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Récemment en juin
 

Le Royaume

Télévision : 6 juin à 00:13-02:01 sur Canal +

film : drame

Corse, 1995. Lesia, âgée de 15 ans, passe ses journées d'été entre son village et la plage. Un jour, un inconnu la conduit à moto dans une villa isolée où elle retrouve son père Pierre-Paul, en planque, entouré de ses hommes. Lesia comprend vite les raisons de sa présence : une guerre vient d'éclater dans le milieu et l'étau se resserre autour du clan de Pierre-Paul. Conscient d'être une cible prioritaire, celui-ci prend ses précautions et veut mettre Lesia à l'abri. La mort frappe, et les fusillades se multiplient dangereusement. Commence alors une cavale au cours de laquelle père et fille vont apprendre à se regarder, à se comprendre et à s'aimer... - Critique : Le bruit des cigales, assourdissant et métallique comme des armes à répétition, sature la bande-son avant même le générique et qu’apparaissent à l’écran deux cadavres de sangliers. Ils sont portés par quatre hommes, qui marchent de dos dans le maquis corse. Ah non, en fait l’un d’entre eux enlève sa casquette, laissant s’échapper de longs cheveux de jeune fille. Elle s’appelle Lesia, a 15 ans, les hommes lui tendent un grand couteau et c’est elle, en cet été 1995, qui va ouvrir le corps d’une des bêtes, plonger ses mains dans ses entrailles, dont le sang gicle sur son visage… Cette grande séquence initiale, initiatique, résume, magistralement, l’histoire à venir : celle d’une héritière de la violence masculine, d’une chasseresse par filiation. Lesia est la fille d’un grand nom du banditisme corse, recherché depuis des années. Quand, plus tard, la brunette aux grands yeux verts s’apprête à rejoindre un fiancé à la plage, sa tante la détourne de ce chemin d’insouciance adolescente. Une moto la conduit dans une villa isolée, où ce père, Pierre-Paul, se cache avec certains de ses lieutenants. Début d’une relation père-fille de quelques semaines, sous le joug de la clandestinité, de la peur constante, avec, sur les écrans de télévision de chaque lieu de planque, le visage des nouveaux morts de la « famille » qui apparaissent au JT, tombés sous les balles de la guerre des gangs… Rarement un premier long métrage a imposé, d’emblée, son univers et un art de la mise en scène aussi languide que captivant, d’une noirceur constamment ensoleillée. Julien Colonna sait de quoi il parle en tant que fils de Jean-Jérôme Colonna, « parrain » présumé de la Corse du Sud. Mais, au-delà de l’expérience autobiographique, le jeune réalisateur déploie un grand drame de gangsters, complexe et organique : un film d’hommes entre eux, qui pleurent, se font des accolades, préparent des assassinats vengeurs, avec, grande idée, une fille au milieu. Il filme la mort sans lyrisme, de façon sèche et expéditive : un cousin part en voiture, et quelques minutes après, c’est fini, sa tête explosée repose à la morgue. Beauté boudeuse et orgueil naissant Mais la vraie force du film est de se concentrer sur une adolescente ordinaire dont les yeux sont les nôtres, épiant chaque conversation, chaque soubresaut de violence de ces hommes qui dessinent des plans de bataille dans le sable comme le feraient des gamins qui jouent à la guerre. Et ce royaume finit par être le sien, par amour pour un père, auquel Saveriu Santucci offre une chair d’une authenticité incomparable. C’est tout un nouveau paysage de visages qu’offre Julien Colonna et il les filme aussi bien dans des moments de bonheur, fugaces, où des rires autour d’une soupe de poisson semblent pouvoir retarder la tragédie. Et il y a Ghjuvanna Benedetti dans le rôle de Lesia : là aussi, un nouveau corps, beauté boudeuse, voix grave pleine d’hésitations et d’orgueil naissant. Son regard qui s’assombrit, sous le ciel si bleu, est royal.

Année : 2024

Avec : Andrea Cossu, Anthony Morganti, Attilius Ceccaldi, Bronzini Thomas, Eric Ettori, Ghjuvanna Benedetti, Ghjuvanni Biancucci, Joseph Pietri, Mariani Pascale, Poggi Frederic, Régis Gomez, Saveriu Santucci