Angelo Badalamenti : passages TV et dernières sorties DVD/Blu-ray

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Récemment en janvier
 

Blue Velvet

Télévision : 22 janvier à 22:55-00:50 sur Arte

film : thriller

A Lumberton, petite ville vivant de l'exploitation forestière, tout est calme. Alors qu'il tond sa pelouse, un homme est frappé d'une crise cardiaque. Jeffrey, son fils, va lui rendre visite à l'hôpital. En chemin, il découvre une oreille humaine dans un terrain vague. Après l'avoir apportée au commissariat, il mène lui-même l'enquête et interroge Sandy, la fille de l'inspecteur Williams. Celle-ci l'oriente vers Dorothy Vallens, une chanteuse de cabaret aux moeurs étranges, fortement soupçonnée d'avoir fait disparaître son mari. Jeffrey assiste au curieux traitement qu'inflige à Dorothy une sombre brute, Frank, avant de tenter de la consoler et de se retrouver pris au piège de l'amour... - Critique : Genre : thriller tordu. Détective amateur, Jeffrey Beaumont découvre, en épiant Dorothy Vallens, que la paisible petite bourgade de Lumberton abrite des individus louches aux moeurs douteuses, comme Frank Booth, par exemple, un tueur sadique qui se dope à l'oxygène... Jeffrey et Sandy, la fille de l'inspecteur Williams, mènent l'enquête sur ses étranges agissements. Mais, charmé par l'étrange Dorothy, Jeffrey n'est-il pas déjà pris au piège ? Des fleurs aux couleurs vives, un jardin pimpant, un concentré de rêve américain : et là, au milieu des herbes, une oreille humaine proprement tranchée... Un petit fragment de chair qui en suggère long sur la violence enfouie sous l'apparente paix, la souffrance bâillonnée par un american way of life triomphant. Tous les thèmes chers à David Lynch sont dans ce faux polar bizarre qui entraîne personnages et spectateurs dans un cauchemar langoureux, bercé par la musique cotonneuse d'Angelo Badalamenti. Pas d'afféterie dans ce regard obsessionnel sur le mal, la différence, voire la difformité. Comme Le Vigan dans Quai des brumes, Lynch peint « les choses cachées derrière les choses » : derrière un nageur, il voit déjà un noyé... Elu film culte, Blue Velvet est une oeuvre qui vous hante longtemps : le rictus de Dennis Hopper, le corps apeuré d'Isabella Rossellini, l'univers expressionniste et bigarré dans lequel ils s'agitent, tout cela donne une certaine idée de l'enfer, douleur et séduction mêlées...

Année : 1986

Avec : Brad Dourif, Dean Stockwell, Dennis Hopper, Dickerson George, Frances Bay, Hope Lange, Isabella Rossellini, Jack Harvey, Kyle MacLachlan, Laura Dern, Priscilla Pointer, Stovitz Ken

Antérieurement en 2023
 

Une histoire vraie

Télévision : 8 août 2023 à 13:35-15:35 sur Arte

film : drame

Alvin Straight, 73 ans, mène une vie paisible dans une bourgade de l'Iowa. Il souhaite se réconcilier avec son frère, Lyle, gravement malade du coeur, avant qu'il ne soit trop tard. Alvin, qui souffre des hanches et n'est pas titulaire du permis de conduire, quitte sa fille et sa petite ville sur sa tondeuse à gazon, déterminé coûte que coûte à couvrir les 600 kilomètres qui le séparent de Mont Zion, dans le Wisconsin. C'est le début d'un périple mouvementé, parfois périlleux, régulièrement ponctué de rencontres. A chacune d'elles, Straight révèle un pan de son histoire, de sa vie bien remplie... - Critique : Un virage à 180 degrés. C'est grosso modo l'impression que donne Une histoire vraie par rapport à la filmographie lynchienne. Enfin, façon de parler, car des virages, il y en a peu justement : c'est plutôt la ligne droite qui domine ici. Rien à voir avec les histoires tordues et les cauchemars saccadés auxquels l'auteur nous avait accoutumés. Tout un univers dégénéré qui était presque devenu sa marque de fabrique et dont Lost Highway semblait l'accomplissement paroxystique. A moins de passer au monochrome noir ou à la lobotomie techno, on voit mal comment il aurait pu poursuivre dans cette voie. Manifestement réalisé « contre » Lost Highway, Une histoire vraie met, de fait, la pédale douce sur le désordre mental. Lynch s'aère la tête avec un road-movie qui ne doit guère dépasser les 10 kilomètres à l'heure. L'engin de locomotion utilisé ? Une tondeuse à gazon ! Car voilà, Alvin Straight, patriar- che de 73 ans sapé comme un cow-boy, n'a pas le permis. Or, il veut absolument se rendre chez son frère, gravement malade, pour se réconcilier avec lui. Cabochard invétéré ­ il ne s'appelle pas pour rien Straight ­, il décide de faire le voyage (plusieurs centaines de kilomètres !) tout seul, par ses propres moyens. Accrochée à la tondeuse, une remorque lui servira de garde-manger et d'abri de fortune pour dormir, la nuit venue. Et advienne que pourra ! Une telle histoire, ça ne s'invente pas. Histoire vraie, donc, et édifiante. Cette odyssée farfelue concentre à la fois toute la force d'un amour fraternel et la puissance orgueilleuse d'une foi qui n'a rien de religieux. En enfourchant sa tondeuse, Alvin Straight, mal en point lui aussi, défie sa propre mort en même temps que celle de son frère. Il entreprend ce voyage comme une tentative de sauvetage. C'est le paradoxe troublant et émouvant du film : son sentiment d'urgence dans la lenteur. A l'échelle de ce héros romantique contre nature, la vie défile autrement, et tout est transfiguré. Les dangers : les camions, la météo, un pépin mécanique en pleine descente. Comme les plaisirs : un essaim gracieux de cyclistes, un pont traversé, un feu au bord de la route. Ciels expansifs, collines tranquilles et champs fertiles. Perché sur sa John Deere (la Ferrari de la tondeuse), Straight parcourt l'univers comme une fourmi travailleuse et solitaire. Tache incongrue et mouvante sur fond de paysages uniformes. Assurément, Lynch filme ici en peintre, cheminant sur les traces d'Edward Hopper. Il renoue aussi avec toute une tradition du cinéma américain : celui des pionniers, du western. Son film sentimental est simple comme bonjour. Trop ? Du sentimental au sentimentalisme, la frontière est parfois mince. La musique, omniprésente, d'Angelo Badalamenti, le compositeur fétiche du cinéaste, en témoigne : tantôt magnifiquement symphonique et aérienne, toute de cordes tendues, tantôt dégoulinant de pianotage mièvre. Bien sûr, ce film fait du bien. Le même bien qu'un antidote à la vitesse supersonique du monde virtuel d'aujourd'hui, au jeunisme ambiant, au culte de la modernité. Mais pour totalement nous convaincre, peut-être aurait-il fallu que l'on sente davantage le suspense du temps qui passe, la valeur de chaque kilomètre grignoté, le caractère titanesque du geste. Un moment, on est tout surpris et frustré d'apprendre que Straight est parti depuis plusieurs semaines. La faiblesse du film est peut-être là : il devance le personnage plus qu'il ne le suit. Reste le hasard bienveillant de rencontres furtives, bizarres (la dame aux daims), drôles (les jumeaux mécanos) ou chaleureuses. Et la performance de Richard Farnsworth, que tout un chacun rêverait d'avoir comme grand-père. Gueule parcheminée, poil dru et blanc, regard embué... En le cadrant au plus près, Lynch livre une image vivante de la vieillesse, celle du personnage comme celle de l'acteur. On ne manquera pas de dire qu'il est très difficile de faire aussi simple. Que cette « ligne claire » qui gouverne le film est le fruit d'un travail rigoureux. Malgré tout, malgré surtout l'audace de son changement radical de registre, Une histoire vraie demeure une parenthèse, une aventure en mode mineur. Quand on est un grand cinéaste tel que Lynch, on ne se refait pas aussi facilement. Vivement le prochain gouffre, enrichi à coup sûr de cette douce lumière - Jacques Morice

Année : 1999

De : David Lynch

Avec : Dan Flannery, Donald Wiegert, Ed Grennan, Everett McGill, Harry Dean, Jane Galloway, Jennifer Edwards-Hughes, Joseph A, Richard Farnsworth, Sissy Spacek, Tracey Maloney, Walsh Jack

Antérieurement en 2023
 

Une histoire vraie

Télévision : 7 août 2023 à 20:50-22:40 sur Arte

film : drame

Alvin Straight, 73 ans, mène une vie paisible dans une bourgade de l'Iowa. Il souhaite se réconcilier avec son frère, Lyle, gravement malade du coeur, avant qu'il ne soit trop tard. Alvin, qui souffre des hanches et n'est pas titulaire du permis de conduire, quitte sa fille et sa petite ville sur sa tondeuse à gazon, déterminé coûte que coûte à couvrir les 600 kilomètres qui le séparent de Mont Zion, dans le Wisconsin. C'est le début d'un périple mouvementé, parfois périlleux, régulièrement ponctué de rencontres. A chacune d'elles, Straight révèle un pan de son histoire, de sa vie bien remplie... - Critique : Un virage à 180 degrés. C'est grosso modo l'impression que donne Une histoire vraie par rapport à la filmographie lynchienne. Enfin, façon de parler, car des virages, il y en a peu justement : c'est plutôt la ligne droite qui domine ici. Rien à voir avec les histoires tordues et les cauchemars saccadés auxquels l'auteur nous avait accoutumés. Tout un univers dégénéré qui était presque devenu sa marque de fabrique et dont Lost Highway semblait l'accomplissement paroxystique. A moins de passer au monochrome noir ou à la lobotomie techno, on voit mal comment il aurait pu poursuivre dans cette voie. Manifestement réalisé « contre » Lost Highway, Une histoire vraie met, de fait, la pédale douce sur le désordre mental. Lynch s'aère la tête avec un road-movie qui ne doit guère dépasser les 10 kilomètres à l'heure. L'engin de locomotion utilisé ? Une tondeuse à gazon ! Car voilà, Alvin Straight, patriar- che de 73 ans sapé comme un cow-boy, n'a pas le permis. Or, il veut absolument se rendre chez son frère, gravement malade, pour se réconcilier avec lui. Cabochard invétéré ­ il ne s'appelle pas pour rien Straight ­, il décide de faire le voyage (plusieurs centaines de kilomètres !) tout seul, par ses propres moyens. Accrochée à la tondeuse, une remorque lui servira de garde-manger et d'abri de fortune pour dormir, la nuit venue. Et advienne que pourra ! Une telle histoire, ça ne s'invente pas. Histoire vraie, donc, et édifiante. Cette odyssée farfelue concentre à la fois toute la force d'un amour fraternel et la puissance orgueilleuse d'une foi qui n'a rien de religieux. En enfourchant sa tondeuse, Alvin Straight, mal en point lui aussi, défie sa propre mort en même temps que celle de son frère. Il entreprend ce voyage comme une tentative de sauvetage. C'est le paradoxe troublant et émouvant du film : son sentiment d'urgence dans la lenteur. A l'échelle de ce héros romantique contre nature, la vie défile autrement, et tout est transfiguré. Les dangers : les camions, la météo, un pépin mécanique en pleine descente. Comme les plaisirs : un essaim gracieux de cyclistes, un pont traversé, un feu au bord de la route. Ciels expansifs, collines tranquilles et champs fertiles. Perché sur sa John Deere (la Ferrari de la tondeuse), Straight parcourt l'univers comme une fourmi travailleuse et solitaire. Tache incongrue et mouvante sur fond de paysages uniformes. Assurément, Lynch filme ici en peintre, cheminant sur les traces d'Edward Hopper. Il renoue aussi avec toute une tradition du cinéma américain : celui des pionniers, du western. Son film sentimental est simple comme bonjour. Trop ? Du sentimental au sentimentalisme, la frontière est parfois mince. La musique, omniprésente, d'Angelo Badalamenti, le compositeur fétiche du cinéaste, en témoigne : tantôt magnifiquement symphonique et aérienne, toute de cordes tendues, tantôt dégoulinant de pianotage mièvre. Bien sûr, ce film fait du bien. Le même bien qu'un antidote à la vitesse supersonique du monde virtuel d'aujourd'hui, au jeunisme ambiant, au culte de la modernité. Mais pour totalement nous convaincre, peut-être aurait-il fallu que l'on sente davantage le suspense du temps qui passe, la valeur de chaque kilomètre grignoté, le caractère titanesque du geste. Un moment, on est tout surpris et frustré d'apprendre que Straight est parti depuis plusieurs semaines. La faiblesse du film est peut-être là : il devance le personnage plus qu'il ne le suit. Reste le hasard bienveillant de rencontres furtives, bizarres (la dame aux daims), drôles (les jumeaux mécanos) ou chaleureuses. Et la performance de Richard Farnsworth, que tout un chacun rêverait d'avoir comme grand-père. Gueule parcheminée, poil dru et blanc, regard embué... En le cadrant au plus près, Lynch livre une image vivante de la vieillesse, celle du personnage comme celle de l'acteur. On ne manquera pas de dire qu'il est très difficile de faire aussi simple. Que cette « ligne claire » qui gouverne le film est le fruit d'un travail rigoureux. Malgré tout, malgré surtout l'audace de son changement radical de registre, Une histoire vraie demeure une parenthèse, une aventure en mode mineur. Quand on est un grand cinéaste tel que Lynch, on ne se refait pas aussi facilement. Vivement le prochain gouffre, enrichi à coup sûr de cette douce lumière - Jacques Morice

Année : 1999

De : David Lynch

Avec : Dan Flannery, Donald Wiegert, Ed Grennan, Everett McGill, Harry Dean, Jane Galloway, Jennifer Edwards-Hughes, Joseph A, Richard Farnsworth, Sissy Spacek, Tracey Maloney, Walsh Jack

Antérieurement en 2022
 

Mulholland Drive

Télévision : 17 janvier 2022 à 20:55-23:15 sur Arte

film : thriller

Victime d'un violent accident de voiture à Mulholland Drive, près de Beverly Hills, une jeune femme, Rita, parvient à s'extraire de la carcasse du véhicule. Totalement désorientée, devenue amnésique, elle s'enfonce dans la forêt et, paniquée, se réfugie dans une demeure inoccupée. Le lendemain, elle se cloître dans la salle des bains où elle est découverte par celle qu'elle suppose être l'occupante des lieux. En réalité, cette dernière, Betty, est actrice et débarque tout juste d'Australie pour tenter de percer à Hollywood. Elle accepte immédiatement d'apporter son aide à Rita, désireuse de reconstituer son passé et comprendre... - Critique : Lynch était depuis longtemps un auteur culte. Il devient aujourd'hui ce monument insolite, indistinctement composé de son oeuvre et de sa personne, et admiré par (presque) tout le monde. Ce sacre aurait pourtant un air d'embaumement officiel s'il n'accompagnait Mulholland Drive. Non seulement le film ample et luxuriant qu'on espérait, mais encore, et surtout, habité comme rarement, viscéral, intime, intense, iconoclaste. Mais du calme, autant que faire se peut. D'abord les retrouvailles avec la spécialité maison (si l'on excepte l'à-peu-près limpide Une histoire vraie, avant-dernier opus). Se sentir en terrain familier chez Lynch, c'est perdre ses marques et ses repères, renouer avec l'inquiétante et ludique étrangeté, ne plus savoir quelle région de réalité on traverse, celle des songes, celle des fantasmes ou bien celle qu'on appelle, faute de mieux, la réalité tout court et qui, au cinéma, est déjà simulacre, manipulation. Hollywood, la « cité des rêves » justement. A tout instant, il s'y passe quelque chose. En pleine nuit, sur Mulholland Drive, route qui serpente dans les hauteurs, une brune sculpturale, mi-garce de film noir, mi-vamp des années 50, échappe simultanément à une tentative de meurtre et à un terrifiant accident de voiture. La voici qui s'extirpe d'une carcasse de limousine comme un magnifique insecte de sa chrysalide et qui, en chancelant, redescend à travers les collines vers les lumières de la ville. Le film vient juste de commencer, mais comment dire ? Il est déjà à son sommet. Sommet d'élégance, de suspense, de mystère. Au son d'une envoûtante marche funèbre, la vue de Los Angeles illuminée semble contenir en reliques ou en germe toutes les histoires racontées depuis la naissance du cinéma, toutes les illusions et déconvenues jamais suscitées par Hollywood. Et comme de juste, voici Betty, qui, elle, est blonde, fraîche, ingénue, mi-héroïne de sitcom, mi-Grace Kelly. Elle débarque pour la première fois à l'aéroport de L.A. sous un soleil radieux. Elle se verrait bien actrice et, pourquoi pas, star. Et elle investit un appartement plus que charmant prêté par une parente. Précisément l'endroit où la brune sculpturale s'est réfugiée en cachette. S'enfoncer dans les eaux troubles ­ mais aux senteurs de bain moussant ­ de Mulholland Drive, c'est donc assister à la rencontre de la blonde Betty et de la brune Rita, qui assure ne se souvenir qu'à peine de son accident et de rien d'autre. Mais c'est aussi se retrouver dans la position même de Betty : en état d'éblouissement et de curiosité maximale. Devant Rita l'amnésique, somptueuse énigme. Devant ce décor de conte de fées californien. Devant la profondeur de champ des images, discrètement saturées de signes, d'indices à déchiffrer. Devant la prolifération des pistes ouvertes par le film. Car en contrepoint de l'enquête menée ensemble par Betty et Rita pour raviver la mémoire de cette dernière, d'étranges scènes situées à divers points de la ville oscillent entre burlesque et angoisse. Ici, le cauchemar monstrueux d'un client de la cafétéria Winkie. Là, la mainmise d'une obscure mafia sur les préparatifs d'un film à gros budget et sur son jeune réalisateur branché, bientôt dépossédé du choix de son actrice principale... Ailleurs, les gesticulations fatales d'un minable tueur à gages. Et que dire de ces deux retraités salués à l'aéroport par Betty et figés, juste après qu'elle a tourné les talons, dans une affreuse grimace ? Ce nouveau rébus géant (après ceux de Blue Velvet, Twin Peaks et Lost Highway) est incrusté de références au cinéma classique ­ Sueurs froides, En quatrième vitesse, Gilda... Mais assez miraculeusement, le recyclage obsessionnel des mythes et des stéréotypes n'empêche pas le plaisir naïf de croire à l'histoire et aux personnages. Mulholland Drive est aussi un bon vieux film normal, « figuratif ». Betty et Rita existent et s'incarnent comme peu de créatures lynchiennes auparavant. C'est même la première fois que l'auteur adopte sans relâche un point de vue féminin. Quand, juste après leur plus morbide découverte, ses deux héroïnes se réconfortent, couchées l'une contre l'autre, et prennent soudain conscience de leurs sentiments mutuels, le cinéaste abat sa carte maîtresse. Ces mots galvaudés entre tous, « I'm in love with you », semblent prononcés pour la première fois sur un écran. Une déflagration sublime. Peut-être la clé romantique de tous les mystères du film. On vient d'affirmer que Betty et Rita « existent ». Il faut paradoxalement envisager aussi l'hypothèse inverse, à la lumière du dernier quart du film, déconstruction vertigineuse de tout ce qui précède. Où l'on retrouve les deux mêmes interprètes (sensationnelles Naomi Watts et Laura Elena Harring) mais... chut, « silenzio ! » ainsi que le recommande indirectement Lynch, juste avant le générique final. Certes, mille et un détails insidieux annoncent pendant les deux premières heures cette transformation du carrosse en citrouille, ce déraillement dans l'envers du décor, cette valse terrible des identités. N'empêche, il faut s'accrocher à son fauteuil et tout reconsidérer à la hâte, rétrospectivement. Délices de la mystification. On peut toujours saisir au vol les perches tendues par le cinéaste. Un hommage vitriolé à Hollywood, sa corruption et sa misère refoulée ? L'interprétation des rêves, la psychanalyse ? Betty est-elle le « moi idéal » d'une autre blonde beaucoup moins chanceuse qu'elle ? Et Rita, l'objet de tous ses désirs, l'incarnation de ses ambitions contrariées, l'image qu'elle aurait voulu être ? Si Mulholland Drive peut se lire comme un rêve d'amoureuse déçue, c'est qu'il restitue de manière sidérante la logique de l'inconscient par son alliage de merveilleux et de ténèbres, ses larmes sans objet, ses enchaînements surréalistes, les permutations, apparitions et disparitions qu'il décline jusqu'à la démence. Mais au fond, rien n'est sûr, la boucle délirante déroulée par Lynch est presque impossible à boucler rationnellement. Rien n'est sûr, sinon l'envie irrésistible de revoir ce film schizo et parano, grisant et vénéneux, qui fait un mal monstre et un bien fou. Critique parue le 24 novembre 2001 pour la sortie du film en salles.

Année : 2001

Avec : Angelo Badalamenti, Ann Miller, Bates Jeanne, Bonnie Aarons, Brent Briscoe, Dan Birnbaum, Dan Hedaya, Daniel Rey, David Schroeder, Forster Robert, Joseph Kearney, Justin Theroux, Katharine Towne, Laura Harring, Lee Grant, Marcus Graham, Maya Bond, Michael Cooke, Michael J, Naomi Watts, Patrick Fischler, Randall Wulff, Richard Mead, Robert Katims, Scott Coffey, Sean Everett, Tom Morris

Antérieurement en 2017
 

Change Begins Within, A Benefit Concert for the ...

DVD/Blu-ray : 1er septembre 2017

Année : 2009

De : Michael Dempsey

Avec : Paul McCartney, Ringo Starr, Sheryl Crow, Donovan, Eddie Vedder, Moby, Ben Harper, Paul Horn, Jim James, Betty LaVette, Angelo Badalamenti, Jerry Seinfeld, David Lynch, Laura Dern