminés à obtenir, pour les premiers, ou à conserver, pour le dernier, une part du gâteau hollywoodien. S'ils profitent du glamour, des paillettes et des grandes fêtes décadentes, ces artistes sont aussi confrontés à la face sombre de l'industrie du divertissement... - Critique : L’ancien et le renouveau se télescopent avec brio dans cette fresque en forme d’énorme pochette-surprise, qui ne recule pas devant les frasques pour recréer Hollywood au temps du muet. Une époque lointaine que le réalisateur de La La Land (2016) semble avoir dans le sang, comme une fièvre. Possédé, il envoie valser l’image figée du vénérable cinéma de cinémathèque et fait d’emblée surgir des corps, de la sensualité, pour redonner chair à des êtres humains qu’on imaginerait spontanément comme des silhouettes diaphanes, fantomatiques, en noir et blanc. Les voilà qui font la fête en parfaits débauchés et lorsque, encore un peu titubants, ils se mettent à tourner un film, le grand tumulte continue et devient hilarant. En remontant le temps jusqu’aux années 1920, Damien Chazelle trouve une énergie. Celle des pionniers qui le fascinent, comme le montrait son précédent film, First Man : Le premier homme sur la lune (2018). Celle des audacieux, prêts à courir après un rêve et capables de le réaliser. Ce feu sacré des conquérants fait bouillir l’étonnante marmite qu’est Babylon, plus de trois heures de cinéma orchestrées comme des battements de cœur, avec un souffle de marathonien. Le tempo est le langage de prédilection du réalisateur de Whiplash (2014), qui reste fidèle à son talentueux « metteur en musique », Justin Hurvitz, lequel a concocté cette fois une partition toujours jazzy mais souvent frénétique. Tout est vitalité ici, même les personnages, et pas seulement le trompettiste noir nommé Sidney Palmer (Jovan Adepo). Dieux de l’écran Pour raconter ceux qui ont cru au cinématographe et ont vécu un moment unique de son histoire, le scénario ne suit pas une intrigue mais des mouvements, croise les trajectoires de quelques figures emblématiques, utilisées comme des vibrations. Dans le sillage de Jack Conrad (Brad Pitt), flotte un parfum de puissance et de gloire, l’aura un peu irréelle et excentrique d’un dieu de l’écran. Nellie LaRoy (Margot Robbie) fait, elle, surgir la lumière que cherche la caméra : avant même de briller, l’actrice débutante est déjà une étoile. À ses côtés, Manny Torres (Diego Calva) est une caisse de résonance pour l’accélérateur de destinées qu’a mis en route l’industrie cinématographique naissante : parce que tout ce qui a un rapport avec les films l’intéresse, le jeune émigré mexicain fera tout dans l’usine à rêves, de grouillot à directeur de studio. Le cinéma ouvre le royaume des grandes espérances, invite à jouer, à perdre la raison, transforme le peuple de Babylon en gamins surexcités qui croient au Père Noël. Damien Chazelle ne fait pas que rendre hommage à ce passé illuminé, il le prend pour exemple : son film est une folie d’auteur comme on n’en verra peut-être plus jamais, une production luxueuse menée avec une réjouissante et impertinente jeunesse. L’éléphant qui tient la vedette de la première scène impose cocassement cet esprit junior, parfois proche du dessin animé — un serpent à sonnette et un crocodile le confirmeront. La légèreté est ici une manière de prendre la défense du cinéma, qui fut très tôt accusé, comme on nous le montre, d’être un art mineur. C’est justement ce qu’il a de mineur qui en fait un art majeur, nous dit le réalisateur, démonstration magistrale à l’appui. Histoire collective Dans une atmosphère de grand bazar, la beauté surgit. Tout allait de travers sur le plateau du film en costumes de Jack Conrad, et soudain la magie opère. Pendant le tournage brouillon de La Bonne en vadrouille, la réalisatrice Ruth Adler (Olivia Hamilton) s’enhardit à diriger la manière dont Nelly LaRoy va pleurer, et le miracle se produit : une larme coule, le plan est parfait, le pouvoir de l’image révèle sa fulgurance. Ceux qui, au temps du muet, bricolaient des films avec les moyens du bord ont trouvé de l’or. Ils sont devenus des artistes parce qu’ils ont adoré leur métier, mais leur trésor a attiré les gestionnaires, nous dit Chazelle. Qui nous fait comprendre, mieux que jamais, comment la professionnalisation du cinéma, avec l’arrivée du parlant, a brutalement freiné l’élan de liberté qui portait les premiers films. Hollywood s’est bâti en imposant des normes techniques et artistiques mais aussi morales, raciales et sexistes. Une reprise en main totale qui inspire des scènes magnifiquement ressenties, évoquant le passage de la lumière à l’ombre. Ainsi, la sortie mélancolique et funèbre de Jack Conrad, un grand moment de cinéma porté par un grand Brad Pitt. Babylon nous apprend beaucoup, étonnamment. Car tout a été fait pour fuir le didactisme. Le cinéphile Damien Chazelle s’est judicieusement méfié de la mémoire des spécialistes, des noms qu’il faut connaître, des incontournables qu’il faut citer. C’est une histoire collective qu’il veut partager. Alors, il nous en donne les clés, par exemple en nous révélant les références qu’il fait au fameux Chantons sous la pluie (1952), qui évoquait l’arrivée du parlant. Surtout, il nous dit que cette histoire est la nôtre, spectateurs, et il nous y inscrit à travers de très belles scènes qui ont pour décor une salle de cinéma. Un lieu qui n’est jamais celui de la nostalgie, mais de la vie. UN SUJET PRISÉL’histoire du cinéma américain a régulièrement été revisitée par ses réalisateurs, qui ont voulu donner leur vision du microcosme qu’est Hollywood. Comme Robert Altman (The Player, 1992) ou Quentin Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood, 2019, avec, déjà, le duo de Babylon, Brad Pitt et Margot Robbie). Récemment, les mythes que sont Marilyn Monroe et Citizen Kane ont inspiré Blonde, d’Andrew Dominik, et Mank, de David Fincher, lancés sur Netflix… La période du muet a trouvé un écho légendaire dans le personnage de la star oubliée de Sunset Boulevard (1950), de Billy Wilder, interprétée par Gloria Swanson, qui régna sur les années 1920 et dont le nom est, avec celui de Garbo, l’un des rares vrais patronymes cités dans Babylon. Mais le seul film sur le Hollywood de cette époque à avoir obtenu cinq oscars est français : The Artist (2011), de Michel Hazanavicius.

Année : 2022

Avec : Brad Pitt, Diego Calva, Jean Smart, Jillian Meyers, Jovan Adepo, Li Jun, Lukas Haas, Margot Robbie, Max Minghella, Moore Mandy, Olivia Wilde, P J Byrne, Rory Scovel, Tobey Maguire

Antérieurement en 2023
 

Babylon

Télévision : 10 septembre 2023 à 02:08-05:11 sur Canal +

film : comédie dramatique

Los Angeles, au début des années 1920. Après une période de balbutiements, l'industrie cinématographique est désormais en plein boom, et nombreux sont ceux qui veulent profiter de ce nouvel eldorado. Nellie LaRoy, une aspirante actrice, Manny Torres, un jeune immigré qui nourrit des rêves de réalisation, et Jack Conrad, une star du grand écran, sont déterminés à obtenir, pour les premiers, ou à conserver, pour le dernier, une part du gâteau hollywoodien. S'ils profitent du glamour, des paillettes et des grandes fêtes décadentes, ces artistes sont aussi confrontés à la face sombre de l'industrie du divertissement... - Critique : L’ancien et le renouveau se télescopent avec brio dans cette fresque en forme d’énorme pochette-surprise, qui ne recule pas devant les frasques pour recréer Hollywood au temps du muet. Une époque lointaine que le réalisateur de La La Land (2016) semble avoir dans le sang, comme une fièvre. Possédé, il envoie valser l’image figée du vénérable cinéma de cinémathèque et fait d’emblée surgir des corps, de la sensualité, pour redonner chair à des êtres humains qu’on imaginerait spontanément comme des silhouettes diaphanes, fantomatiques, en noir et blanc. Les voilà qui font la fête en parfaits débauchés et lorsque, encore un peu titubants, ils se mettent à tourner un film, le grand tumulte continue et devient hilarant. ► Festival cinéma Télérama : du 18 au 24 janvier, les seize meilleurs films de 2022 et six avant-premières à voir pour 4 euros partout en France. Toutes les infos ici. En remontant le temps jusqu’aux années 1920, Damien Chazelle trouve une énergie. Celle des pionniers qui le fascinent, comme le montrait son précédent film, First Man : Le premier homme sur la lune (2018). Celle des audacieux, prêts à courir après un rêve et capables de le réaliser. Ce feu sacré des conquérants fait bouillir l’étonnante marmite qu’est Babylon, plus de trois heures de cinéma orchestrées comme des battements de cœur, avec un souffle de marathonien. Le tempo est le langage de prédilection du réalisateur de Whiplash (2014), qui reste fidèle à son talentueux « metteur en musique », Justin Hurvitz, lequel a concocté cette fois une partition toujours jazzy mais souvent frénétique. Tout est vitalité ici, même les personnages, et pas seulement le trompettiste noir nommé Sidney Palmer (Jovan Adepo). Dieux de l’écran Pour raconter ceux qui ont cru au cinématographe et ont vécu un moment unique de son histoire, le scénario ne suit pas une intrigue mais des mouvements, croise les trajectoires de quelques figures emblématiques, utilisées comme des vibrations. Dans le sillage de Jack Conrad (Brad Pitt), flotte un parfum de puissance et de gloire, l’aura un peu irréelle et excentrique d’un dieu de l’écran. Nellie LaRoy (Margot Robbie) fait, elle, surgir la lumière que cherche la caméra : avant même de briller, l’actrice débutante est déjà une étoile. À ses côtés, Manny Torres (Diego Calva) est une caisse de résonance pour l’accélérateur de destinées qu’a mis en route l’industrie cinématographique naissante : parce que tout ce qui a un rapport avec les films l’intéresse, le jeune émigré mexicain fera tout dans l’usine à rêves, de grouillot à directeur de studio. Le cinéma ouvre le royaume des grandes espérances, invite à jouer, à perdre la raison, transforme le peuple de Babylon en gamins surexcités qui croient au Père Noël. Damien Chazelle ne fait pas que rendre hommage à ce passé illuminé, il le prend pour exemple : son film est une folie d’auteur comme on n’en verra peut-être plus jamais, une production luxueuse menée avec une réjouissante et impertinente jeunesse. L’éléphant qui tient la vedette de la première scène impose cocassement cet esprit junior, parfois proche du dessin animé — un serpent à sonnette et un crocodile le confirmeront. La légèreté est ici une manière de prendre la défense du cinéma, qui fut très tôt accusé, comme on nous le montre, d’être un art mineur. C’est justement ce qu’il a de mineur qui en fait un art majeur, nous dit le réalisateur, démonstration magistrale à l’appui. Histoire collective Dans une atmosphère de grand bazar, la beauté surgit. Tout allait de travers sur le plateau du film en costumes de Jack Conrad, et soudain la magie opère. Pendant le tournage brouillon de La Bonne en vadrouille, la réalisatrice Ruth Adler (Olivia Hamilton) s’enhardit à diriger la manière dont Nelly LaRoy va pleurer, et le miracle se produit : une larme coule, le plan est parfait, le pouvoir de l’image révèle sa fulgurance. Ceux qui, au temps du muet, bricolaient des films avec les moyens du bord ont trouvé de l’or. Ils sont devenus des artistes parce qu’ils ont adoré leur métier, mais leur trésor a attiré les gestionnaires, nous dit Chazelle. Qui nous fait comprendre, mieux que jamais, comment la professionnalisation du cinéma, avec l’arrivée du parlant, a brutalement freiné l’élan de liberté qui portait les premiers films. Hollywood s’est bâti en imposant des normes techniques et artistiques mais aussi morales, raciales et sexistes. Une reprise en main totale qui inspire des scènes magnifiquement ressenties, évoquant le passage de la lumière à l’ombre. Ainsi, la sortie mélancolique et funèbre de Jack Conrad, un grand moment de cinéma porté par un grand Brad Pitt. Babylon nous apprend beaucoup, étonnamment. Car tout a été fait pour fuir le didactisme. Le cinéphile Damien Chazelle s’est judicieusement méfié de la mémoire des spécialistes, des noms qu’il faut connaître, des incontournables qu’il faut citer. C’est une histoire collective qu’il veut partager. Alors, il nous en donne les clés, par exemple en nous révélant les références qu’il fait au fameux Chantons sous la pluie (1952), qui évoquait l’arrivée du parlant. Surtout, il nous dit que cette histoire est la nôtre, spectateurs, et il nous y inscrit à travers de très belles scènes qui ont pour décor une salle de cinéma. Un lieu qui n’est jamais celui de la nostalgie, mais de la vie. UN SUJET PRISÉL’histoire du cinéma américain a régulièrement été revisitée par ses réalisateurs, qui ont voulu donner leur vision du microcosme qu’est Hollywood. Comme Robert Altman (The Player, 1992) ou Quentin Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood, 2019, avec, déjà, le duo de Babylon, Brad Pitt et Margot Robbie). Récemment, les mythes que sont Marilyn Monroe et Citizen Kane ont inspiré Blonde, d’Andrew Dominik, et Mank, de David Fincher, lancés sur Netflix… La période du muet a trouvé un écho légendaire dans le personnage de la star oubliée de Sunset Boulevard (1950), de Billy Wilder, interprétée par Gloria Swanson, qui régna sur les années 1920 et dont le nom est, avec celui de Garbo, l’un des rares vrais patronymes cités dans Babylon. Mais le seul film sur le Hollywood de cette époque à avoir obtenu cinq oscars est français : The Artist (2011), de Michel Hazanavicius.

Année : 2022

Avec : Brad Pitt, Diego Calva, Jean Smart, Jillian Meyers, Jovan Adepo, Li Jun, Lukas Haas, Margot Robbie, Max Minghella, Moore Mandy, Olivia Wilde, P J Byrne, Rory Scovel, Tobey Maguire

Antérieurement en 2023
 

La La Land

Télévision : 27 juin 2023 à 21:05-23:20 sur W9

film : comédie musicale

A Los Angeles, Mia, aspirante actrice, est fatiguée d'enchaîner les auditions. Sebastian, un pianiste de jazz, est remercié du club miteux où il exerce car son jeu n'est pas assez accessible aux touristes de passage. Les deux jeunes gens se rencontrent dans un embouteillage, partent sur de mauvaises bases avant de découvrir leurs nombreux points communs. Ils tombent amoureux l'un de l'autre. Sebastian veut monter son propre club pour y jouer enfin la musique qu'il aime et encourage Mia dans ses projets. Il est engagé dans un groupe dont le style est aux antipodes du sien, s'absente trop souvent et s'éloigne de son rêve. Ce qui inquiète Mia... - Critique : | Genre : Magique. Mia et Seb encaissent toutes sortes d’humiliations sur leurs chemins respectifs, vers une carrière d’actrice pour elle, l’ouverture d’un club de jazz pour lui. Leur rencontre change tout pendant quelques saisons. Comme à l’âge d’or de la comédie musicale, il y a alors, pour ces amants artistes, quelque chose de plus attirant, de plus grand que leur amour, et même que leur art : le rêve. Celui qu’ils se font d’eux-mêmes, de leur histoire, de leur avenir. Fantasmer le bonheur fait déjà leur bonheur. Los Angeles est la ville qui transforme chaque moment banal en scène de cinéma, la magique chambre d’échos qui fait basculer le quotidien vers la fiction… Ce tourbillon de chansons et de numéros dansés ambitionne de retrouver le lustre d’un Hollywood légendaire. D’autres films ont plus ou moins échoué dans cette tentative : Nine, de Rob Marshall, par académisme, ou Moulin Rouge !, de Baz Luhrmann, par outrance. La La Land y parvient grâce à un équilibre rare entre la dévotion perfectionniste et la relecture inquiète. Même si Ryan Gosling et Emma Stone ont travaillé de longs mois le chant et la danse, une fragilité émouvante dément, par instants, leur professionnalisme. Tout comme l’optimisme américain du film se laisse lézarder par la mélancolie. Au pays de Chantons sous la pluie, référence glorieuse, indépassable, Damien Chazelle le conquérant donne libre cours à son goût pour Jacques Demy et pour les amours impossibles.

Année : 2016

Avec : Claudio Claudine, Emma Stone, Finn Wittrock, Hernandez Callie, J K Simmons, Jillian Meyers, John Legend, Michael Riccio, Moore Mandy, Rosemarie DeWitt, Rothe Jessica, Ryan Gosling, Sonoya Mizuno, Terry Walters, Tom Everett