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Après-demain
 

La prisonnière de Bordeaux

Télévision : vendredi 20 juin à 01:53-03:37 sur Canal +

film : drame

Alma, une bourgeoise qui vit seule dans une immense maison située en centre-ville de Bordeaux, et Mina, une jeune mère de famille installée dans une banlieue de Narbonne, sont issues de milieux sociaux opposés. Leur seul point commun : elles ont organisé leur vie autour de l'absence de leurs maris, l'un neurochirurgien et l'autre braqueur, qui purgent des peines dans la même prison. Les deux femmes se rencontrent par hasard au cours d'un parloir. Alma invite aussitôt Mina dans sa luxueuse demeure et lui trouve un emploi de blanchisseuse. Toutes deux s'engagent alors dans une amitié aussi improbable que tumultueuse… - Critique : Des couleurs florales ondoient au plafond, comme dans un carrousel, un kaléidoscope, d’où un léger vertige. Il y a ce sifflotement digne d’un duel de western, cette chanson dont les paroles disent : « Sans l’amour, t’es rien. » Les premières images de La Prisonnière de Bordeaux rappellent certains éclats de génie de Claude Chabrol, comme la scène où Marie Trintignant se perdait dans la contemplation d’un aquarium de restaurant, au son d’une ballade déchirante de Michel Jonasz, dans Betty. Ce film-là reposait sur la rencontre fortuite de deux femmes. Il en va de même ici : Alma (Isabelle Huppert) se prend d’intérêt, puis d’affection, pour une inconnue, Mina (Hafsia Herzi). Tout les sépare a priori, sauf cette activité récurrente : se rendre au parloir de la même prison, où chacune tente de garder le contact avec son détenu de mari. Et parce que le seul visage d’Isabelle Huppert évoque aussi Chabrol, parce que Bordeaux fut le décor d’un des derniers grands succès du maître (La Fleur du mal), une délicieuse hantise s’installe, qu’elle soit entretenue ou non par la cinéaste Patricia Mazuy. Le suspense à bas bruit y contribue : quand la dame riche propose à la jeune femme modeste, narbonnaise, de s’installer avec enfants dans sa grande demeure bordelaise pour se rapprocher de la prison, une part de déraison s’invite. Comme dans un thriller (que le film deviendra, à sa façon), quelque chose semble devoir craquer, malgré les bonnes intentions, le sens de l’humour et les grands moyens de la maîtresse de maison ; malgré la gratitude et l’exemplarité apparente de l’invitée, à qui un travail en ville est même trouvé… Deux femmes que tout oppose Dans son livre intitulé Réinventer l’amour (2021), l’essayiste Mona Chollet consacrait d’effarantes pages aux épouses de détenus, rappelant un phénomène particulièrement marqué aux États-Unis : les délinquants et criminels emprisonnés suscitent beaucoup de passion (et de demandes en mariage) chez les femmes, persuadées qu’elles peuvent contribuer à leur rachat. Loin d’un tel romantisme, Patricia Mazuy montre, au contraire, des conjointes entravées, piégées et conscientes de l’être, par la détention et les actes passés de leurs maris. Pour Mina, dont l’homme a attaqué une bijouterie, les conséquences sont directement violentes : menaces et chantages venus de l’entourage des braqueurs. Pour Alma, l’effondrement est existentiel. Le brillant chirurgien qui fut le centre de sa vie n’est plus que l’ombre de lui-même, disqualifiant par son attitude hostile toutes les années passées avec lui – extraordinaires scènes de parloir entre mari et femme. Le cœur du film, l’intense face-à-face entre Alma et Mina, fait l’objet d’une mise en scène superbe, leur épargnant à l’une et à l’autre la victimisation. Alma est d’abord vampirique dans son besoin de compagnie. Son investissement sentimental auprès de son invitée et de ses deux enfants en bas âge l’expose toutefois à la trahison et à l’abandon, tant les trois sont bien plus vivants qu’elle. Isabelle Huppert (déjà filmée jadis par Mazuy, dans Saint-Cyr) impressionne sur ce fil tendu entre aisance sociale et vulnérabilité intime. Mina est assez pragmatique pour improviser sans cesse, au nom d’un avenir en quoi elle croit toujours. Hafsia Herzi, d’une justesse infaillible, lui donne, aussi, une dignité de fille du peuple. Jusqu’au bout, il est permis et passionnant de se demander si ces deux survivantes, partageant par hasard leur quotidien et leurs états d’âme, vivent bien la même histoire. Ou pas du tout. Regardez l’avis de nos critiques en vidéo

Année : 2024

Avec : Bittnerová Jana, Brekke Magne-Håvard, Céline Chlebowsky, Hafsia Herzi, Isabelle Huppert, Jean Guerre Souye, Julia Vivoni, Lionel Dray, Lola Jehl, Noor Elasri, Robert Plagnol, William Edimo