Télévision : 29 juin à 22:30-00:25 sur France 4
théâtre : pièce de théâtre
Pour sa première mise en scène, Marina Hands a choisi "Six personnages en quête d'auteur", une pièce de Luigi Pirandello créée à Rome en 1921. Une équipe en train de répéter est interrompue par six personnages en quête d'un auteur acceptant d'écrire leur histoire, qui est allée de drame en drame. Les relations conflictuelles au sein de cette famille dysfonctionnelle se doublent d'un autre type de litige : les personnages s'insurgent contre la fausse vérité des acteurs et actrices interprétant leur histoire. Peu à peu, les personnages de la fiction se confondent avec ceux de la réalité. - Critique : Il est des premiers à avoir introduit le doute au théâtre. Et même dans la « réalité ». Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux ? Que disent de nos vérités intimes nos propres mensonges ? Les personnages de fiction figés dans leur drame pour l’éternité ne sont-ils pas plus authentiques que des acteurs soumis au quotidien et ses émotions fugitives, portés par des mots souvent creux qui ne signifient rien ? C’est peu de dire que l’écrivain et dramaturge sicilien Luigi Pirandello (1867-1936) bouleversa les points de vue et suscita le scandale. La première représentation de Six Personnages en quête d’auteur (1921), aujourd’hui à l’affiche du Vieux-Colombier, provoqua même une bataille de rue. D’abord le public avait été surpris par l’absence ingrate de décor du spectacle, et son sujet même acheva de le rendre furieux. Ou enthousiaste. Qu’on s’imagine six personnages surgis à l’improviste du cerveau d’un auteur (Pirandello lui-même, avouera-t-il dans sa préface), qui renonce pourtant à en faire une pièce. Revanchards, les voilà donc qui débarquent dans un théâtre pour supplier metteur en scène et acteurs d’enfin les laisser exister. La troupe refuse. Elle répète déjà laborieusement une œuvre à laquelle elle ne comprend rien signée… Pirandello ; belle ironie de l’auteur. Puis le metteur en scène (Guillaume Gallienne) est ému par ce père (Thierry Hancisse), cette mère (Clotilde de Bayser), cette belle-fille (Adeline d’Hermy), ce fils (Adrien Simion) et ces deux enfants silencieux. Il leur demande de raconter leur funeste histoire et accepte enfin de les faire interpréter. Mais les personnages désirent jouer leur propre rôle, persuadés d’être plus vivants et concrets que ces versatiles comédiens. Jeu à fleur de peau, détresse à fleur de cœur Pirandello nous entraîne dans des labyrinthes et vertiges via ce drame philosophico-théâtral parfois verbeux, souvent drôle, qu’a simplifié et tonifié Fabrice Melquiot pour nos oreilles plus impatientes, moins attentives. Pas étonnant que pour sa première mise en scène en solo, Marina Hands ait choisi une œuvre où résonnent des interrogations sûrement entendues dès l’enfance chez sa mère comédienne, la fiévreuse actrice Ludmila Mikaël, et son père homme de théâtre, l’Anglais Terry Hands (1941-2020). Malgré une première scène besogneuse et trop longue, qui égare vainement le public, elle empoigne avec force le texte visionnaire et parvient à en faire un maelström d’émotions de plus en plus violentes. Marina Hands, qu’on a vue récemment, éblouissante, dans Le Silence, partition quasi muette dirigée par Lorraine de Sagazan, dirige avec une extrême sensualité, presque de la volupté, les comédiens. Dans leur geste, leur phrasé mêmes. La rage et la désespérance de Thierry Hancisse et Adeline d’Hermy (saisissante) donnent en retour la chair de poule au public. Qui voit vibrer les acteurs sous tous les angles. Dans leurs costumes d’aujourd’hui, ils se réfugient en effet parfois dans la salle, et le spectacle se donne entre deux gradins de spectateurs dans un espace bi-frontal. Jeu à fleur de peau, détresse à fleur de cœur, provocations et supplications : Marina Hands apporte puissance et ferveur au drame pirandellien si cérébral. Elle connaît comme personne l’irrésistible appel des personnages à être incarnés. Leur soif et leur angoisse. Six personnages en quête d’auteur, drame d’après Pirandello. 2h10. Mise en scène Marina Hands, traduction Fabrice Melquiot. France 5, le vendredi 2 mai à 22.35.
De : Béziat Philippe, Marina Hands
Avec : Adeline D'Hermy, Adrien Simion, Claire de la Rue du Can, Clotilde de, Coraly Zahonero, Guillaume Gallienne, Manon Dujardin, Nicolas Chupin, Siméon Ruf, Thierry Hancisse