Jean-Michel Correia : passages TV et dernières sorties Netflix

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De rouille et d'os

Télévision : mercredi 2 juillet à 21:00-22:55 sur Arte

film : drame

Dans le Nord, Ali se retrouve seul pour s'occuper de son fils de 5 ans, Sam. Sans argent, sans toit, il choisit de gagner Antibes pour se rapprocher de sa soeur. Cette dernière l'héberge dans son garage et prend soin de Sam. Un soir, à la suite d'une bagarre dans une boîte de nuit, Ali rencontre Stéphanie, qui travaille comme dresseuse dans un parc aquatique de la ville. Alors que tout les oppose, ils passent la nuit ensemble. Un jour, victime d'un accident, Stéphanie perd l'usage de ses jambes. Désespérée de se retrouver en fauteuil roulant, elle appelle Ali. Il la rejoint et décide de s'occuper d'elle. En fait, il va aider la jeune femme à revivre... - Critique : C’est drôle : depuis De battre mon cœur s’est arrêté et Un prophète, Jacques Audiard est devenu le symbole du classicisme à la française. Il suffit pourtant, au début de De rouille et d’os, de regarder avancer, sur une route, dans une rue, un géant et un « nain », Goliath et David, un père et son fils, pour se sentir ailleurs. Dans cette Amérique qu’il poursuit de film en film comme un idéal. Ou dans un continent lointain — l’Asie — dont il apprécie tant le cinéma. Ailleurs, en tout cas. C’est dans le sud de la France, pourtant, que débarquent le colosse et le gamin. Ali (Matthias Schoenaerts, révélé par Bullhead et, une fois encore, étonnant) est un grand corps au cœur doux. Pas tout à fait le Lennie de Des souris et des hommes de Steinbeck — comme l’était Mathieu Kassovitz dans Regarde les hommes tomber —, mais il y a de ça. Ce bloc de testostérone fascine visiblement Jacques Audiard autant qu’il le révulse. Dans nombre de ses films, d’ailleurs, il aura mis en scène des hommes aux relations ambiguës, entre amitié trouble et homosexualité inavouée. Ali est une force brute. Il boxe comme il baise et il baise comme il boxe : avec vigueur et simplicité. Quand il la sent au-delà du désespoir, il propose gentiment à Stéphanie de coucher avec lui. Ni par amour, ni par pitié. Par hygiène. Pour la rassurer sur elle-même. Chaque fois qu’elle le sollicitera, plus tard, il sera d’accord, à condition d’être « opé », comme il dit. « Opérationnel », s’entend. Mais dès qu’elle lui demande autre chose — de l’attention et, pourquoi pas de la tendresse —, il ne comprend pas : « opé », il est « opé », qu’est-ce qu’il pourrait être de plus ? Comme tous les mecs, chez Jacques Audiard, Ali est à terre sans s’être vu tomber. Stéphanie l’est aussi, mais elle, au moins, elle le sait. Elle travaillait, comme tous les jours, au Marineland du coin, comme tous les jours, ses orques lui obéissaient au doigt et à l’œil. Elle s’était réveillée dans une chambre d’hôpital après l’accident. Sans ses deux jambes… Depuis, entre désespoir et lassitude (Marion Cotillard exprime ces sentiments avec une grâce de star à l’ancienne, à la Garbo), elle marche, un peu comme Robocop, sur des prothèses qu’elle exhibe, parfois, comme un défi. Délicat, complexe, intense Le plus séduisant, chez Jacques Audiard, c’est son audace. Son insolence tranquille. Les scènes les plus casse-gueule, il les affronte, il les impose : Ali porte dans ses bras Stéphanie jusqu’à la mer et la ramène sur ses épaules, moignons bien visibles, devant des vacanciers médusés. Sans oublier le moment, gênant et doux, où le fils d’Ali effleure à plusieurs reprises les prothèses de Stéphanie et lui demande, tout craintif, si « ça fait mal »… Tout cela est délicat, complexe, intense. Mais un peu froid, aussi, par moments, comme si le réalisateur tenait à maintenir entre ses personnages et lui, entre lui et nous, une distance. Une protection contre l’émotion facile. Chez lui, la pudeur rivalise avec la rigueur : chaque mot, chaque son, chaque mouvement de caméra reflètent un univers qu’il a pensé, voulu et qu’il prétend maîtriser jusqu’au moindre détail. Sa seule faiblesse, il l’a expliquée, un jour, après la sortie de De battre mon cœur s’est arrêté : « Dès que je changeais de point de vue, dès que je m’attachais à un autre personnage que le héros, ça ne marchait pas. Je me suis donc mis à le suivre, à le coller, à le pister en permanence. » Peut-être parce que son scénario mêle plusieurs nouvelles (superbes, d’ailleurs) du romancier Craig Davidson, Audiard, une fois encore, n’a pas résisté aux personnages secondaires : le sale type dont le matériel électronique espionne employés et ouvriers. La sœur du héros qui, pour nourrir les siens, rapporte du supermarché où elle est caissière des produits tout juste périmés… Ils apportent, certes, un brin de réalisme social à ce huis clos hors du temps, mais on s’en fiche un peu. Comme dans les grands films hollywoodiens d’hier (John Huston) et d’aujourd’hui (Clint Eastwood), c’est le sort des héros qui passionne. Audiard est grand dès lors qu’il suit à la trace les corps blessés de ses deux paumés. Quand il observe Marion Cotillard, perchée sur ses fausses guibolles, se métamorphoser soudain en improbable manager de combats illicites. Et quand il traque Matthias Schoenaerts, un goût de sang, « de rouille et d’os » aux lèvres, qui brise la glace à coups de poing, pour, enfin, devenir humain. Dans le noir, on entend son premier « je t’aime ». Et ce chuchotement ressemble à une naissance.

Année : 2012

Avec : Armand Verdure, Bouli Lanners, Corinne Masiero, Céline Sallette, Duncan Versteegh, Fred Menut, Jean-Michel Correia, Katia Chaperon, Marion Cotillard, Matthias Schoenaerts, Mourad Frarema, Yannick Choirat

Récemment en mai
 

De rouille et d'os

Netflix : 22 mai

Ça commence dans le Nord. Ali se retrouve avec Sam, 5 ans, sur les bras. C'est son fils, il le connaît à peine. Sans domicile, sans argent et sans amis, Ali trouve refuge chez sa sœur à Antibes. Là-bas, c'est tout de suite mieux, elle les héberge dans le garage de son pavillon, elle s'occupe du petit et il fait beau. A la suite d'une bagarre dans une boîte de nuit, son destin croise celui de Stéphanie. Il la ramène chez elle et lui laisse son téléphone. Il est pauvre; elle est belle et pleine d'assurance. C'est une princesse. Tout les oppose. Stéphanie est dresseuse d'orques au Marineland. Il faudra que le spectacle tourne au drame pour qu'un coup de téléphone dans la nuit les réunisse à nouveau. Quand Ali la retrouve, la princesse est tassée dans un fauteuil roulant: elle a perdu ses jambes et pas mal d'illusions. Il va l'aider simplement, sans compassion, sans pitié. Elle va revivre.

De : Jacques Audiard

Avec : Marion Cotillard, Matthias Schoenaerts, Armand Verdure, Céline Sallette, Corinne Masiero, Bouli Lanners, Jean-Michel Correia