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Récemment en juin
 

Bruno Reidal, confession d'un meurtrier

Télévision : 20 juin à 22:30-00:10 sur Arte

film : drame

En cette fin d'été 1905, un crime des plus barbares vient secouer le Cantal et très vite la France entière. Le cadavre de François, un garçon de 12 ans, est retrouvé décapité. Face à la cruauté des faits qui choquent au plus haut point l'opinion publique, les forces de l'ordre mettent tout en œuvre pour retrouver l'auteur de ce geste et appréhendent rapidement Bruno, un paysan de 17 ans. Incapable d'expliquer les raisons qui l'ont conduit à cette folie meurtrière, le jeune homme est présenté à des médecins qui tentent de percer les mystères d'une affaire hors normes. Les praticiens entreprennent alors de l'interroger sur son passé... - Critique : Au loin sonnent des cloches. On entend le chant d’oiseaux. C’est encore la pleine lumière de l’été et un crime atroce est en train d’être perpétré. On ne voit pas la victime mais le meurtrier, en gros plan — son visage contracté par l’effort, un sourire qui passe, puis le sang qui jaillit et éclabousse son cou. La sortie du bois ensuite, entre chien et loup, et le jeune criminel qui frappe à une porte : « J’ai tué François Rauillac et je viens me constituer prisonnier. » Nous sommes dans le Cantal, le 1er septembre 1905. Bruno Reidal est un séminariste de 17 ans, qui défraya la chronique pour le meurtre d’un enfant de 12 ans. Mû par une intuition lumineuse, le réalisateur Vincent Le Port a extirpé ce fait divers des oubliettes de l’Histoire pour en tirer un film très singulier : son premier long métrage est sidérant. Sidérant de maturité et de maîtrise, sur un sujet qui questionne l’origine de la violence. Le cas de Bruno Reidal est intéressant, tant ce coupable autodésigné, excellent élève au petit séminaire de Saint-Flour, est capable d’analyser lui-même les causes possibles de son geste. Un récit de sa vie est resté, qu’il a rédigé à la demande d’un psychiatre, le professeur Lacassagne, criminologue de renom à l’époque. Le témoignage, pourtant sans visée littéraire, frappe par sa rigueur d’écriture, sa percussion — une mise à plat des événements renfermant une sorte de récitatif obsessionnel. Le cinéaste a fait un choix judicieux en s’appuyant sur ce texte, faisant de Reidal le narrateur. Celui qui, en voix off teintée d’accent occitan, revient en arrière pour dérouler le fil de son existence. On découvre ainsi Reidal à trois âges, chacun incarné par un acteur différent, à travers une reconstitution d’époque épurée. La petite enfance dans la paysannerie, la préadolescence et la fin de l’adolescence. On apprend que le garçon, voûté, chétif et taciturne, est le septième d’une fratrie de huit enfants, qu’il a chéri davantage son père que sa mère, dure, insensible, et qu’il est un croyant fervent. Plusieurs événements marquants sont évoqués : une insolation qui a failli lui coûter la vie, la mise à mort traumatisante d’un cochon, le décès précoce du père. Enfin, comme Reidal, exhorté par le professeur Lacassagne, dévoile tout de son intimité, il n’élude pas son viol par un berger. Mais ce fait, qui semble décisif, le jeune homme le relativise en expliquant que son plaisir à imaginer la souffrance de ses camarades lui est antérieur. On pourrait parler de sadisme. Ou d’amertume sociale — Bruno Reidal confesse avoir jalousé la beauté athlétique, la joie de vivre et la facilité d’élocution des garçons de bonne famille qui l’entouraient. Aux questions posées par les psychiatres ou dans son récit, il se livre entièrement, de manière franche, froide et résignée. Mais plus il dévoile ses fantasmes et le tréfonds de son âme, moins on a l’impression de savoir qui il est vraiment. On bute sur un mystère, qui semble le dépasser. Et qui touche, par ses accents horrifiques, au mythe antique. La seule certitude est celle d’un homme en proie à une lutte intérieure forcenée, au bord de la folie, qui dure des années. Une lutte effrayante entre raison et pulsion — la pulsion meurtrière étant ici explicitement associée à la pulsion sexuelle. Le poids écrasant de la culpabilité, la tentative d’oubli de soi dans l’étude, tout se mêle dans un mouvement implacable de fatalité vertigineuse. Celle d’un combat perdu d’avance contre le mal.

Année : 2021

Avec : Alex Fanguin, Dimitri Doré, Ivan Chiodetti, Jean-Luc Vincent, Nelly Bruel, Roman Villedieu, Tino Vigier