Olava Ingrid : passages TV

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Oslo, 31 août

Télévision : 23 mars à 21:00-22:31 sur France 4

film : drame

Anders sort d'une cure de désintoxication. Il s'est débarrassé de la drogue mais pas de la tristesse incurable qui le ronge. Saura-t-il revenir dans la vie ? Il fait une tentative pour retrouver un poste de journaliste. Sans beaucoup de conviction et sans succès. D'anciennes petites amies ranimeront-elles la flamme du désir ? Et cette femme sereine qui semble posséder le secret de la joie de vivre, pourra-t-elle le lui communiquer ? Ses vieux copains, toujours prompts à lever le coude, quelle tranquillité d'âme peut-il encore partager avec eux ?... - Critique : Voilà un film qui, au lieu de nous divertir aimablement comme tant d'autres, semble nous demander pourquoi on vit, nous rappeler pourquoi on meurt. D'une beauté foudroyante, d'une lucidité perçante, Oslo, 31 août est une perle rare. Son héros au bord du vide est du genre inoubliable. L'effet de sidération commence dès le prologue, série de vues de la capitale norvégienne, étrangement déserte, sur fond de voix intérieures et souvenirs de jeunesse : « Les marches interminables vers des fêtes bizarres auxquelles on ne savait jamais si on était vraiment invités ou pas... » Outre la litanie des « Je me souviens » à la Georges Perec, cette Scandinavie-là est tout imprégnée de culture française. Le réalisateur, Joachim Trier, connaît autant Barthes que Bresson, Stendhal que Godard. Son premier film, Nouvelle Donne, évoquait irrésistiblement le Desplechin de Comment je me suis disputé..., avec ses rivalités littéraires et juvéniles, ses ambitions corrigées. Oslo, 31 août est librement adapté du Feu follet de Pierre Drieu la Rochelle, devenu trente ans après sa parution (en 1931), le chef-d'oeuvre de Louis Malle, et celui son acteur, Maurice Ronet. Le personnage de Drieu la Rochelle était un dandy défait, un jet-setteur en bout de course. Son héritier norvégien, prénommé Anders, est plus quotidien : un grand garçon en jean-baskets, au regard intense, au sourire charmant. Mais lui aussi termine une cure de désintoxication - drogue comme dans le roman, plus alcool comme dans le film de Malle. Le 31 août est sa journée de « permission ». De retour en ville, il revoit des proches, tente de retrouver une amoureuse perdue de vue, se glissera dans l'une de ces soirées qui étaient son milieu naturel, quelques années auparavant. La question du suicide hante le film, comme jadis le roman. Prince déchu, dégrisé, Anders, c'est désormais monsieur Tout-le-monde ou presque, à la recherche d'une raison de garder sa place parmi les vivants. La prime jeunesse est finie, les années sauvages sont derrière, il s'agit de faire l'adulte. Encore faut-il en avoir envie. C'est, donc, une journée probatoire : la vie doit faire ses preuves aux yeux du revenant. L'idée de le montrer passant un entretien d'embauche est formidable : Anders est reçu par un possible employeur, mais c'est lui, évidemment, l'examinateur, qui, face à chacun(e), observe, juge et délibère. Nuances de la perception Un suspense poignant s'insinue dans cette douceur de fin d'été. Les déambulations du personnage dans la ville de ses frasques passées rappellent Cléo de 5 à 7, d'Agnès Varda - l'un des films de chevet du réalisateur -, dont l'héroïne parcourait Paris en attente d'un diagnostic médical décisif. Il y a les conversations aux terrasses des cafés, qui parviennent à Anders comme en volutes. Cette futilité, cette naïveté qui semblent tour à tour désirables et dérisoires. Il y a la peau des filles, leurs cheveux, leurs épaules, mais vus désormais comme à travers une vitre. Autant de nuances de la perception miraculeusement restituées : le film balance sans cesse entre la tentation sensuelle et une distance irrévocable aux choses et aux êtres. Moment crucial entre tous, la confrontation avec le meilleur ami. Anders se retrouve face à un père de deux enfants en bas âge. L'ex-compagnon des virées nocturnes se montre à la fois honteux (un peu) et fier (beaucoup) de patauger en chaussettes dans les jouets pour bébé. Face à l'apocalypse intime d'Anders, il avoue toute la routine de son quotidien, replié sur les contraintes familiales et le travail, le jeu vidéo ayant remplacé le sexe dans le couple. Sa satisfaction est palpable, et peut-être on ne sait quel sentiment de revanche, au-delà de l'amitié, de l'inquiétude. La discussion sur le sens de la vie, déchirante et drôle, projette le film à une altitude exceptionnelle, d'autant que les deux acteurs sont époustouflants. Vers la fin du Feu follet selon Louis Malle, la parole prenait le dessus, le mal qui rongeait le héros était explicité, ressassé. Oslo, 31 août, brille, au contraire, par une dernière ligne droite étourdissante, tout en sensations et décibels, piètres remparts contre la solitude. Ce sont l'ivresse nocturne, les débordements dionysiaques, le sel même de la jeunesse du personnage qui sont, cette fois, interrogés, mis à l'épreuve. Le film y gagne l'attrait supplémentaire d'une fête un peu fêlée. De celles qui se terminent à l'aube d'un premier septembre, autour d'une piscine de plein air et de ses hauts plongeoirs. Vertige compris.

Année : 2011

Avec : Anders Borchgrevink, Anders Danielsen, Andreas Braaten, Emil Lund, Fleischer Bettina, Hans Olav, Johanne Kjellevik, Malin Crépin, Olava Ingrid, Petter Width, Renate Reinsve, Tone Beate Mostraum