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Tout s'est bien passé

Télévision : 6 octobre à 21:10-23:00 sur France 2

film : drame

Une nuit, le père d'Emmanuèle, 85 ans, est victime d'un AVC. Désormais paralysé, il peut à peine parler et son état va s'empirer. Parce qu'il a follement aimé la vie, il refuse son lent délabrement et demande à sa fille Emmanuèle de l'aider. Ce qui ne manque pas de provoquer la jalousie de son autre fille, qui s'est toujours sentie mal aimée. Ensemble les deux sœurs décident de se tourner vers une association suisse qui peut les accompagner dans leur démarche. Alors que le processus suit son cours, c'est l'occasion de se dire quelques vérités sur leur enfance difficile à cause d'un père distant et froid. Emmanuèle ne comprend pas pourquoi sa mère est restée avec lui... - Critique : A-t-on ri ne serait-ce qu’une fois en dévorant Tout s’est bien passé , le livre d’Emmanuèle Bernheim, paru il y a huit ans ? Dans le miroir déformant de la mémoire, la précision sèche du récit, sa gravité ramassée ont fini par imposer leur domination… Non pas que l’on se gondole devant l’adaptation qu’en a réalisée François Ozon, loin de là, mais le film, présenté en compétition au Festival de Cannes, surprend par ses cruels éclats d’humour, d’autant plus savoureux qu’ils sont tirés à bout portant par un acteur tendrement aimé et souvent tenu pour rassurant, André Dussollier. La science du casting, chez Ozon, fait merveille. Septuagénaire à la voix d’or, l’éternellement fringant Dussollier incarne donc André Bernheim, 85 ans, grand bourgeois et collectionneur d’art qu’un AVC rend hémiplégique, et qui choisit d’aller mourir en Suisse et dans la dignité, selon la formule consacrée. Métamorphosé par des prothèses, le visage déformé, l’élocution difficile, diminué et rageur, le comédien livre une performance bluffante. Le cinéaste s’intéresse tout d’abord au quotidien concret du patient et de ses proches — l’hôpital et son cortège de terreurs —, puis il dessine le portrait d’un esthète autoritaire et charmeur, d’un égoïste jouisseur, mari infidèle d’une sculptrice dépressive (Charlotte Rampling) et redoutable père d’une paire de filles interprétées par Sophie Marceau et Géraldine Pailhas. « Tu es mon fils préféré » , lâche le vieil homme désormais infirme à Emmanuèle, alias la romancière, à qui il confie une mission impossible : l’aider « à en finir » . Même si la malheureuse rêva, enfant, d’occire ce pater pas très familias , quel cadeau empoisonné ! Tout s’est bien passé raconte son trajet intime, du refus initial à l’acceptation, avec une intelligence fidèle à l’ouvrage d’origine. Femme aux yeux secs — porteuse de lentilles, on la voit plusieurs fois se mettre des « fausses larmes » —, l’autrice pleurera bientôt pour de bon sans que le long métrage ne verse dans un pathos éhonté. Sophie Marceau convainc en adulte solide bouleversée jusque dans ses rêves mais se découvrant, aussi, un courage insoupçonné. Ozon filme joliment la complicité qui l’unit à sa sœur : lors d’une courte scène sans paroles, il les montre entremêlant leurs pieds telles deux gamines joueuses, et tout est dit. Peut-être était-il inutile, alors, d’ajouter des flash-back pour illustrer la jeunesse douloureuse de l’héroïne ? Tout s’est bien passé trouve néanmoins un équilibre harmonieux entre le drame familial et le film-dossier — les aspects légaux et moraux du suicide assisté, interdit en France, sont traités sans détours —, tout en ménageant un étrange suspense : la « grande évasion » aura-t-elle lieu ?

Année : 2021

Avec : André Dussollier, Charlotte Rampling, Daniel Mesguich, Grégory Gadebois, Géraldine Pailhas, Hanna Schygulla, Jacques Nolot, Laëtitia Clément, Nathalie Richard, Simone Chambord, Sophie Marceau, Éric Caravaca