Télévision : 12 juillet 2018 à 00:35-02:45 sur Arte

film : comédie dramatique

Deux grands morceaux de bravoure illuminent ce deuxième volet de la fresque sur le Portugal contemporain. Le procès loufoque, sous les étoiles, de toute une société. Et le portrait bouleversant de vieux amants à la dérive, sur fond de tubes des années 80. Critique : Le premier volume se terminait par l'implosion d'une baleine échouée (l'Europe ?) et par le grand bain de mer salvateur d'un peuple déjà lessivé par la crise. Mais il est possible de plonger directement dans ce deuxième volet sans rien savoir du tout. Comme certains proustiens recommandent aux profanes de commencer La Recherche non par le début, mais par La Prisonnière, on suggère même, à qui aurait manqué l'épisode 1 des Mille et Une Nuits, de voir d'abord celui-ci : Le Désolé. Il compte deux grands morceaux de bravoure, deux chapitres parmi les plus fous de cette fresque chatoyante sur le Portugal contemporain. Au bout d'une demi-heure s'ouvre un procès inédit, à ciel ouvert, sous les étoiles, en présence de Lisboètes ordinaires, mais aussi de créatures chimériques. Peu à peu, les auditions des plaignants, des accusés et des témoins dessinent une chaîne inextricable de responsabilités. La culpabilité des uns tombe. L'innocence des autres devient douteuse. Tout le monde est à condamner, chacun mérite d'être pardonné... Le capitalisme et l'avidité qu'il favorise sont finalement les seules causes irréfutables de nos maux : voilà une vérité souvent entendue, mais rarement exprimée avec cette fantaisie de démiurge, engendrant tout un monde à partir d'une querelle de voisinage. Autre univers transfiguré par l'imaginaire : une cité HLM engourdie par le chômage et l'austérité. Certains habitants apparaissent dans une histoire très courte, une anecdote, presque un gag. D'autres suggèrent tout un roman. Comme ce couple au bord de la vieillesse, d'anciens amants passionnés, on le devine, se laissant glisser vers le néant entre tabagisme forcené, désoeuvrement mélancolique et tubes des années 1980. Ces ruines de bonheur, entrevues à travers la fumée, rappellent Tabou, précédent film de Miguel Gomes, dont on retrouve une actrice, Teresa Madruga. La surprise vient, cette fois, d'un petit chien — mais oui. Ange gardien des naufragés de l'immeuble, lien social à lui tout seul, dépositaire de la mémoire des lieux, il dialogue avec son propre fantôme entre deux services rendus aux humains... A l'anémie de la crise, Les Mille et Une Nuits oppose un animisme malicieux et bienfaisant.— Louis Guichard

Année : 2015

Avec : Miguel Gomes, Cristina Alfaiate, Chico Chapas, Luísa Cruz, Pedro Caldas, Gonçalo Waddington, Margarida Carpinteiro, Carla Maciel, Carloto Cotta