Télévision : 20 juin 2022 à 15:01-17:17 sur Canal +

film : drame

Henry McHenry est une comédien de stand-up célèbre. Il vit avec Ann Desfranoux, une cantatrice adulée dans le monde entier. Un jour naît leur fille, Annette, un événement qui va bouleverser leur existence. Henry s'occupe de sa fille pendant qu'Anne effectue une tournée internationale. Il commence à faire des cauchemars, dans lesquels il se voit tuer sa fille. Un soir, au cours d'un spectacle, Henry se fait huer pour avoir raconté une blague de mauvais goût sur Ann. Pour l'aider à se changer les idées, Anne propose à Henry de partir en vacances avec Annette sur leur yacht. - Critique : « Nous nous aimons tellement… Ça défie toute logique. C’est incompréhensible. ». Ces mots sont en soi vibrants. Chantés par Ann (Marion Cotillard), soprano de renommée internationale, et par Henry (Adam Driver), star de stand-up, ils en deviennent chavirants. On connaît à peine ces deux-là que leur amour s’impose avec une évidence fulgurante. À l’unisson de leur cœur, ils chantent en flânant, se tenant par la main, dans un paysage doux de Californie, puis on les voit enlacés sur une moto qui file dans la nuit. Impossible de ne pas décoller. Le lyrisme échevelé de Sparks, la vitesse, l’énergie : parions que cet enchaînement d’images deviendra anthologique, comme la course de Denis Lavant sur Modern Love de Bowie, dans Mauvais Sang. « De la musique avant toute chose », réclamait Verlaine. Annette en déborde : chansons pop, ballades, aria d’opéra, glam rock, R’n’B… Sa partition symphonique fournie par le groupe Sparks est extrêmement riche et variée. Comment définir un tel film, chanté quasiment en entier ? Une comédie musicale ou un opéra tragique ? Car la noirceur s’immisce assez vite dans le couple que forment Ann et Henry. Ils ont pourtant tout pour être heureux : la gloire, l’argent, une merveille d’ermitage lové dans la verdure ; et maintenant un bébé, étrange à nos yeux mais pas aux leurs, qu’ils prénomment Annette. Que s’est-il passé pour que leur amour si fort dégénère ? Les penchants morbides de Henry, performeur au profil de morveux sardonique et autodestructeur, le rendent toxique auprès d’Ann. Dans une séquence sublime où celle-ci, diva diaphane aux cheveux roux, passe soudain du fond de la scène à une forêt, elle s’avance dans les fougères et sa voix de soie s’élève pour murmurer : « Souffle une brise âpre et froide. Où est la lune ? Où est la lueur des étoiles ? J’ai peur de toi. » Chacun exprime doutes et tourments au cœur de ses spectacles. Ann œuvrant dans l’art noble, auguste ; Henry, la culture jeune. Entamé par trois coups de théâtre et les musiciens qui commencent à jouer en studio puis en sortent, embarquant avec eux leur musique et les acteurs dans une ronde magistrale, le film est un hymne à toutes les formes de show, du music-hall de Broadway jusqu’aux traques médiatiques avec paparazzi. Savoureux sont les flashs d’information sur le couple glamour, pastiche des chaînes de télé focalisées sur les célébrités. Le tour de force de Carax est de créer un univers de conte nourri de mythes antiques, tout en l’ouvrant avec naturel à l’actualité contemporaine. Au mouvement #MeToo comme au concert pop dans sa version outrageusement spectaculaire — celui de la très jeune Annette se déroule à l’intérieur d’un stade, point d’orgue de sa tournée mondiale. Quel âge a-t-elle donc, cette super­star ? Sur sa physionomie particulière, on ne dira rien, sinon que Carax fait d’Annette le jouet d’une hantise. Le réalisateur offre à travers elle une vision assez terrible de l’enfance à la fois déifiée et instrumentalisée, en proie aux pulsions morbides et au narcissisme blessé des parents. Hormis le chef d’orchestre magnanime (Simon Helberg) qui veille un peu sur elle, Annette est bien seule dans ce monde où l’amour et la haine sont inséparables. Où le théâtre n’a plus de limite. Où les caresses rejoignent les sévices, comme lors de cette scène de « chatouillis mortels ». Du rire aux larmes. Le réalisateur de Holy Motors porte ici les sentiments des personnages à leur paroxysme, dans une sorte de palimpseste magique, où se chevauchent des réminiscences de cinéma (muet, expressionniste, lynchien), de peinture, de mélodies d’autrefois. On peut parler d’art total. Outre les chansons, les décors (un Los Angeles de rêve), les comédiens, les couleurs — le camaïeu de jaune associé à Ann et celui de vert pour Henry — s’accordent à une mise en scène des plus fluides. On ressort de ce maelström, à coup sûr destiné à un large public, à la fois en état d’apesanteur et groggy. Obtenez le code et regardez gratuitement le film sur Canal VOD, disponible jusqu’au 3 juillet, dans la limite des visionnages disponibles.

Année : 2021

De : Leos Carax

Avec : Adam Driver, Angèle, Devyn McDowell, Kait Tenison, Kiko Mizuhara, Marion Cotillard, Mendoza Natalie, Natalia Lafourcade, Rebecca Dyson-Smith, Rila Fukushima, Simon Helberg, Sinay Bavurhe