Télévision : 24 mars à 21:00-23:00 sur Arte

film : comédie musicale

A Los Angeles, Mia, aspirante actrice, est fatiguée d'enchaîner les auditions. Sebastian, un pianiste de jazz, est remercié du club miteux où il exerce car son jeu n'est pas assez accessible aux touristes de passage. Les deux jeunes gens se rencontrent dans un embouteillage, partent sur de mauvaises bases avant de découvrir leurs nombreux points communs. Ils tombent amoureux l'un de l'autre. Sebastian veut monter son propre club pour y jouer enfin la musique qu'il aime et encourage Mia dans ses projets. Il est engagé dans un groupe dont le style est aux antipodes du sien, s'absente trop souvent et s'éloigne de son rêve. Ce qui inquiète Mia... - Critique : Du sadisme de Whiplash, qui a révélé le réalisateur américain Damien Chazelle, en 2014, il reste des échos dans La La Land. Comme le jeune batteur de ce film-là, dressé à la cravache par un chef d’orchestre impitoyable, Mia (Emma Stone) et Seb (Ryan Gosling) encaissent toutes sortes d’humiliations sur leurs chemins respectifs : une carrière d’actrice pour elle, l’ouverture d’un club de jazz pour lui. Mais ces épreuves vers un hypothétique accomplissement ne sont plus l’unique obsession du cinéaste. En témoigne l’époustouflante scène d’ouverture sur une bretelle d’autoroute saturée de Los Angeles, direction Hollywood, où les deux héros n’apparaissent que tardivement. Des dizaines d’automobilistes sortent de leur véhicule et se mettent à danser au soleil, à chanter leur joie, leur enthousiasme pour leur ville et sa spécialité, le show-business. Au vu de cette kyrielle de personnages, on pourrait croire à un film choral — en plus d’être (souvent) chanté. Fausse piste. La La Land se resserre sur Mia et Seb. Mais reste, pendant plus de deux heures, formidablement pluriel et foisonnant. L’énergie de Damien Chazelle, 32 ans, le pousse à toutes sortes d’acrobaties de mise en scène et de montage, mais aussi à traquer la multiplicité des sentiments et des émotions derrière chaque situation. L’aspirante comédienne repart vaincue et blessée d’auditions où elle brille pourtant. Le pianiste qu’interprète Ryan Gosling avec une classe incomparable se bat pour ses projets, mais il se sait obsédé par une musique (le jazz pur et dur) en voie d’extinction, ou déjà disparue. Il vit seul, encombré de reliques liées à sa passion, dans un appartement-mausolée. Damien Chazelle : « Il y a quelque chose de rugueux dans le monde de ‘La La Land’ » L’histoire d’amour elle-même change sans cesse de tonalité. Comme à l’âge d’or de la comédie hollywoodienne, Mia et Seb s’agressent d’abord mutuellement chaque fois qu’ils se rencontrent. Plusieurs indices suggèrent que le désir de la jeune femme pour le musicien n’est pas réciproque. Plus tard, l’ivresse de leurs sentiments devenus impérieux inspire à Damien Chazelle de superbes variations chorégraphiques sur le thème de l’envol... Puis le film devient un traité acéré de la désillusion amoureuse sur fond d’aspirations professionnelles contrariées. « Tu m’aimais mieux quand je galérais, parce que ça te rassurait ! » est la réplique cinglante de Seb à Mia après deux saisons de vie commune. Pour ces amants artistes, il y a quelque chose de plus attirant, de plus grand que leur amour, et même que leur art : le rêve. Celui qu’ils se font d’eux-mêmes, de leur histoire, de leur avenir. Fantasmer le bonheur fait déjà leur bonheur. Los Angeles est la ville qui transforme chaque moment banal en scène de cinéma, la chambre d’écho magique qui fait basculer le quotidien vers la fiction la plus radieuse. Damien Chazelle ne se prive pas de filmer tous les coins traversés par ses deux héros comme les décors mythiques qu’ils furent et demeurent. Notamment l’Observatoire, si présent dans La Fureur de vivre, de Nicholas Ray, film préféré de Sebastian. Ce tourbillon de chansons et de numéros dansés ambitionne de retrouver le lustre d’un Hollywood légendaire. Pour ne parler que de ces vingt dernières années, d’autres films ont plus ou moins échoué dans cette tentative : Nine (Rob Marshall), par académisme, et Moulin Rouge (de Baz Luhrmann), par outrance. La La Land y parvient grâce à un équilibre rare entre la dévotion perfectionniste et la relecture inquiète. Même si Ryan Gosling et Emma Stone ont travaillé de longs mois leur chant et leur danse, une fragilité émouvante dément, par instants, leur professionnalisme. Tout comme l’optimisme américain du film se laisse lézarder par la mélancolie. Au pays de Chantons sous la pluie, référence glorieuse, indépassable, Damien Chazelle le conquérant donne libre cours à son goût pour Jacques Demy et pour les amours impossibles.

Année : 2016

Avec : Claudio Claudine, Emma Stone, Finn Wittrock, Hernandez Callie, J K Simmons, Jillian Meyers, John Legend, Michael Riccio, Moore Mandy, Rosemarie DeWitt, Rothe Jessica, Ryan Gosling, Sonoya Mizuno, Terry Walters, Tom Everett