Télévision : 30 juin à 16:06-17:42 sur Canal +

film : biographie

En 1896, à Paris. Adulée aux quatre coins du globe, Sarah Bernhardt est au sommet de sa gloire. Icône de son époque et première vedette mondiale, la comédienne est aussi une amoureuse, libre et moderne, qui défie les conventions. Trop aimante, trop violente, trop éprise de justice, trop révoltée : sa personnalité ne laisse personne indifférent. Elle se réjouit de voir que des sommités de l'art, parmi lesquelles Edmond Rostand, organisent un événement exceptionnel destiné à rendre hommage à sa longue et brillante carrière. Le Tout-Paris se presse pour assister au gala organisé au théâtre de la Renaissance... - Critique : Il était une fois deux époques majeures de la vie de la Divine, première star de l’histoire, pour laquelle Jean Cocteau inventa l’expression « monstre sacré ». D’abord, le moment où, déjà âgée, Sarah Bernhardt est, à sa demande, amputée d’une jambe. Ensuite, la journée, bien des années auparavant, de son jubilé, alors qu’elle est au sommet de sa gloire. Il était une fois car, avec ce film sur une femme hors du commun, dont certains pans de vie restent peu documentés, Guillaume Nicloux envoie promener le biopic au profit d’une évocation libre et fervente. Le cinéaste a toujours aimé les personnages iconoclastes (L’Enlèvement de Michel Houellebecq) et les atmosphères aux confins du réel (Cette femme-là, Valley of Love). Il trouve en Sarah Bernhardt un personnage extraordinaire, idéal pour fantasmer. Fidèle à l’esprit punk avant l’heure de son modèle, il dessine un portrait en différents tableaux, comme une partition – très rythmée –, où l’historique flirte constamment avec l’imagination, le tragique avec le sensuel, la mélancolie avec l’extravagance. La reconstitution d’époque, intelligemment axée sur les intérieurs, se pare même d’anachronismes (un tableau de Munch), et l’appartement de la grande Sarah évoque autant un décor de théâtre surchargé qu’un cabinet de curiosités. Dans un clair-obscur superbe, un singe maki gambade sur le cercueil qui sert de lit à la star. Plus tard, un lynx est couché, languide, à côté d’elle sur le divan : David Lynch s’invite au XIXe siècle. Démesure et convictions féministes Alors, oui, le 9 décembre 1896 eut bien lieu une « journée Sarah Bernhardt » organisée à la gloire de l’actrice par le Tout-Paris des arts et des lettres. Mais ce même soir, fut-elle vraiment quittée par son amant Lucien Guitry, immense comédien, et père du jeune Sacha ? Le fait qu’il fut le grand amour de cette femme libérée n’est même pas avéré, mais Guillaume Nicloux et sa scénariste Nathalie Leuthreau le rêvent avec un tel romantisme que cette passion devient le cœur, fougueux, et plus vrai que vrai, de l’histoire. En moins de deux heures, le film réussit à rendre grâce aux mille et une facettes de « la Voix d’or » : sa démesure (elle veut se faire greffer une queue de panthère), son génie créatif, ses convictions féministes et son engagement de fervente dreyfusarde. Le monde de Sarah est-il celui qu’elle a créé ? Nicloux la suit, conformément à la réplique de L’Homme qui tua Liberty Valance, de John Ford : « Quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende ! » Encore fallait-il trouver l’interprète capable de réinventer cette légende. Le réalisateur n’aurait pu faire un choix plus (im) pertinent que Sandrine Kiberlain. Face à un magnifique Laurent Lafitte, si charismatique en Lucien Guitry (mais aussi face à Amira Casar, formidable sous la frange de garçonne de Louise Abéma, l’éternelle amante et portraitiste, ou à Laurent Stocker en valet de comédie maltraité), la comédienne offre toute l’ampleur de sa fantaisie, et chaque millimètre de sa carnation pour, tour à tour, pâlir, rougir, défaillir, éblouir sa cour, et exister plus fort que le commun des mortels. Pour un tel panache tragi-comique, de telles inflexions dans la voix, elle mérite d’être appelée « La Kiberlain ». Regardez l’avis de nos critiques en vidéo

Année : 2024

De : Guillaume Nicloux

Avec : Amira Casar, Arthur Igual, Arthur Mazet, Grégoire Leprince-Ringuet, Hervieu-Léger Clément, Laurent Lafitte, Laurent Stocker, Mathilde Ollivier, Pauline Etienne, Sandrine Kiberlain, Sylvain Creuzevault, Sébastien Pouderoux