Télévision : 18 septembre 2023 à 13:35-15:40 sur Arte

film : drame

Lucie et Raymond Samuel se sont engagés dans la Résistance sous le pseudonyme d'"Aubrac". Ils organisent des attentats, transportent des messages, se déplacent constamment et risquent ainsi leur vie quotidiennement. Le 21 juin 1943, Raymond se fait arrêter en compagnie de Jean Moulin, chez le docteur Dugoujon à Caluire. Au premier étage du cabinet médical devait se tenir une réunion secrète, mais une dénonciation a permis à Klaus Barbie de mettre la main sur le réseau de résistants. Ils ont tous de faux papiers et risquent gros. Raymond est soumis à la torture. Pendant ce temps, Lucie fait tout ce qu'elle peut pour sortir son mari de prison... - Critique : Une femme, passionnément amoureuse de son mari, en- treprend au péril de leur vie toutes sortes de manoeuvres pour le sortir de prison. Tout y est : ruse, intrigue, imposture. On se croirait dans un roman de Stendhal ou d'Alexandre Dumas. Sauf que l'histoire est vraie. C'est celle de Lucie Aubrac, figure héroïque de la Résistance.Héroïque. Un mot que l'intéressée n'aime guère employer, même à propos de son mari, dont elle dit qu'il a fait bien plus qu'elle pour la Résistance. Dans son livre, Ils partiront dans l'ivresse, publié à l'époque du procès Barbie, l'épouse de Raymond Aubrac tenait justement à rétablir certaines vérités, à raconter ses souvenirs sous l'angle du quotidien, en évitant l'idéalisation. Un témoignage sans emphase sur les difficultés, les peines mais aussi l'exaltation du combat clandestin.Claude Berri a puisé dans ce livre moins une histoire que les fragments d'une aventure vécue par deux jeunes gens amoureux l'un de l'autre et de la vie. Des faits et gestes précis, des concentrés de réel souvent traversés par une vraie tension. D'un côté, on découvre, à travers des instantanés, l'activité « ordinaire » des résistants : la pose de plastic sur des rails de chemin de fer pour un attentat, la dissimulation d'un message dans un col de chemise, les déplacements incessants, les missions de surveillance. Et, de l'autre, des situations romanesques, parfois dramatiques : comment Lucie a mystifié le procureur du tribunal de Lyon pour faire relâcher Raymond ; son culot phénoménal pour rencontrer Klaus Barbie au siège de la Gestapo ; et, bien sûr le fameux rendez-vous de Caluire au cours duquel Jean Moulin et Raymond Au- brac furent arrêtés par la Gestapo. Un épisode que Berri reconstitue plutôt bien même si l'on reste perplexe face à Patrice Chéreau en Jean Moulin, tellement « habité » qu'on le voit venir de loin.Ici, pas de tableau d'ensemble de la Résistance ni de reconstitution monumentale. Pas trop de décorum non plus, ce qui est une bonne surprise vu le budget colossal annoncé. On a l'impression que Berri a cherché à gommer tout ce qui pouvait détourner l'attention du thème central : l'obstination de Lucie à sauver son homme. A travers une forme épurée, il serre ses personnages de près ­ Raymond en prison, Lucie dans ses stratagèmes ­ sans pour au- tant les priver de mystère. On parle peu dans ce film, et de là vient sans doute son pouvoir de séduction : il nous pla- ce au coeur d'actions où les gestes et les regards tissent entre les hommes des liens très forts et cristallisent à eux seuls la valeur de l'existence. Un monde de dangers et de secrets où tout peut arriver.C'est donc aussi, naturellement, un film de suspense. Un polar, si l'on veut, où surgissent des émotions essentielles : la peur, le chagrin, le soulagement et le goût du risque. Un cache-cache dangereux mais sacrément palpitant, où Lucie Aubrac est une formidable joueuse, une intrigante de talent. Une femme libre, capable de tout. Y com- pris de tuer. Et quand Lucie Aubrac glisse du poison dans un pot de confiture qu'elle destine à René Hardy, qu'elle tient pour le traître de Caluire, une autre image de la Résistance affleure : impitoyable, et pas forcément glorieuse.Il y a bien des maladresses dans le récit, des scènes qui frôlent l'académisme du « film de Résistance », mais, pour l'essentiel, Claude Berri s'est mis au diapason du livre qui l'a inspiré : il montre plus qu'il ne démontre, avec un souci manifeste d'honnêteté et de sobriété. Et, quand le dérapage guette, les acteurs rattrapent le coup. Au début, Carole Bouquet dérange un peu, avec son look années 40 trop appuyé. Et puis on oublie ces artifices. Elle endosse le rôle de Lucie avec un mélange convaincant d'autorité naturelle et de retenue. Daniel Auteuil, en Raymond Aubrac, impressionne par la force intérieure de son jeu très dépouillé. Une scène donne la mesure de son travail. C'est celle où le chef de la Gestapo cravache sauvagement son prisonnier. Avec le minimum, Auteuil donne à sentir la terreur de la victime et son incompréhension face au sadisme du tortionnaire.Plus qu'un film sur le courage, Lucie Aubrac est un film d'amour sans lequel le courage n'a sans doute aucun sens. Ses héros ne sont pas « héroïques » : ils sont bons, humains, proches. Leur combat n'en paraît que plus réel. Par les temps « vitrolliens » qui courent, cela redonne confiance. Cela tient chaud au coeur. Tout simplement.

Année : 1997

Avec : Alain Maratrat, Andrzej Seweryn, Bernard Verley, Carole Bouquet, Daniel Auteuil, Eric Boucher, Heino Ferch, Jean Martin, Jean-Louis Richard, Jean-Roger Milo, Pascal Greggory, Patrice Chéreau