Suzanne Schmidt : passages TV

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Récemment en avril
 

Amour

Télévision : 17 avril à 20:55-23:00 sur Arte

film : drame

Anne et Georges, deux anciens professeurs de musique maintenant octogénaires, ne sortent guère plus de leur bel appartement parisien. Ils ont eu une fille, Eva, musicienne elle aussi, qui s'est installée à l'étranger. Un accident vasculaire cérébral conduit Anne à l'hôpital. Elle en revient diminuée, à demi-paralysée. Georges embauche une infirmière puis la renvoie, insatisfait de ses services. Se reposant seulement sur l'aide occasionnelle d'un couple de concierges, il vit peu à peu reclus. L'amour infini qui unit Anne et Georges entre dans sa dernière épreuve. Tandis que l'état de santé d'Anne se détériore lentement, Georges mobilise ses souvenirs... - Critique : GENRE : Ni avec toi ni sans toi. Les avis sont patagés Pour Anne et Georges ont passé des décennies ensemble. Soudain, la série d'accidents vasculaires dont Anne est victime les prive de ce qui faisait la saveur de leur vie à deux. Mais ne les prive pas de leur vie à deux. Pas encore. Le film montre comment le dépérissement et l'imminence de la mort resserrent le lien et renforcent l'autarcie. Comment un couple redevient, dans l'épreuve ­finale, une cellule fusionnelle, excluant les autres, même les proches supposés ou légitimes. Comme souvent avec Haneke, on voit le plus terrible, le plus dérangeant. Mais, et c'est moins fréquent chez le cinéaste, on voit aussi le plus familier, le plus tendre. A la fois les extrémités du quotidien partagé et les gestes ­extrêmes de l'amour. De l'amour, ou autre chose d'insondable... Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva sont au-delà des larmes, et d'autant plus impressionnants. Mais ils se fondent, humblement, dans le grand dessein de Haneke : livrer une sorte de témoignage fictionnel sur les confins de la condition humaine. Des images concrètes, mais aussi très mentales, qui nous hantent comme si elles étaient fichées dans nos cerveaux ­depuis toujours. Pour ceux qui hésiteraient encore à le voir, Amour n'est pas une visite de deux heures chez une vieille malade incurable et son mari, mais bien un film (Palme d'or à Cannes). Cathartique. Libérateur. Il est permis de prendre plaisir à ce cinéma funeste, de savourer intensément ses ténèbres. Comme l'a écrit le vieux Hegel : « C'est dans la gravité que l'on trouve le plus de joie. » — Louis Guichard Contre Quand Ingmar Bergman, jadis, montrait interminablement les hurlements de douleur d'une mourante, il avait un but : fustiger l'assourdissant silence de Dieu. Michael Haneke filme, lui aussi, des plaintes et des gémissements, mais, pas un instant, on ne comprend pourquoi. La spiritualité est étrangère à son oeuvre. Et l'indulgence, aussi. A quoi peut bien servir, alors, cet Amour qui en est si dépourvu ? Rappeler aux distraits et aux inconscients qu'avant de s'en aller sous terre nourrir les vers, ils risquent de finir leur vie en bavoir et couche-culotte ? Son film, c'est cette banalité ? Cette évidence ? Mais tout le monde le sait et le redoute, pas besoin que ce moralisateur sadique nous le rappelle avec tant de froideur et d'insensibilité. — Pierre Murat Ce programme est disponible sur MUBI.

Année : 2012

Avec : Alexandre Tharaud, Carole Franck, Dinara Drukarova, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert, Jean-Louis Trintignant, Jean-Michel Monroc, Laurent Capelluto, Ramón Agirre, Rita Blanco, Suzanne Schmidt, William Shimell

Récemment en février
 

Une enfance volée : l'affaire Finaly

Télévision : 3 février à 22:30-00:00 sur La Chaîne Parlementaire

téléfilm dramatique

En 1944, deux enfants en bas âge, Gérald et Robert, sont cachés dans une crèche de Grenoble alors que leurs parents juifs sont déportés. A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, la tante des deux petits tente de retrouver la trace de ses neveux. Elle fait appel à Moïse Keller, un vieil ami vivant à Grenoble. Celui-ci trouve rapidement la trace de Gérald et Robert. Mais il se heurte à l'hostilité d'Antoinette Brun, la tutrice officielle des garçons. En effet, celle-ci refuse catégoriquement de les confier à leur tante. Usant de tous les stratagèmes à sa disposition, Antoinette Brun obtient même l'appui des notables locaux. Lorsqu'elle fait baptiser Gérald et Robert, le scandale éclate. Et l'affaire finit devant les tribunaux... - Critique : La Seconde Guerre mondiale et ses conséquences n’en finissent plus d’inspirer les scénaristes des fictions télé. Dans L’Affaire Finaly, Philippe Bernard reconstitue un célèbre fait divers des années 1940 et 1950. Avant d’être déporté et assassiné à Ausch­witz, un couple de juifs autrichiens réfugié à Grenoble a pu confier ses deux garçons à une directrice de crèche, Antoinette Brun (Charlotte de Turckheim, méconnaissable). Après l’armistice, la tante de Gérald et Robert Finaly les réclame à la bonne Samaritaine… qui refuse de les rendre. C’est le début d’un marathon judiciaire de huit ans, avec scandale politico-médiatique et enlèvement d’enfants. Le scénario rappelle avec clarté l’attitude ambiguë de l’Église catholique, dont la charité chrétienne affichée (empêcher que deux enfants partent pour un pays en guerre, Israël) masquait difficilement l’antijudaïsme (Gérald et Robert ont été baptisés pour être « sauvés » de la religion de leurs parents). Intéressant dans sa chronique de la société française d’après guerre, le téléfilm de Fabrice Genestal s’égare en revanche dans la longue description de la fuite des petits Finaly en Espagne. Une tentative maladroite d’apporter du suspense à un récit qui n’en avait pas besoin.

De : Fabrice Genestal

Avec : Charlotte de, Elisabeth Macocco, Frédéric Merlo, Gilles Chabrier, Jacques Herlin, Jean-Marie Winling, Laurent Vercelletto, Michel Laroussi, Pierre Cassignard, Suzanne Schmidt, Titouan Gorzegno, Valentin Pradelle

Récemment en février
 

Une enfance volée : l'affaire Finaly

Télévision : 2 février à 22:00-23:31 sur La Chaîne Parlementaire

téléfilm dramatique

En 1944, deux enfants en bas âge, Gérald et Robert, sont cachés dans une crèche de Grenoble alors que leurs parents juifs sont déportés. A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, la tante des deux petits tente de retrouver la trace de ses neveux. Elle fait appel à Moïse Keller, un vieil ami vivant à Grenoble. Celui-ci trouve rapidement la trace de Gérald et Robert. Mais il se heurte à l'hostilité d'Antoinette Brun, la tutrice officielle des garçons. En effet, celle-ci refuse catégoriquement de les confier à leur tante. Usant de tous les stratagèmes à sa disposition, Antoinette Brun obtient même l'appui des notables locaux. Lorsqu'elle fait baptiser Gérald et Robert, le scandale éclate. Et l'affaire finit devant les tribunaux... - Critique : La Seconde Guerre mondiale et ses conséquences n’en finissent plus d’inspirer les scénaristes des fictions télé. Dans L’Affaire Finaly, Philippe Bernard reconstitue un célèbre fait divers des années 1940 et 1950. Avant d’être déporté et assassiné à Ausch­witz, un couple de juifs autrichiens réfugié à Grenoble a pu confier ses deux garçons à une directrice de crèche, Antoinette Brun (Charlotte de Turckheim, méconnaissable). Après l’armistice, la tante de Gérald et Robert Finaly les réclame à la bonne Samaritaine… qui refuse de les rendre. C’est le début d’un marathon judiciaire de huit ans, avec scandale politico-médiatique et enlèvement d’enfants. Le scénario rappelle avec clarté l’attitude ambiguë de l’Église catholique, dont la charité chrétienne affichée (empêcher que deux enfants partent pour un pays en guerre, Israël) masquait difficilement l’antijudaïsme (Gérald et Robert ont été baptisés pour être « sauvés » de la religion de leurs parents). Intéressant dans sa chronique de la société française d’après guerre, le téléfilm de Fabrice Genestal s’égare en revanche dans la longue description de la fuite des petits Finaly en Espagne. Une tentative maladroite d’apporter du suspense à un récit qui n’en avait pas besoin.

De : Fabrice Genestal

Avec : Charlotte de, Elisabeth Macocco, Frédéric Merlo, Gilles Chabrier, Jacques Herlin, Jean-Marie Winling, Laurent Vercelletto, Michel Laroussi, Pierre Cassignard, Suzanne Schmidt, Titouan Gorzegno, Valentin Pradelle

Récemment en février
 

Une enfance volée : l'affaire Finaly

Télévision : 2 février à 22:00-23:30 sur La Chaîne Parlementaire

téléfilm dramatique

En 1944, deux enfants en bas âge, Gérald et Robert, sont cachés dans une crèche de Grenoble alors que leurs parents juifs sont déportés. A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, la tante des deux petits tente de retrouver la trace de ses neveux. Elle fait appel à Moïse Keller, un vieil ami vivant à Grenoble. Celui-ci trouve rapidement la trace de Gérald et Robert. Mais il se heurte à l'hostilité d'Antoinette Brun, la tutrice officielle des garçons. En effet, celle-ci refuse catégoriquement de les confier à leur tante. Usant de tous les stratagèmes à sa disposition, Antoinette Brun obtient même l'appui des notables locaux. Lorsqu'elle fait baptiser Gérald et Robert, le scandale éclate. Et l'affaire finit devant les tribunaux... - Critique : La Seconde Guerre mondiale et ses conséquences n’en finissent plus d’inspirer les scénaristes des fictions télé. Dans L’Affaire Finaly, Philippe Bernard reconstitue un célèbre fait divers des années 1940 et 1950. Avant d’être déporté et assassiné à Ausch­witz, un couple de juifs autrichiens réfugié à Grenoble a pu confier ses deux garçons à une directrice de crèche, Antoinette Brun (Charlotte de Turckheim, méconnaissable). Après l’armistice, la tante de Gérald et Robert Finaly les réclame à la bonne Samaritaine… qui refuse de les rendre. C’est le début d’un marathon judiciaire de huit ans, avec scandale politico-médiatique et enlèvement d’enfants. Le scénario rappelle avec clarté l’attitude ambiguë de l’Église catholique, dont la charité chrétienne affichée (empêcher que deux enfants partent pour un pays en guerre, Israël) masquait difficilement l’antijudaïsme (Gérald et Robert ont été baptisés pour être « sauvés » de la religion de leurs parents). Intéressant dans sa chronique de la société française d’après guerre, le téléfilm de Fabrice Genestal s’égare en revanche dans la longue description de la fuite des petits Finaly en Espagne. Une tentative maladroite d’apporter du suspense à un récit qui n’en avait pas besoin.

De : Fabrice Genestal

Avec : Charlotte de, Elisabeth Macocco, Frédéric Merlo, Gilles Chabrier, Jacques Herlin, Jean-Marie Winling, Laurent Vercelletto, Michel Laroussi, Pierre Cassignard, Suzanne Schmidt, Titouan Gorzegno, Valentin Pradelle

Antérieurement en 2023
 

Une enfance volée : l'affaire Finaly

Télévision : 11 mars 2023 à 22:30-00:01 sur La Chaîne Parlementaire

téléfilm dramatique

En 1944, deux enfants en bas âge, Gérald et Robert, sont cachés dans une crèche de Grenoble alors que leurs parents juifs sont déportés. A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, la tante des deux petits tente de retrouver la trace de ses neveux. Elle fait appel à Moïse Keller, un vieil ami vivant à Grenoble. Celui-ci trouve rapidement la trace de Gérald et Robert. Mais il se heurte à l'hostilité d'Antoinette Brun, la tutrice officielle des garçons. En effet, celle-ci refuse catégoriquement de les confier à leur tante. Usant de tous les stratagèmes à sa disposition, Antoinette Brun obtient même l'appui des notables locaux. Lorsqu'elle fait baptiser Gérald et Robert, le scandale éclate. Et l'affaire finit devant les tribunaux... - Critique : La Seconde Guerre mondiale et ses conséquences n'en finissent plus d'inspirer les scénaristes des fictions télé. Dans L' Affaire Finaly, Philippe Bernard reconstitue un célèbre fait divers des années 1940 et 1950. Avant d'être déporté et assassiné à Ausch­witz, un couple de Juifs autrichiens réfugié à Grenoble a pu confier ses deux garçons à une directrice de crèche, Antoinette Brun (Charlotte de Turckheim, méconnaissable). Après l'armistice, la tante de Gérald et Robert Finaly les réclame à la bonne Samaritaine... qui refuse de les rendre. C'est le début d'un marathon judiciaire de huit ans, avec scandale politico-médiatique et enlèvement d'enfants. Le scénario rappelle avec clarté l'attitude ambiguë de l'Eglise catholique, dont la charité chrétienne affichée (empêcher que deux enfants partent pour un pays en guerre, Israël) masquait difficilement l'antijudaïsme (Gérald et Robert ont été baptisés pour être « sauvés » de la religion de leurs parents). Intéressant dans sa chronique de la société française d'après guerre, le téléfilm de Fabrice Genestal s'égare en revanche dans la longue description de la fuite des petits Finaly en Espagne. Une tentative maladroite d'apporter du suspense dans un récit qui n'en avait pas besoin. — Samuel Douhaire

De : Fabrice Genestal

Avec : Charlotte de, Elisabeth Macocco, Frédéric Merlo, Gilles Chabrier, Jacques Herlin, Jean-Marie Winling, Laurent Vercelletto, Michel Laroussi, Pierre Cassignard, Suzanne Schmidt, Titouan Gorzegno, Valentin Pradelle

Antérieurement en 2017
 

Amour

Télévision : 13 octobre 2017 à 13:35-15:40 sur Arte

film : drame

Palme d'or 2012, ce film de Michael Haneke raconte les derniers mois d'un couple d'octogénaires (Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, impressionnants), dévasté par la maladie. Avis partagés : une traversée bouleversante ou dénuée de compassion ? - Critique :

POUR

Ils sont deux spectateurs, visiblement heureux de l'être, assis dans leurs fauteuils rouges, lovés dans la pénombre. C'est l'une des premières scènes, et elle est sidérante par son effet miroir : le couple assiste à un concert, mais il pourrait aussi bien se trouver dans une salle de cinéma. Eux, c'est donc nous. Et ça ferait presque peur de s'identifier ainsi à des personnages de Michael Haneke, le père fouettard des écrans, le rigoriste qui débusque chez tout le monde la barbarie, la monstruosité...

Or ce film marque une révolution dans son oeuvre. Le titre n'a rien d'une antiphrase diabolique. Amour parle d'amour. Anne et Georges ont passé plusieurs décennies ensemble. Ils sont octogénaires. Soudain, la série d'accidents vasculaires dont Anne est victime les prive à jamais de ce qui faisait la saveur de leur vie à deux. Mais ne les prive pas de leur vie à deux. Pas encore. Le film montre comment le dépérissement (physique et psychique) et la perspective de la mort resserrent le lien et renforcent l'autarcie. Comment un couple redevient, dans l'épreuve finale, une cellule fusionnelle, excluant les autres, même les proches supposés ou légitimes.

Pour dire cette alliance ultime et bouleversante contre le monde entier, Michael Haneke quadrille un espace intérieur. Tout se déroule dans le vieil appartement haussmannien d'Anne et Georges, rempli de vieux livres, vieux meubles, vieux rideaux, et où le matériel médical devenu nécessaire s'intègre si mal. Ce logement, on le connaît très vite par coeur, au point d'anticiper le moindre trajet du fauteuil roulant d'Anne. Il est rare qu'une mise en scène produise une telle intimité avec un lieu.

On en ressent d'autant mieux la complexité du rapport à l'extérieur, l'étrangeté intempestive des visiteurs. Ainsi l'ancien élève, devenu illustre, de cette professeur de musique que fut Anne — Alexandre Tharaud, le pianiste, tient le rôle. Le jeune homme est si imprégné de son art, de son succès et de lui-même, si effrayé par la paralysie d'Anne que sa compassion sincère a quelque chose d'obscène. Ainsi la fille unique du couple (Isabelle Huppert) à la fois effondrée et coléreuse, surtout le temps de ses visites semble-t-il, ne pouvant croire que « de nos jours, il n'y ait aucune manière de traiter ça de façon plus efficace ! » — on dirait du Flaubert... Georges ira jusqu'à empêcher la fille de voir la mère alitée, aphasique, méconnaissable : « Rien de tout cela ne mérite d'être montré. »

Et le regard de Haneke, alors, sur cette déchéance galopante du corps et de l'esprit ? Frontal et droit. Sans esquive mais sans cruauté. Il n'y a pas de larmes sur les visages d'Emmanuelle Riva et de Jean-Louis Trintignant, immenses de bout en bout, elle dans une autorité altière bientôt ruinée par la maladie, lui gardant un reste d'humour coupant. L'issue est dévoilée d'emblée par un prologue brutal. Le pacte avec le spectateur est donc clair : accompagner le couple dans le long voyage du jour à la nuit. Comprendre les gestes ultimes et extrêmes comme découlant d'une longue histoire partagée, d'une manière commune d'être au monde.

Pour ceux qui hésiteraient à le voir, Amour n'est pas un enterrement ni une visite de deux heures chez une vieille malade incurable et son mari, mais bien un film (Palme d'or à Cannes). Sous-tendu par le goût de la vie — serait-elle derrière soi — et tendu vers le dehors, qu'Anne et Georges rejoindront finalement comme en rêve. Un film qui, par ses échappées mélomanes et ses gros plans sur les tableaux dans l'appartement, réaffirme aussi la place de l'art, le bonheur d'écouter une musique triste ou de contempler la peinture d'un paysage désolé. Il est permis de prendre plaisir à ce cinéma funeste, de savourer intensément ses ténèbres et d'en sortir heureux. Comme l'a écrit le vieux Hegel : « C'est dans la gravité que l'on trouve le plus de joie. » — Louis Guichard

 

CONTRE

Quand Ingmar Bergman, jadis, notamment dans Cris et chuchotements, montrait interminablement les hurlements de douleur d'une mourante, il avait un but : fustiger, face à l'importance de chaque vie, l'assourdissant silence de Dieu. Michael Haneke filme, lui aussi, des plaintes et des gémissements, mais, pas un instant, on ne comprend pourquoi. La spiritualité est étrangère à son oeuvre. Et l'indulgence, aussi : exalter les êtres humains jusque dans leurs petitesses pour mieux révéler leur grandeur, ce n'est pas son truc. A quoi peut bien servir alors cet Amour qui en est si dépourvu ? Rappeler aux distraits et aux inconscients qu'avant de s'en aller sous terre nourrir les vers, ils finiront leur vie en bavoir et couche-culotte ? C'est ça, son film ? Cette banalité ? Cette évidence ? Mais tout le monde sait ça, tout le monde le redoute, pas besoin qu'on nous le rappelle avec tant de froideur et d'insensibilité.

Bien sûr que Haneke a du talent : Benny's Video, autrefois, Le Ruban blanc, récemment, l'ont prouvé. Seulement voilà : c'est un sombre. Un sévère (Cioran, à côté, c'est Feydeau). Un moraliste moralisateur, donneur de leçons angoissantes. Ses films, on les suit la peur au ventre, tassé dans son fauteuil, en se demandant, à chaque instant, si on supportera jusqu'au bout son sadisme. Et si oui, pourquoi... En fait, Haneke aurait tout pour égaler Bergman. Il lui manque seulement la compassion, qu'il remplace par de la rigueur. Mais la rigueur comme la sensiblerie, quand elles sont exacerbées, c'est de la pure complaisance. — Pierre Murat

Année : 2012

De : Michael Haneke

Avec : Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert, Alexandre Tharaud, William Shimell, Ramón Agirre, Rita Blanco, Carole Franck, Dinara Droukarova, Laurent Capelluto, Jean-Michel Monroc, Suzanne Schmidt

Antérieurement en 2017
 

Amour

Télévision : 6 octobre 2017 à 01:25-03:30 sur Arte

film : drame

Palme d'or 2012, ce film de Michael Haneke raconte les derniers mois d'un couple d'octogénaires (Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, impressionnants), dévasté par la maladie. Avis partagés : une traversée bouleversante ou dénuée de compassion ? - Critique :

POUR

Ils sont deux spectateurs, visiblement heureux de l'être, assis dans leurs fauteuils rouges, lovés dans la pénombre. C'est l'une des premières scènes, et elle est sidérante par son effet miroir : le couple assiste à un concert, mais il pourrait aussi bien se trouver dans une salle de cinéma. Eux, c'est donc nous. Et ça ferait presque peur de s'identifier ainsi à des personnages de Michael Haneke, le père fouettard des écrans, le rigoriste qui débusque chez tout le monde la barbarie, la monstruosité...

Or ce film marque une révolution dans son oeuvre. Le titre n'a rien d'une antiphrase diabolique. Amour parle d'amour. Anne et Georges ont passé plusieurs décennies ensemble. Ils sont octogénaires. Soudain, la série d'accidents vasculaires dont Anne est victime les prive à jamais de ce qui faisait la saveur de leur vie à deux. Mais ne les prive pas de leur vie à deux. Pas encore. Le film montre comment le dépérissement (physique et psychique) et la perspective de la mort resserrent le lien et renforcent l'autarcie. Comment un couple redevient, dans l'épreuve finale, une cellule fusionnelle, excluant les autres, même les proches supposés ou légitimes.

Pour dire cette alliance ultime et bouleversante contre le monde entier, Michael Haneke quadrille un espace intérieur. Tout se déroule dans le vieil appartement haussmannien d'Anne et Georges, rempli de vieux livres, vieux meubles, vieux rideaux, et où le matériel médical devenu nécessaire s'intègre si mal. Ce logement, on le connaît très vite par coeur, au point d'anticiper le moindre trajet du fauteuil roulant d'Anne. Il est rare qu'une mise en scène produise une telle intimité avec un lieu.

On en ressent d'autant mieux la complexité du rapport à l'extérieur, l'étrangeté intempestive des visiteurs. Ainsi l'ancien élève, devenu illustre, de cette professeur de musique que fut Anne — Alexandre Tharaud, le pianiste, tient le rôle. Le jeune homme est si imprégné de son art, de son succès et de lui-même, si effrayé par la paralysie d'Anne que sa compassion sincère a quelque chose d'obscène. Ainsi la fille unique du couple (Isabelle Huppert) à la fois effondrée et coléreuse, surtout le temps de ses visites semble-t-il, ne pouvant croire que « de nos jours, il n'y ait aucune manière de traiter ça de façon plus efficace ! » — on dirait du Flaubert... Georges ira jusqu'à empêcher la fille de voir la mère alitée, aphasique, méconnaissable : « Rien de tout cela ne mérite d'être montré. »

Et le regard de Haneke, alors, sur cette déchéance galopante du corps et de l'esprit ? Frontal et droit. Sans esquive mais sans cruauté. Il n'y a pas de larmes sur les visages d'Emmanuelle Riva et de Jean-Louis Trintignant, immenses de bout en bout, elle dans une autorité altière bientôt ruinée par la maladie, lui gardant un reste d'humour coupant. L'issue est dévoilée d'emblée par un prologue brutal. Le pacte avec le spectateur est donc clair : accompagner le couple dans le long voyage du jour à la nuit. Comprendre les gestes ultimes et extrêmes comme découlant d'une longue histoire partagée, d'une manière commune d'être au monde.

Pour ceux qui hésiteraient à le voir, Amour n'est pas un enterrement ni une visite de deux heures chez une vieille malade incurable et son mari, mais bien un film (Palme d'or à Cannes). Sous-tendu par le goût de la vie — serait-elle derrière soi — et tendu vers le dehors, qu'Anne et Georges rejoindront finalement comme en rêve. Un film qui, par ses échappées mélomanes et ses gros plans sur les tableaux dans l'appartement, réaffirme aussi la place de l'art, le bonheur d'écouter une musique triste ou de contempler la peinture d'un paysage désolé. Il est permis de prendre plaisir à ce cinéma funeste, de savourer intensément ses ténèbres et d'en sortir heureux. Comme l'a écrit le vieux Hegel : « C'est dans la gravité que l'on trouve le plus de joie. » — Louis Guichard

 

CONTRE

Quand Ingmar Bergman, jadis, notamment dans Cris et chuchotements, montrait interminablement les hurlements de douleur d'une mourante, il avait un but : fustiger, face à l'importance de chaque vie, l'assourdissant silence de Dieu. Michael Haneke filme, lui aussi, des plaintes et des gémissements, mais, pas un instant, on ne comprend pourquoi. La spiritualité est étrangère à son oeuvre. Et l'indulgence, aussi : exalter les êtres humains jusque dans leurs petitesses pour mieux révéler leur grandeur, ce n'est pas son truc. A quoi peut bien servir alors cet Amour qui en est si dépourvu ? Rappeler aux distraits et aux inconscients qu'avant de s'en aller sous terre nourrir les vers, ils finiront leur vie en bavoir et couche-culotte ? C'est ça, son film ? Cette banalité ? Cette évidence ? Mais tout le monde sait ça, tout le monde le redoute, pas besoin qu'on nous le rappelle avec tant de froideur et d'insensibilité.

Bien sûr que Haneke a du talent : Benny's Video, autrefois, Le Ruban blanc, récemment, l'ont prouvé. Seulement voilà : c'est un sombre. Un sévère (Cioran, à côté, c'est Feydeau). Un moraliste moralisateur, donneur de leçons angoissantes. Ses films, on les suit la peur au ventre, tassé dans son fauteuil, en se demandant, à chaque instant, si on supportera jusqu'au bout son sadisme. Et si oui, pourquoi... En fait, Haneke aurait tout pour égaler Bergman. Il lui manque seulement la compassion, qu'il remplace par de la rigueur. Mais la rigueur comme la sensiblerie, quand elles sont exacerbées, c'est de la pure complaisance. — Pierre Murat

Année : 2012

De : Michael Haneke

Avec : Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert, Alexandre Tharaud, William Shimell, Ramón Agirre, Rita Blanco, Carole Franck, Dinara Droukarova, Laurent Capelluto, Jean-Michel Monroc, Suzanne Schmidt

Antérieurement en 2017
 

Amour

Télévision : 4 octobre 2017 à 20:55-23:00 sur Arte

film : drame

Palme d'or 2012, ce film de Michael Haneke raconte les derniers mois d'un couple d'octogénaires (Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, impressionnants), dévasté par la maladie. Avis partagés : une traversée bouleversante ou dénuée de compassion ? - Critique :

POUR

Ils sont deux spectateurs, visiblement heureux de l'être, assis dans leurs fauteuils rouges, lovés dans la pénombre. C'est l'une des premières scènes, et elle est sidérante par son effet miroir : le couple assiste à un concert, mais il pourrait aussi bien se trouver dans une salle de cinéma. Eux, c'est donc nous. Et ça ferait presque peur de s'identifier ainsi à des personnages de Michael Haneke, le père fouettard des écrans, le rigoriste qui débusque chez tout le monde la barbarie, la monstruosité...

Or ce film marque une révolution dans son oeuvre. Le titre n'a rien d'une antiphrase diabolique. Amour parle d'amour. Anne et Georges ont passé plusieurs décennies ensemble. Ils sont octogénaires. Soudain, la série d'accidents vasculaires dont Anne est victime les prive à jamais de ce qui faisait la saveur de leur vie à deux. Mais ne les prive pas de leur vie à deux. Pas encore. Le film montre comment le dépérissement (physique et psychique) et la perspective de la mort resserrent le lien et renforcent l'autarcie. Comment un couple redevient, dans l'épreuve finale, une cellule fusionnelle, excluant les autres, même les proches supposés ou légitimes.

Pour dire cette alliance ultime et bouleversante contre le monde entier, Michael Haneke quadrille un espace intérieur. Tout se déroule dans le vieil appartement haussmannien d'Anne et Georges, rempli de vieux livres, vieux meubles, vieux rideaux, et où le matériel médical devenu nécessaire s'intègre si mal. Ce logement, on le connaît très vite par coeur, au point d'anticiper le moindre trajet du fauteuil roulant d'Anne. Il est rare qu'une mise en scène produise une telle intimité avec un lieu.

On en ressent d'autant mieux la complexité du rapport à l'extérieur, l'étrangeté intempestive des visiteurs. Ainsi l'ancien élève, devenu illustre, de cette professeur de musique que fut Anne — Alexandre Tharaud, le pianiste, tient le rôle. Le jeune homme est si imprégné de son art, de son succès et de lui-même, si effrayé par la paralysie d'Anne que sa compassion sincère a quelque chose d'obscène. Ainsi la fille unique du couple (Isabelle Huppert) à la fois effondrée et coléreuse, surtout le temps de ses visites semble-t-il, ne pouvant croire que « de nos jours, il n'y ait aucune manière de traiter ça de façon plus efficace ! » — on dirait du Flaubert... Georges ira jusqu'à empêcher la fille de voir la mère alitée, aphasique, méconnaissable : « Rien de tout cela ne mérite d'être montré. »

Et le regard de Haneke, alors, sur cette déchéance galopante du corps et de l'esprit ? Frontal et droit. Sans esquive mais sans cruauté. Il n'y a pas de larmes sur les visages d'Emmanuelle Riva et de Jean-Louis Trintignant, immenses de bout en bout, elle dans une autorité altière bientôt ruinée par la maladie, lui gardant un reste d'humour coupant. L'issue est dévoilée d'emblée par un prologue brutal. Le pacte avec le spectateur est donc clair : accompagner le couple dans le long voyage du jour à la nuit. Comprendre les gestes ultimes et extrêmes comme découlant d'une longue histoire partagée, d'une manière commune d'être au monde.

Pour ceux qui hésiteraient à le voir, Amour n'est pas un enterrement ni une visite de deux heures chez une vieille malade incurable et son mari, mais bien un film (Palme d'or à Cannes). Sous-tendu par le goût de la vie — serait-elle derrière soi — et tendu vers le dehors, qu'Anne et Georges rejoindront finalement comme en rêve. Un film qui, par ses échappées mélomanes et ses gros plans sur les tableaux dans l'appartement, réaffirme aussi la place de l'art, le bonheur d'écouter une musique triste ou de contempler la peinture d'un paysage désolé. Il est permis de prendre plaisir à ce cinéma funeste, de savourer intensément ses ténèbres et d'en sortir heureux. Comme l'a écrit le vieux Hegel : « C'est dans la gravité que l'on trouve le plus de joie. » — Louis Guichard

 

CONTRE

Quand Ingmar Bergman, jadis, notamment dans Cris et chuchotements, montrait interminablement les hurlements de douleur d'une mourante, il avait un but : fustiger, face à l'importance de chaque vie, l'assourdissant silence de Dieu. Michael Haneke filme, lui aussi, des plaintes et des gémissements, mais, pas un instant, on ne comprend pourquoi. La spiritualité est étrangère à son oeuvre. Et l'indulgence, aussi : exalter les êtres humains jusque dans leurs petitesses pour mieux révéler leur grandeur, ce n'est pas son truc. A quoi peut bien servir alors cet Amour qui en est si dépourvu ? Rappeler aux distraits et aux inconscients qu'avant de s'en aller sous terre nourrir les vers, ils finiront leur vie en bavoir et couche-culotte ? C'est ça, son film ? Cette banalité ? Cette évidence ? Mais tout le monde sait ça, tout le monde le redoute, pas besoin qu'on nous le rappelle avec tant de froideur et d'insensibilité.

Bien sûr que Haneke a du talent : Benny's Video, autrefois, Le Ruban blanc, récemment, l'ont prouvé. Seulement voilà : c'est un sombre. Un sévère (Cioran, à côté, c'est Feydeau). Un moraliste moralisateur, donneur de leçons angoissantes. Ses films, on les suit la peur au ventre, tassé dans son fauteuil, en se demandant, à chaque instant, si on supportera jusqu'au bout son sadisme. Et si oui, pourquoi... En fait, Haneke aurait tout pour égaler Bergman. Il lui manque seulement la compassion, qu'il remplace par de la rigueur. Mais la rigueur comme la sensiblerie, quand elles sont exacerbées, c'est de la pure complaisance. — Pierre Murat

Année : 2012

De : Michael Haneke

Avec : Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert, Alexandre Tharaud, William Shimell, Ramón Agirre, Rita Blanco, Carole Franck, Dinara Droukarova, Laurent Capelluto, Jean-Michel Monroc, Suzanne Schmidt