Les gens d'à côté

Télévision : 15 juillet à 09:42-11:06 sur Canal +

film : drame

Lucie est une agent de la police technique et scientifique, proche de la retraite. Son quotidien relativement paisible est soudain troublé par l'arrivée dans sa zone pavillonnaire d'un jeune couple, Yann et Julia, et de leur petite fille. Alors qu'elle se prend d'affection pour ses nouveaux voisins, elle découvre par hasard que Yann est un activiste anti-police au lourd casier judiciaire. Le conflit moral de Lucie entre sa conscience professionnelle et son amitié naissante pour cette famille fait rapidement vaciller ses certitudes. Elle décide bientôt d'apporter son aide à Yann, un choix qui finit par se retourner contre elle... - Critique : Contemporain de la France fracturée mise en lumière en ce début d’été, le nouveau film d’André Téchiné l’est aussi des manifestations qui se sont multipliées récemment. Un personnage de casseur y sème le trouble, nouveau voisin de l’héroïne, une agente de la police technique et scientifique. Seule dans son pavillon une fois le travail terminé, Lucie est portée à observer avec attendrissement, puis à dépanner, si besoin, cette petite famille installée depuis peu de l’autre côté de sa clôture, sans rien savoir d’elle, au départ, et vice versa. Deux mondes s’entrechoquent ainsi obscurément. Lucie, fonctionnaire en fin de carrière, est veuve d’un homme lui-même policier, qui s’est suicidé. Yann, la trentaine, est un activiste anti-flics au lourd casier judiciaire. Tous deux font connaissance par l’entremise de l’épouse, enseignante, et de la petite fille du couple. Puis Lucie, alertée par ses collègues, se retrouve en plein dilemme : dire ou non sa profession à ses désormais amis ; dénoncer ou, au contraire, couvrir Yann, quand de nouveaux faits l’accablent… À travers ce face-à-face, Téchiné capte et scrute une part de notre époque (les crispations au sujet de la police), comme il le fit dans Loin (2001), sur les migrations clandestines, ou dans L’Adieu à la nuit (2019), sur une jeunesse dérivant vers le djihadisme. Ce qui ne l’empêche pas de rester un cinéaste romanesque. Tout se passe du point de vue de la femme flic esseulée, retrouvant, au contact de plus jeunes qu’elle, l’expérience de l’affection et de la joie au quotidien, puis plongée dans des contradictions morales difficiles à dépasser. L’histoire s’inscrit dans la vie de tous les jours, mais les divergences de vues et les décisions des personnages ont une portée existentielle, elles esquissent des destins. Un trio de grands interprètes apportent le mélange requis de naturel et de composition : Isabelle Huppert (Lucie), Nahuel Pérez Biscayart et Hafsia Herzi (le couple de voisins). Puisqu’il s’agira, au moment clé, d’une héroïne transgressive, franchissant des lignes invisibles et basculant dans une réalité imprévue, il est difficile, toutefois, d’oublier celles qui l’ont précédée dans certains chefs-d’œuvre d’André Téchiné comme Le Lieu du crime – en 1986, avec Catherine Deneuve. Ici, la dramaturgie et les situations demeurent convaincantes pendant la plus grande partie du film, mais moins à l’approche du dénouement et dans un épilogue à la fabrication trop visible. Reste une démarche de cinéma pertinente et précise, consistant à convertir nos débats les plus actuels en un récit qui n’a rien de théorique, avec des sentiments qui nous touchent.

Année : 2024

Avec : Antoine Maurien, Eliane, Elisabeth Puig, Elyjah Timera, Hafsia Herzi, Hiron Emmanuelle, Isabelle Huppert, Moustapha Mbengue, Nahuel Pérez, Romane Meunier, Stéphane Rideau