Cerasela Iosifescu : passages TV

Créez gratuitement votre compte Evernext pour être averti de toutes les actualités de Cerasela Iosifescu.

Créer mon compte

Antérieurement en 2023
 

4 mois, 3 semaines et 2 jours

Télévision : 13 juin 2023 à 23:15-01:05 sur France 4

film : drame

En 1987, en Roumanie, peu de temps avant une période d'examens, Otilia et Gabita partagent une chambre dans la cité universitaire d'une petite ville. Depuis quelques heures, Otilia est très affairée : circulant entre les différentes chambres de la cité, la jeune femme multiplie les tractations et organise une mystérieuse expédition pour elle et son amie. Après avoir pris contact avec un certain Viarel, plus connu sous le pseudonyme de "monsieur bébé", les deux jeunes femmes se rendent à l'hôtel où elles ont réservé une chambre. Mais, sous le régime de Ceaucescu, la simple location d'une chambre par deux jeunes femmes attire tout de suite la suspicion des employés de l'hôtel... - Critique : :u4: Pour Une petite chambre, dans une résidence universitaire. La lumière et les couleurs sont blafardes, le décor, d'une morne symétrie ; deux lits identiques, une table sous la fenêtre. Le lieu est banal, mais cadré pour évoquer la perspective étroite d'une cellule de prison. Deux filles, Gabita et Otilia, y préparent fébrilement un départ. Le récit de ce douloureux « voyage » de quelques heures, sans sortir de la ville, grise et oppressante, a valu une palme d'or méritée au réalisateur roumain Cristian Mungiu, lors du dernier festival de Cannes. Une odyssée minuscule, éprouvante et dangereuse, parmi des milliers d'autres, en 1987, peu avant la chute du régime de Ceausescu. 4 Mois, 3 semaines, 2 jours, ou le décompte exact d'une grossesse non désirée, dans un pays et à une époque où l'avortement est illégal. C'est la brune Gabita, passive et fragile, qui est enceinte. Mais c'est à la blonde Otilia, à son dévouement résolu, à l'extrême tension de ses mouvements que la caméra s'attache surtout. Otilia déniche l'hôtel où se cacher pour avorter. Otilia contacte et ramène « M. Bébé », l'inquiétant faiseur d'anges. Elle ira même jusqu'à partager avec son amie le paiement en nature du sordide marché qu'impose ce dernier, au cours d'un long et glaçant huis clos, scène cruciale du film. Cette histoire intime progresse à la manière d'un thriller : le réalisateur entretient constamment une forme intense de suspense, autant sur l'état psychologique des héroïnes que sur leur sécu­rité matérielle. Cette tension, pourtant, ne doit rien aux habituels artifices censés doper l'attention. La mise en scène, véritable morceau de bravoure formel, découpe le temps au scalpel. Chaque scène se déroule en un seul plan-séquence aussi minutieux que dépouillé ; plan fixe ou caméra à l'épaule. Pas de pathos, pas de surlignage inutile pour évoquer la peur, l'oppression ou la solidarité. On n'anticipe rien, on ne voit que ce qui se montre : un ensemble de signes extérieurs, d'échanges et de malaises, une trajectoire nerveuse sur les pas d'Otilia dans une nuit hostile, une longue négociation avec une ordure ordinaire, une porte fermée, un dîner de famille... Rien ne vient adoucir le prodigieux et habile effet de réalité. Ce parti pris esthétique radical se confond avec la matière même du propos : deux filles au corps inquiet, prises dans le cadre d'une société aliénante, et pourtant le franchissant sans cesse, comme on passe une frontière, de l'obéissance à la transgression. Portrait en creux de la fin du communisme en Roumanie, le film évite toute démonstration trop évidente. Sur la question de l'avortement, pourtant centrale, Cristian Mungiu fait montre d'une sorte de féminisme désenchanté : il ne cherche pas à transmettre une leçon de morale, un point de vue confortable, mais à observer le viscéral, douloureux élan de liberté qui s'exprime à travers Gabilia et Otilia, en elles. Cette prise de risque cloue la première au lit avec une sonde, et conduit la seconde à la rencontre d'elle-même, de son indépendance. Anamaria Marinca donne à ce beau personnage une densité électrisante. Elle est la révélation de ce drame banal et fascinant. — Cécile Mury   :u1: Contre Un film emballant ? Non, un film emballé, ficelé, bouclé. Avec sa caméra qui semble programmée pour la virtuosité, Cristian Mungiu enserre tout dans une tension infaillible. On dirait un coureur qui ne reprend jamais son souffle. Il y a de l'artifice, comme une sorte de dopage, dans ce système de mise en scène si pressé d'imposer une forme, quel que soit le fond. Mungiu se plaît d'ailleurs à se débarrasser du fond : pendant la première partie de 4 Mois, 3 semaines, 2 jours, il nous prive de tout repère, de toute information sur ce qui se passe. Une façon de prouver qu'il peut retenir l'attention rien que par sa manière de filmer. Mais cette démonstration tombera à plat face à ceux qui iront voir le film en sachant, évidemment, qu'il s'agit d'une histoire d'avortement clandestin. Ça, Cristian Mungiu ne semble pas y avoir pensé, enfermé dans ses idées de cinéma un peu théoriques. Il faut regretter que ce jeune Roumain apparaisse d'emblée comme un suiveur, ­même s'il ne marche pas dans les traces de n'importe qui : en ne quittant pas d'une semelle la jeune femme qui mène son film, en se servant de l'urgence et de l'angoisse qui la minent comme carburant, il applique des leçons des frères Dardenne. Au risque d'en faire de simples recettes de Palme d'or. Car les Dardenne couraient après quelqu'un : Rosetta ou L'Enfant sont d'abord des portraits d'êtres humains qui se battent avec le monde ou se débattent avec eux-mêmes, et qui nous touchent. Mungiu, lui, se contente de personnages simplistes. Otilia, la bonne copine qui s'occupe de tout, traîne la fatalité du monde avec elle. On comprend qu'elle doit s'endurcir, mais fallait-il en faire un tel bloc ? Quant à Gabita, la jeune fille enceinte, elle est irresponsable, incapable de faire face à ce qui lui arrive. Aucune chance ne lui est donnée de montrer un autre visage, et elle est finalement clouée au pilori par un plan terrible montrant le foetus expulsé sur le carrelage de la salle de bains. Mungiu sait-il qu'une telle image est du pain béni pour les anti-avortement ? On voudrait que ­cette palme soit celle de la jeunesse. C'est celle de l'immaturité. — Frédéric Strauss

Année : 2007

Avec : Adi Carauleanu, Alexandru Potocean, Anamaria Marinca, Cerasela Iosifescu, Doru Ana, Ion Sapdaru, Laura Vasiliu, Liliana Mocanu, Luminita Gheorghiu, Tania Popa, Teodor Corban, Vlad Ivanov

Antérieurement en 2023
 

4 mois, 3 semaines et 2 jours

Télévision : 24 mai 2023 à 21:05-22:55 sur France 4

film : drame

En 1987, en Roumanie, peu de temps avant une période d'examens, Otilia et Gabita partagent une chambre dans la cité universitaire d'une petite ville. Depuis quelques heures, Otilia est très affairée : circulant entre les différentes chambres de la cité, la jeune femme multiplie les tractations et organise une mystérieuse expédition pour elle et son amie. Après avoir pris contact avec un certain Viarel, plus connu sous le pseudonyme de "monsieur bébé", les deux jeunes femmes se rendent à l'hôtel où elles ont réservé une chambre. Mais, sous le régime de Ceaucescu, la simple location d'une chambre par deux jeunes femmes attire tout de suite la suspicion des employés de l'hôtel... - Critique : :u4: Pour Une petite chambre, dans une résidence universitaire. La lumière et les couleurs sont blafardes, le décor, d'une morne symétrie ; deux lits identiques, une table sous la fenêtre. Le lieu est banal, mais cadré pour évoquer la perspective étroite d'une cellule de prison. Deux filles, Gabita et Otilia, y préparent fébrilement un départ. Le récit de ce douloureux « voyage » de quelques heures, sans sortir de la ville, grise et oppressante, a valu une palme d'or méritée au réalisateur roumain Cristian Mungiu, lors du dernier festival de Cannes. Une odyssée minuscule, éprouvante et dangereuse, parmi des milliers d'autres, en 1987, peu avant la chute du régime de Ceausescu. 4 Mois, 3 semaines, 2 jours, ou le décompte exact d'une grossesse non désirée, dans un pays et à une époque où l'avortement est illégal. C'est la brune Gabita, passive et fragile, qui est enceinte. Mais c'est à la blonde Otilia, à son dévouement résolu, à l'extrême tension de ses mouvements que la caméra s'attache surtout. Otilia déniche l'hôtel où se cacher pour avorter. Otilia contacte et ramène « M. Bébé », l'inquiétant faiseur d'anges. Elle ira même jusqu'à partager avec son amie le paiement en nature du sordide marché qu'impose ce dernier, au cours d'un long et glaçant huis clos, scène cruciale du film. Cette histoire intime progresse à la manière d'un thriller : le réalisateur entretient constamment une forme intense de suspense, autant sur l'état psychologique des héroïnes que sur leur sécu­rité matérielle. Cette tension, pourtant, ne doit rien aux habituels artifices censés doper l'attention. La mise en scène, véritable morceau de bravoure formel, découpe le temps au scalpel. Chaque scène se déroule en un seul plan-séquence aussi minutieux que dépouillé ; plan fixe ou caméra à l'épaule. Pas de pathos, pas de surlignage inutile pour évoquer la peur, l'oppression ou la solidarité. On n'anticipe rien, on ne voit que ce qui se montre : un ensemble de signes extérieurs, d'échanges et de malaises, une trajectoire nerveuse sur les pas d'Otilia dans une nuit hostile, une longue négociation avec une ordure ordinaire, une porte fermée, un dîner de famille... Rien ne vient adoucir le prodigieux et habile effet de réalité. Ce parti pris esthétique radical se confond avec la matière même du propos : deux filles au corps inquiet, prises dans le cadre d'une société aliénante, et pourtant le franchissant sans cesse, comme on passe une frontière, de l'obéissance à la transgression. Portrait en creux de la fin du communisme en Roumanie, le film évite toute démonstration trop évidente. Sur la question de l'avortement, pourtant centrale, Cristian Mungiu fait montre d'une sorte de féminisme désenchanté : il ne cherche pas à transmettre une leçon de morale, un point de vue confortable, mais à observer le viscéral, douloureux élan de liberté qui s'exprime à travers Gabilia et Otilia, en elles. Cette prise de risque cloue la première au lit avec une sonde, et conduit la seconde à la rencontre d'elle-même, de son indépendance. Anamaria Marinca donne à ce beau personnage une densité électrisante. Elle est la révélation de ce drame banal et fascinant. — Cécile Mury   :u1: Contre Un film emballant ? Non, un film emballé, ficelé, bouclé. Avec sa caméra qui semble programmée pour la virtuosité, Cristian Mungiu enserre tout dans une tension infaillible. On dirait un coureur qui ne reprend jamais son souffle. Il y a de l'artifice, comme une sorte de dopage, dans ce système de mise en scène si pressé d'imposer une forme, quel que soit le fond. Mungiu se plaît d'ailleurs à se débarrasser du fond : pendant la première partie de 4 Mois, 3 semaines, 2 jours, il nous prive de tout repère, de toute information sur ce qui se passe. Une façon de prouver qu'il peut retenir l'attention rien que par sa manière de filmer. Mais cette démonstration tombera à plat face à ceux qui iront voir le film en sachant, évidemment, qu'il s'agit d'une histoire d'avortement clandestin. Ça, Cristian Mungiu ne semble pas y avoir pensé, enfermé dans ses idées de cinéma un peu théoriques. Il faut regretter que ce jeune Roumain apparaisse d'emblée comme un suiveur, ­même s'il ne marche pas dans les traces de n'importe qui : en ne quittant pas d'une semelle la jeune femme qui mène son film, en se servant de l'urgence et de l'angoisse qui la minent comme carburant, il applique des leçons des frères Dardenne. Au risque d'en faire de simples recettes de Palme d'or. Car les Dardenne couraient après quelqu'un : Rosetta ou L'Enfant sont d'abord des portraits d'êtres humains qui se battent avec le monde ou se débattent avec eux-mêmes, et qui nous touchent. Mungiu, lui, se contente de personnages simplistes. Otilia, la bonne copine qui s'occupe de tout, traîne la fatalité du monde avec elle. On comprend qu'elle doit s'endurcir, mais fallait-il en faire un tel bloc ? Quant à Gabita, la jeune fille enceinte, elle est irresponsable, incapable de faire face à ce qui lui arrive. Aucune chance ne lui est donnée de montrer un autre visage, et elle est finalement clouée au pilori par un plan terrible montrant le foetus expulsé sur le carrelage de la salle de bains. Mungiu sait-il qu'une telle image est du pain béni pour les anti-avortement ? On voudrait que ­cette palme soit celle de la jeunesse. C'est celle de l'immaturité. — Frédéric Strauss

Année : 2007

Avec : Adi Carauleanu, Alexandru Potocean, Anamaria Marinca, Cerasela Iosifescu, Doru Ana, Ion Sapdaru, Laura Vasiliu, Liliana Mocanu, Luminita Gheorghiu, Tania Popa, Teodor Corban, Vlad Ivanov

Antérieurement en 2023
 

4 mois, 3 semaines et 2 jours

Télévision : 24 mai 2023 à 21:00-22:50 sur France 4

film : drame

En 1987, en Roumanie, peu de temps avant une période d'examens, Otilia et Gabita partagent une chambre dans la cité universitaire d'une petite ville. Depuis quelques heures, Otilia est très affairée : circulant entre les différentes chambres de la cité, la jeune femme multiplie les tractations et organise une mystérieuse expédition pour elle et son amie. Après avoir pris contact avec un certain Viarel, plus connu sous le pseudonyme de "monsieur bébé", les deux jeunes femmes se rendent à l'hôtel où elles ont réservé une chambre. Mais, sous le régime de Ceaucescu, la simple location d'une chambre par deux jeunes femmes attire tout de suite la suspicion des employés de l'hôtel... - Critique : :u4: Pour Une petite chambre, dans une résidence universitaire. La lumière et les couleurs sont blafardes, le décor, d'une morne symétrie ; deux lits identiques, une table sous la fenêtre. Le lieu est banal, mais cadré pour évoquer la perspective étroite d'une cellule de prison. Deux filles, Gabita et Otilia, y préparent fébrilement un départ. Le récit de ce douloureux « voyage » de quelques heures, sans sortir de la ville, grise et oppressante, a valu une palme d'or méritée au réalisateur roumain Cristian Mungiu, lors du dernier festival de Cannes. Une odyssée minuscule, éprouvante et dangereuse, parmi des milliers d'autres, en 1987, peu avant la chute du régime de Ceausescu. 4 Mois, 3 semaines, 2 jours, ou le décompte exact d'une grossesse non désirée, dans un pays et à une époque où l'avortement est illégal. C'est la brune Gabita, passive et fragile, qui est enceinte. Mais c'est à la blonde Otilia, à son dévouement résolu, à l'extrême tension de ses mouvements que la caméra s'attache surtout. Otilia déniche l'hôtel où se cacher pour avorter. Otilia contacte et ramène « M. Bébé », l'inquiétant faiseur d'anges. Elle ira même jusqu'à partager avec son amie le paiement en nature du sordide marché qu'impose ce dernier, au cours d'un long et glaçant huis clos, scène cruciale du film. Cette histoire intime progresse à la manière d'un thriller : le réalisateur entretient constamment une forme intense de suspense, autant sur l'état psychologique des héroïnes que sur leur sécu­rité matérielle. Cette tension, pourtant, ne doit rien aux habituels artifices censés doper l'attention. La mise en scène, véritable morceau de bravoure formel, découpe le temps au scalpel. Chaque scène se déroule en un seul plan-séquence aussi minutieux que dépouillé ; plan fixe ou caméra à l'épaule. Pas de pathos, pas de surlignage inutile pour évoquer la peur, l'oppression ou la solidarité. On n'anticipe rien, on ne voit que ce qui se montre : un ensemble de signes extérieurs, d'échanges et de malaises, une trajectoire nerveuse sur les pas d'Otilia dans une nuit hostile, une longue négociation avec une ordure ordinaire, une porte fermée, un dîner de famille... Rien ne vient adoucir le prodigieux et habile effet de réalité. Ce parti pris esthétique radical se confond avec la matière même du propos : deux filles au corps inquiet, prises dans le cadre d'une société aliénante, et pourtant le franchissant sans cesse, comme on passe une frontière, de l'obéissance à la transgression. Portrait en creux de la fin du communisme en Roumanie, le film évite toute démonstration trop évidente. Sur la question de l'avortement, pourtant centrale, Cristian Mungiu fait montre d'une sorte de féminisme désenchanté : il ne cherche pas à transmettre une leçon de morale, un point de vue confortable, mais à observer le viscéral, douloureux élan de liberté qui s'exprime à travers Gabilia et Otilia, en elles. Cette prise de risque cloue la première au lit avec une sonde, et conduit la seconde à la rencontre d'elle-même, de son indépendance. Anamaria Marinca donne à ce beau personnage une densité électrisante. Elle est la révélation de ce drame banal et fascinant. — Cécile Mury   :u1: Contre Un film emballant ? Non, un film emballé, ficelé, bouclé. Avec sa caméra qui semble programmée pour la virtuosité, Cristian Mungiu enserre tout dans une tension infaillible. On dirait un coureur qui ne reprend jamais son souffle. Il y a de l'artifice, comme une sorte de dopage, dans ce système de mise en scène si pressé d'imposer une forme, quel que soit le fond. Mungiu se plaît d'ailleurs à se débarrasser du fond : pendant la première partie de 4 Mois, 3 semaines, 2 jours, il nous prive de tout repère, de toute information sur ce qui se passe. Une façon de prouver qu'il peut retenir l'attention rien que par sa manière de filmer. Mais cette démonstration tombera à plat face à ceux qui iront voir le film en sachant, évidemment, qu'il s'agit d'une histoire d'avortement clandestin. Ça, Cristian Mungiu ne semble pas y avoir pensé, enfermé dans ses idées de cinéma un peu théoriques. Il faut regretter que ce jeune Roumain apparaisse d'emblée comme un suiveur, ­même s'il ne marche pas dans les traces de n'importe qui : en ne quittant pas d'une semelle la jeune femme qui mène son film, en se servant de l'urgence et de l'angoisse qui la minent comme carburant, il applique des leçons des frères Dardenne. Au risque d'en faire de simples recettes de Palme d'or. Car les Dardenne couraient après quelqu'un : Rosetta ou L'Enfant sont d'abord des portraits d'êtres humains qui se battent avec le monde ou se débattent avec eux-mêmes, et qui nous touchent. Mungiu, lui, se contente de personnages simplistes. Otilia, la bonne copine qui s'occupe de tout, traîne la fatalité du monde avec elle. On comprend qu'elle doit s'endurcir, mais fallait-il en faire un tel bloc ? Quant à Gabita, la jeune fille enceinte, elle est irresponsable, incapable de faire face à ce qui lui arrive. Aucune chance ne lui est donnée de montrer un autre visage, et elle est finalement clouée au pilori par un plan terrible montrant le foetus expulsé sur le carrelage de la salle de bains. Mungiu sait-il qu'une telle image est du pain béni pour les anti-avortement ? On voudrait que ­cette palme soit celle de la jeunesse. C'est celle de l'immaturité. — Frédéric Strauss

Année : 2007

Avec : Adi Carauleanu, Alexandru Potocean, Anamaria Marinca, Cerasela Iosifescu, Doru Ana, Ion Sapdaru, Laura Vasiliu, Liliana Mocanu, Luminita Gheorghiu, Tania Popa, Teodor Corban, Vlad Ivanov

Antérieurement en 2023
 

R M N

Télévision : 22 mai 2023 à 03:02-03:32 sur Canal +

film : drame

De retour d'Allemagne où il a travaillé pendant quelques années, Matthias retrouve sa Transylvanie natale. C'est en pleine période de Noël qu'il revient auprès de son fils Rudi, qui est resté trop longtemps aux côtés de sa mère selon lui. Cela lui permet également de revoir son ex-petite amie Csilla. Mais lorsque celle-ci décide d'embaucher des étrangers dans l'usine qu'elle dirige, la petite communauté que forme les villageois prend peur et le fait savoir. Alors que la paix était habituellement le mot d'ordre dans le village, certains préjugés racistes refont surface et viennent porter le trouble sur le calme de la collectivité... - Critique : Dissipons la perplexité possible devant le titre. RMN est le sigle en roumain d’IRM (l’imagerie par résonance magnétique), soit un scanner très précis, cérébral en général. Radiographier le mal ou la maladie, c’est le projet du cinéaste, à l’échelle d’un village de Transylvanie, à la population multiethnique. Matthias y revient précipitamment, après avoir cogné son chef qui l’avait traité de « sale Gitan », en Allemagne, où il travaillait durement, dans un abattoir. Il n’est pas vraiment le bienvenu chez lui. Sa femme, qui élève seule leur fils, tient à garder ses distances : Matthias est un homme rustre et taciturne, impulsif. Humain malgré tout ? Il s’inquiète en tout cas pour la santé de son garçon, mutique depuis une rencontre traumatisante dans la forêt dont il ne veut rien dire. Et pour celle de son père, un berger vieillissant et malade. Le seul réconfort que le personnage semble trouver est entre les bras de Csilla, son ancienne maîtresse. Elle est la numéro 2 d’une boulangerie industrielle, seule entreprise dynamique du coin, mais aux salaires trop bas pour les jeunes locaux, qui ont préféré partir vers l’ouest. Csilla a donc fait appel à de la main-d’œuvre étrangère, deux Sri-Lankais parlant l’anglais. Elle les accueille, en leur trouvant un logement, chez des amis. Les nouveaux venus travaillent bien mais suscitent vite au sein de la communauté, paupérisée, mécontentement et ressentiment. La violence xénophobe menace alors d’embraser le village. ► Ce film est à revoir du 18 au 24 janvier pour 4 euros dans le cadre du Festival cinéma Télérama. Toutes les infos ici Il n’est pas question pour Cristian Mungiu (4 Mois, 3 semaines, 2 jours) de la justifier, mais bien de la décortiquer, en exposant de manière magistrale les ressorts multiples qui l’alimentent. On écrit « magistrale », car le nombre d’éléments, à la fois économiques, culturels, religieux, anthropologiques, qu’il est parvenu à réunir force le respect. Ambitieuse est cette fresque, où l’on parle au moins cinq langues. Où se réfléchit le poids de l’histoire de la Transylvanie, avec un éclairage sur ses minorités — hongroises et allemandes. Et où sont montrés avec une ironie mordante les effets pervers de l’Union européenne et de la mondialisation. Tout cela pourrait s’avérer indigeste, mais le film reste étonnamment fluide, captivant de bout en bout, la fiction intime solidement chevillée à l’intrigue. On suit partout les deux personnages, Matthias et Csilla, au travail, en famille, chez le médecin ou dans l’alcôve. Le privé et le public, le particulier et l’universel restent liés. Quant aux conflits, ils sont aussi intérieurs : le versatile Matthias ne sait plus très bien à quel camp lui-même appartient. R.M.N. montre comment chacun peut très vite se retrouver « le sale Gitan » d’un autre. Et comment la bête raciste tapie en nous peut se réveiller à tout moment, si on laisse les bas instincts prendre le dessus sur la raison. La peur de l’autre, de la nuit, des animaux traverse le film. Une peur implacable mais aussi grotesque, risible. L’atout majeur de R.M.N. réside sans doute dans son alliage de noirceur terrible et de farce absurde. Qui culmine dans la scène de la salle communale, où les habitants prennent à tour de rôle la parole pour débattre du sort des immigrés. Un formidable morceau de bravoure — dix-sept minutes de plan-séquence — pour un grand déballage, un théâtre de l’invective, de la rancœur, de la zizanie. On repense alors à ces vieux westerns qui finissent en bataille rangée, pire, en curée punitive. Mais celui-ci, glaçant, évoque l’ici et maintenant, un peu partout en Europe. Pourtant, dans une ultime pirouette, Cristian Mungiu réfute le pessimisme, en montrant ce que la nuit recèle aussi de profondeur énigmatique… Pas si loin, étrangement, de la magie de Noël.

Année : 2022

Avec : Alin Panc, Andrei Finti, Bacs Miklos, Cerasela Iosifescu, Hatházi András, Judith State, Macrina Barladeanu, Marin Grigore, Mark Edward Blenyesi, Orsolya Moldován, Ovidiu Crisan, Zoltán Deák

Antérieurement en 2023
 

R M N

Télévision : 22 mai 2023 à 01:53-03:57 sur Canal +

film : drame

De retour d'Allemagne où il a travaillé pendant quelques années, Matthias retrouve sa Transylvanie natale. C'est en pleine période de Noël qu'il revient auprès de son fils Rudi, qui est resté trop longtemps aux côtés de sa mère selon lui. Cela lui permet également de revoir son ex-petite amie Csilla. Mais lorsque celle-ci décide d'embaucher des étrangers dans l'usine qu'elle dirige, la petite communauté que forme les villageois prend peur et le fait savoir. Alors que la paix était habituellement le mot d'ordre dans le village, certains préjugés racistes refont surface et viennent porter le trouble sur le calme de la collectivité... - Critique : Dissipons la perplexité possible devant le titre. RMN est le sigle en roumain d’IRM (l’imagerie par résonance magnétique), soit un scanner très précis, cérébral en général. Radiographier le mal ou la maladie, c’est le projet du cinéaste, à l’échelle d’un village de Transylvanie, à la population multiethnique. Matthias y revient précipitamment, après avoir cogné son chef qui l’avait traité de « sale Gitan », en Allemagne, où il travaillait durement, dans un abattoir. Il n’est pas vraiment le bienvenu chez lui. Sa femme, qui élève seule leur fils, tient à garder ses distances : Matthias est un homme rustre et taciturne, impulsif. Humain malgré tout ? Il s’inquiète en tout cas pour la santé de son garçon, mutique depuis une rencontre traumatisante dans la forêt dont il ne veut rien dire. Et pour celle de son père, un berger vieillissant et malade. Le seul réconfort que le personnage semble trouver est entre les bras de Csilla, son ancienne maîtresse. Elle est la numéro 2 d’une boulangerie industrielle, seule entreprise dynamique du coin, mais aux salaires trop bas pour les jeunes locaux, qui ont préféré partir vers l’ouest. Csilla a donc fait appel à de la main-d’œuvre étrangère, deux Sri-Lankais parlant l’anglais. Elle les accueille, en leur trouvant un logement, chez des amis. Les nouveaux venus travaillent bien mais suscitent vite au sein de la communauté, paupérisée, mécontentement et ressentiment. La violence xénophobe menace alors d’embraser le village. ► Ce film est à revoir du 18 au 24 janvier pour 4 euros dans le cadre du Festival cinéma Télérama. Toutes les infos ici Il n’est pas question pour Cristian Mungiu (4 Mois, 3 semaines, 2 jours) de la justifier, mais bien de la décortiquer, en exposant de manière magistrale les ressorts multiples qui l’alimentent. On écrit « magistrale », car le nombre d’éléments, à la fois économiques, culturels, religieux, anthropologiques, qu’il est parvenu à réunir force le respect. Ambitieuse est cette fresque, où l’on parle au moins cinq langues. Où se réfléchit le poids de l’histoire de la Transylvanie, avec un éclairage sur ses minorités — hongroises et allemandes. Et où sont montrés avec une ironie mordante les effets pervers de l’Union européenne et de la mondialisation. Tout cela pourrait s’avérer indigeste, mais le film reste étonnamment fluide, captivant de bout en bout, la fiction intime solidement chevillée à l’intrigue. On suit partout les deux personnages, Matthias et Csilla, au travail, en famille, chez le médecin ou dans l’alcôve. Le privé et le public, le particulier et l’universel restent liés. Quant aux conflits, ils sont aussi intérieurs : le versatile Matthias ne sait plus très bien à quel camp lui-même appartient. R.M.N. montre comment chacun peut très vite se retrouver « le sale Gitan » d’un autre. Et comment la bête raciste tapie en nous peut se réveiller à tout moment, si on laisse les bas instincts prendre le dessus sur la raison. La peur de l’autre, de la nuit, des animaux traverse le film. Une peur implacable mais aussi grotesque, risible. L’atout majeur de R.M.N. réside sans doute dans son alliage de noirceur terrible et de farce absurde. Qui culmine dans la scène de la salle communale, où les habitants prennent à tour de rôle la parole pour débattre du sort des immigrés. Un formidable morceau de bravoure — dix-sept minutes de plan-séquence — pour un grand déballage, un théâtre de l’invective, de la rancœur, de la zizanie. On repense alors à ces vieux westerns qui finissent en bataille rangée, pire, en curée punitive. Mais celui-ci, glaçant, évoque l’ici et maintenant, un peu partout en Europe. Pourtant, dans une ultime pirouette, Cristian Mungiu réfute le pessimisme, en montrant ce que la nuit recèle aussi de profondeur énigmatique… Pas si loin, étrangement, de la magie de Noël.

Année : 2022

Avec : Alin Panc, Andrei Finti, Bacs Miklos, Cerasela Iosifescu, Hatházi András, Judith State, Macrina Barladeanu, Marin Grigore, Mark Edward Blenyesi, Orsolya Moldován, Ovidiu Crisan, Zoltán Deák