Télévision : 26 juin 2022 à 21:05-23:20 sur France 2

film : thriller

A Chicago, Harry Rawlings meurt avec sa bande lors d'un braquage qui tourne mal. Sa femme Veronica, terrassée par le chagrin, est approchée par Jatemme, qui n'a pas eu l'argent que devait lui apporter Harry. Menacée, Veronica, une femme forte et décidée, ne veut pas se laisser faire. Avec Linda, Alice et Amanda, les veuves des malfrats, elle décide de suivre les plans du second coup que préparait son mari. Toutes doivent garder leur plan secret, car autour d'elles gravitent des hommes sans pitié, qui ne leur pardonneront pas ce crime de lèse-majesté. Le moment de l'opération arrive, tout semble au point, mais un petit grain de sable vient enrayer cette belle mécanique... - Critique : Pour Il y a près de trois ans, le monde du cinéma américain se mobilisait pour une meil­leure représentation des Noirs dans les films (et aux Oscars). Il y a un an, le mouvement de libération de la parole des femmes entraînait, entre autres, une réflexion sur les clichés sexistes à l’écran. Aujourd’hui Les Veuves, sous la bannière d’un grand studio hollywoodien (la Fox), témoigne des effets de cette double révolution, en évitant le volontarisme : à travers un film de genre (un thriller) accompli et percutant, dont la dimension politique fait constamment corps avec la fiction. Les héroïnes y organisent un braquage, mais pas comme celles, cool et publicitaires, d’Ocean’s 8 — sorti au printemps dernier. Elles émergent douloureusement d’une sinistre tra­gédie. L’explosion du fourgon dans ­lequel leurs maris prenaient la fuite après un casse les place au pied du mur. Fini l’aveuglement quant à l’ac­tivité de ces hommes. Fini aussi le confort qui en découlait. En plus du deuil, les voilà héritières des dettes de leurs époux, et devenues, à ce titre, les proies d’autres gangs, certains en cheville avec le pouvoir municipal. Leur mutation en cambrioleuses et femmes d’action n’est pas décrétée : on en suit toutes les complications. La couleur de peau des personnages échappe aussi aux bonnes intentions d’une stratégie antiraciste trop simple : elle évoque plutôt cette société postraciale promue par Obama. Au premier plan, la veuve la plus riche, et donc la plus menacée (Viola Davis, en route pour les Oscars), est noire, pas spécialement belle ni jeune, et elle pleure un Blanc (Liam Neeson). Parmi les personnages secondaires, l’homme politique noir est plus corrompu et dangereux que son rival blanc… La redistribution des cartes affecte subtilement toute la galerie de personnages du polar urbain. Ce scénario, inspiré par une série anglaise des années 80, s’ancre dans le Chicago contrasté, multiethnique et violent d’aujourd’hui. Le réalisateur, Steve McQueen, qui fut plasticien avant le succès de ses films Hunger, Shame et 12 Years a slave, sait insuffler à chaque scène de genre vérité et inten­sité. Son sens du tragique évoque un Alejandro Iñárritu sans la grandiloquence et avec davantage de réalisme. Témoin l’affrontement entre l’édile en puissance (Colin Farrell) et son père monstrueux (Robert Duvall), qui a lui tout légué pour mieux le garder sous sa coupe : à travers le nœud œdipien se lisent deux tendances irréconciliables de la droite américaine. Les nombreux personnages, d’horizons disparates, incarnent un individualisme exacerbé, qui tourne à l’instinct de survie au fur et à mesure que s’éloignent les illusions d’appartenance à une communauté, une famille ou un couple. Les héroïnes font ainsi connaissance contraintes et forcées, et collaborent sans estime mutuelle. Si bien qu’une infime lueur d’humanité, qui montre toute la finesse de touche du cinéaste, produit l’effet d’une ­déflagration tardive quand ces veu­ves endur­cies échangent soudain, in extremis, les mots simples de fraternité et d’empathie qu’elles ne s’étaient jamais donné le droit ni le temps de se dire. — Louis Guichard   Contre Steve McQueen voulait réaliser un peu plus qu’un simple film de braquage. Louable ambition… Encore aurait-il fallu commencer par réussir ce simple film de braquage avant de viser plus haut. Car, sitôt passé le prologue, nerveux à souhait, Les Veuves se révèle être un polar poussif, truffé d’invraisemblances ­risi­bles. La mise en scène ostentatoire, qui pouvait faire illusion dans une œuvre plus « auteur » comme 12 Years a slave, semble totalement incongrue ici : ce travelling circulaire qui se ­répète à l’infini façon Lelouch en plein moment de suspense, ou cet interminable plan-séquence à bord d’une ­voiture n’ont aucune utilité, sinon prouver la virtuosité technique d’un cinéaste imbu de ses effets. Mais il y a plus fâcheux encore : les personnages les plus complexes — donc, les plus intéressants — de ce thriller revendiqué féministe sont des hommes ! Colin Farrell apporte une dimension shakespearienne à son rôle d’héritier méprisé, et Daniel Kaluuya vole la vedette à tous ses partenaires en homme de main à la violence sans limite. Face à leurs performances, Viola Davis, pour une fois monocorde dans son interprétation, et ses con­sœurs semblent bien fades… — Samuel Douhaire

Année : 2018

Avec : Alejandro Verdin, Bailey Rhyse, Coburn Goss, Colin Farrell, Cynthia Erivo, Elizabeth Debicki, Jon Bernthal, Liam Neeson, Manuel Garcia-Rulfo, Michelle Rodriguez, Robert Duvall, Viola Davis