Télévision : lundi 4 août à 21:10-23:10 sur TFX

film : drame

Journaliste pigiste, Coline a des problèmes d'argent. Elle accepte donc de s'occuper du "récit du mois" d'un magazine féminin auquel elle ne croit guère. Il s'agit de dresser le portrait de Simon, un artiste qui voit loin du monde dans les Pyrénées. Il affirme qu'au moment de la mort de sa mère, il a vu son fantôme, chez lui, devant la porte-fenêtre. D'abord réticente, Coline est troublée par son histoire, car elle connaît quelqu'un à qui il est arrivé quelque chose de similaire. Azar, sa troublante voisine, elle-même peintre, prétend ainsi avoir son père. Peu à peu, Coline tombe amoureuse de Simon... - Critique : Voir apparaître devant soi un être aimé, au moment même où il meurt, à des centaines de kilomètres au loin… L’idée vient d’une nouvelle de Henry James, Les Amis des amis, connue aussi sous le titre Comment tout arriva. Transposée de nos jours entre Paris et les Pyrénées, elle apporte une superbe nuance de fantastique dans un cinéma français dont cela n’a jamais été la spécialité. Coline est une jeune femme frêle que les autres, souvent, trouvent effacée. Sara Giraudeau (révélée par Le Bureau de légendes et Petit Paysan) parvient d’emblée à faire exister cette héroïne sans personnalité affichée. Célibataire, pigiste peu enthousiaste dans la presse magazine, Coline laisse filer le temps et les rares occasions qui se présentent à elle. Mais pas cette fois : quand on lui propose d’écrire un long article sur un homme ayant vu le fantôme de sa mère au moment de la disparition de celle-ci, elle part rencontrer le peintre ermite (Nicolas Duvauchelle, avec de plus en plus d’épaisseur) dans sa montagne. Ce qui la décide tient de la coïncidence la plus troublante : sa voisine d’en face, jeune Espagnole fantasque qui la fascine (voire davantage), vient de vivre la même expérience avec son père… Un lyrisme inédit Attirée, et c’est réciproque, par l’artiste rugueux qu’elle découvre en altitude, Coline est pourtant rattrapée par sa tendance à l’effacement : elle ne songe qu’à lui présenter sa belle voisine parisienne. Mais dans le même mouvement, elle se laisse dévorer par la jalousie, à l’idée de ce couple torride qui pourrait se former grâce à elle, sans elle. Les deux femmes prennent le chemin des Pyrénées… On retrouve alors les grands thèmes passionnants qui hantent la filmographie de Pascal Bonitzer, tant comme réalisateur que comme scénariste (pour Jacques Rivette, entre autres) : la rivalité mimétique, le désir qui ne peut naître et s’épanouir qu’en symétrie avec le désir d’un(e) autre, portant sur le même objet, la même personne. Comparé à Rien sur Robert (avec Luchini) ou Cherchez Hortense (avec Bacri), comédies grinçantes et urbaines, Les Envoûtés apporte toutefois du nouveau : un lyrisme inédit chez Bonitzer, la brûlure des sentiments et de la découverte de soi, l’empreinte romantique des paysages sur les vies, et un mysticisme subtil, à prendre ou à laisser, car jamais imposé — libre à nous de croire ou non en ces fantômes. Par ailleurs, l’humour cruel n’a pas déserté l’univers du cinéaste : parmi les seconds rôles, Nicolas Maury se montre à nouveau irrésistible en confident de l’héroïne, beaucoup moins serein qu’il n’y paraît… Voilà donc une nouvelle réussite à l’actif d’un auteur discret, mais à la profondeur et au raffinement de plus en plus estimables.

Année : 2019

Avec : Anabel Lopez, Iliana Lolic, Josiane Balasko, Jérôme Kircher, Laurent Pedebernard, Nicolas Duvauchelle, Nicolas Maury, Sara Giraudeau