Télévision : 21 juillet 2023 à 02:20-04:09 sur Canal +

film : drame

Dans les années 1990, en Australie. Jeune homme frustré de sa situation, Nitram enchaîne les petits boulots en attendant de trouver sa voie. Toujours hébergé par ses parents, il gagne difficilement sa vie en travaillant occasionnellement comme jardinier chez des particuliers. C'est dans ce cadre qu'il rencontre Helen, riche héritière qui vit esseulée, seulement entourée d'une floppée d'animaux. Sous le charme de cette dame aux bonnes manières, Nitram débute une aventure sans penser à des lendemains qui pourraient être difficiles, et qui arrivent plus vite que prévu. En effet, Helen décède tragiquement, laissant Nitram désemparé... - Critique : Quel âge a-t-il exactement, sous ses longs cheveux blonds qui lui coulent sur le visage comme une pluie sale ? Difficile à dire. Un gamin fêlé, attardé, engoncé dans un grand corps d’adulte. Un homme flou. Rien que l’étrange sobriquet que lui donne son maigre entourage raconte une vie à l’envers. Ses parents harassés, brisés et durcis par des années de désarroi, rêvaient sans doute d’élever un « Martin » (son prénom à sa naissance) comme tout le monde, dans leur coin plat et tristounet de Tasmanie. Mais c’est un « Nitram » qui leur est resté sur les bras. Un nom bancal, un peu inquiétant, comme une marque d’explosifs, ou l’acronyme d’un mélange chimique interdit. Une matière instable. Pour comprendre ce film singulier, on est obligé d’en évoquer la fin. Le réalisateur australien Justin Kurzel (auquel on doit, entre autres, l’excellent Gang Kelly, en 2019) s’inspire d’une tragédie réelle, tristement célèbre dans son pays : le massacre de Port Arthur, au printemps 1996. Armé jusqu’aux dents, un déséquilibré nommé Martin Bryant avait fait trente-cinq victimes et de nombreux blessés. Ce meurtre de masse avait alors incité l’Australie à revoir radicalement sa législation sur la libre circulation des armes à feu. Le fait divers fournit au cinéaste son sujet — comment la maladie mentale et l’extrême solitude font très mauvais ménage avec le commerce des fusils semi-automatiques —, mais aussi l’occasion d’un portrait sidérant de la marginalité. Nitram est incarné par le comédien américain Caleb Landry Jones (remarqué, entre autres, dans Get Out, de Jordan Peele, ou encore 3 Billboards, les panneaux de la vengeance, de Martin McDonagh), si dérangeant, si formidable dans son opacité poisseuse qu’il a amplement mérité son prix d’interprétation à Cannes en 2021. Autour de lui, Justin Kurzel fait dérailler le réel, d’abord grâce à l’habileté d’une mise en scène qui place son héros dans des plans trop larges pour sa silhouette lunaire, ou bien le repousse dans un coin de l’image, littéralement à l’écart. Puis avec des personnages secondaires forts, telle cette héritière vieillissante, encore jolie, aussi perdue que Nitram, la seule avec laquelle il parvient, un temps, à nouer un lien, tordu, poétique et touchant. La parenthèse qu’ils partagent, à l’abri du monde dit normal, laisse entrevoir une autre folie plus libre, plus tendre, mais condamnée d’avance. Une oasis éphémère, dans un désert humain.

Année : 2021

Avec : Anthony LaPaglia, Caleb Landry, Conrad Brandt, Essie Davis, Ethan Cook, Jessie Ward, Judy Davis, Kyan Hugh Mana Walters, Lucas Friend, Phoebe Taylor, Sean Keenan, Zaidee Ward