Télévision : 27 novembre 2023 à 13:35-15:40 sur Arte

film d'aventures

Durant une escale à Barranca, en Amérique du Sud, Bonnie Lee, une danseuse, rencontre Geoff Carter, qui y dirige une ligne de la compagnie aéropostale. Joe, l'un des pilotes, périt accidentellement lors de l'atterrissage. La jeune femme est alors frappée par l'attitude extrêmement dure de Carter envers ses hommes. La ligne postale ne peut pas subsister sans de nouveaux capitaux et ceux-ci ne seront accordés que si un certain nombre de voyages sont effectués en un temps donné, quelles que soient les conditions atmosphériques ou la fatigue des pilotes. Geoff demande à Bonnie de repartir. Il est trop tard. Bonnie est amoureuse de l'implacable pilote... - Critique : Lorsqu'il imaginait, dans Un conte de Noël (2008), les rapports électriques entre Catherine Deneuve, mère mal-aimante, et Mathieu Amalric, fils mal-aimé, Arnaud Desplechin ne cessait de visionner Seuls les anges ont des ailes, de Howard Hawks (1939), « ce film génial dont les héros - les aviateurs d'une minable compagnie cernés par la mort - n'avaient pas le temps de prendre des gants ». Leur incroyable cynisme le fascinait. « Un seul exemple : deux types sont en train de draguer Jean Arthur et commandent trois steaks à la cantine. L'un d'eux est brusquement appelé en mission et son avion s'écrase. Cary Grant arrive pour annoncer cette triste nouvelle. Puis, il s'assoit tranquillement et, à la stupeur de Jean Arthur, entame le steak du mort... Ben quoi : il n'a pas le temps de faire de chichis : il a faim et l'autre n'en aura plus besoin »... La scène est splendide, en effet, parce qu'elle résume parfaitement l'éthique de Hawks : ne jamais céder aux jérémiades, ni à l'auto-apitoiement. Les sentiments, OK, le sentimentalisme, non ! Chez lui, les êtres commettent des erreurs, mais sûrement pas des bassesses. La lâcheté peut les envahir, parfois, mais le pire des salauds (dans Seuls les anges ont des ailes, c'est cet aviateur qui a sauté en parachute en laissant mourir son mécanicien) trouvera en lui, le moment venu, le désir et la force de se racheter. Hawks est un humaniste. Et s'il est le seul hollywoodien de l'époque à filmer si bien les femmes, c'est qu'il les considère peut-être comme des adversaires (la guerre des sexes existe) mais, d'abord, comme des égales : des baroudeuses à l'inébranlable force d'âme. Le rythme du film est inouï : à la fois aiguisé (les répliques entre Cary Grant et Jean Arthur crépitent comme celles de L'Impossible Monsieur Bébé) et élégiaque (lorsque de petits coucous luttent contre la tempête). Le moment le plus émouvant du film est la disparition du « Kid » (Thomas Mitchell, grandiose), qui demande à tous ses potes de s'éloigner de la table où il agonise pour accueillir, seul, la mort dont il attend qu'elle lui offre les mêmes plaisirs que la vie, en mieux. Et on vous laisse le plaisir de découvrir le brio avec lequel Hawks fait d'une simple pièce truquée la plus intelligente des déclarations d'amour. — P.M.

Année : 1939

Avec : Arthur Jean, Barthelmess Richard, Beery Noah, Carroll John, Cary Grant, Don Barry, Joslyn Allyn, Kilian Victor, Manuel Álvarez, Rita Hayworth, Ruman Sig, Thomas Mitchell