Télévision : 9 novembre 2023 à 14:25-16:31 sur Canal +

film : drame

Jodi et Megan, deux jeunes journalistes du New York Times, se voient confier une mission délicate par leur hiérarchie. En effet, face à d'insistantes rumeurs sur des soupçons de harcèlement et de violences sexuelles à Hollywood, leur supérieure les invite à mener l'enquête pour tenter de démêler le vrai du faux dans une affaire qui pourrait créer un énorme scandale. Malgré l'omerta qui règne dans le milieu, malgré les menaces et les pressions diverses, elles parviennent à recueillir assez d'éléments pour mettre en cause un des plus grands pontes californiens du septième art : Harvey Weinstein, accusé par d'innombrables victimes... - Critique : Le 5 octobre 2017, un article du New York Times marquait le début de la fin pour Harvey Weinstein en révélant la stratégie utilisée par le producteur hollywoodien pour couvrir trois décennies de harcèlement et de crimes sexuels : réduire ses victimes au silence grâce à de gros chèques et d’inextricables accords de confidentialité. Un système mis au jour par deux reporters, Jodi Kantor et Megan Twohey, dont l’enquête précéda de quelques jours celle de Ronan Farrow dans le New Yorker et nourrit à présent le remarquable scénario de She Said. Coproduit par Brad Pitt et calibré pour les Oscars, le long métrage de Maria Schrader (I’M Your Man) s’inscrit dans un genre à la fois balisé et dangereusement antispectaculaire. Comme dans Les Hommes du président (Alan J. Pakula, 1976) et Spotlight (Tom McCarthy, 2016), l’essentiel de l’action se borne en effet à passer des coups de fil, prendre des notes, discuter autour d’une table (en réunion, à la cantine, dans un bar…) ou frapper à des portes qui, souvent, restent closes. Entre drame sensible et thriller à cuisson lente, She Said parvient à renouveler ces passages obligés en les conjuguant au féminin pluriel. Que l’investigation soit menée par deux femmes n’a rien d’un détail dans la mesure où le film entremêle en permanence le professionnel et le privé, comme lors de cette scène où Jodi Kantor, sur le point d’entendre le témoignage de l’actrice Rose McGowan, doit trouver à la hâte un moyen d’occuper sa propre fille — un code Netflix la tirera d’affaire. Tels Bob Woodward et Carl Bernstein chez Pakula, les héroïnes forment un tandem de circonstance, si ce n’est qu’ici, complicité rime avec intimité : Jodi manque d’assurance, Megan affronte une dépression post-partum, l’une et l’autre vont s’épauler — et l’on jurerait que leurs interprètes respectives, Zoe Kazan et Carey Mulligan, si subtiles et justes, en ont fait autant. Au cœur de She Said, enfin, il y a la parole de femmes qui ont eu le malheur de croiser Weinstein. Une parole longtemps ignorée ou interdite et qui trouve un relais d’autant plus puissant que le film maintient le terrifiant mogul dans l’ombre — il se résume à une voix menaçante, au pire une silhouette vue de dos — pour braquer la lumière sur celles dont il a brisé la carrière, notamment la comédienne Ashley Judd dans son propre rôle. Parmi les choix inspirés de la mise en scène, celui de poser le récit des agressions sur des natures mortes (des vêtements au sol, un peignoir blanc sur un lit, d’interminables travellings dans des couloirs d’hôtels déserts…) fait forte impression.

Année : 2022

De : Maria Schrader

Avec : Anastasia Barzee, Andre Braugher, Angela, Ashley Judd, Carey Mulligan, Greer Hilary, Heary Maren, Jennifer Ehle, Patricia Clarkson, Samantha Morton, Sean Cullen, Zoe Kazan