Télévision : 18 septembre 2022 à 03:48-04:19 sur Canal +

film : court métrage

Une femme regarde le temps passer à côté des valises de son ex-amant. Ce dernier est censé venir les chercher, mais il n'arrive jamais. Il y a aussi un chien agité qui ne comprend pas que son maître l'ait abandonné. Deux êtres vivants face à l'abandon. Plus le temps passe et plus la femme se laisse aller à ses tourments. - Critique : À l’origine, il y a une pièce en un acte de Cocteau, créée en 1930. Un monologue de femme brisée par une rupture, et dont on n’entend pas le correspondant téléphonique — le jeune amant enfui. Pas loin d’un siècle plus tard, Pedro Almodóvar en tire un court métrage inattendu, éblouissant par la variété de nuances qu’il déploie. Androgyne, sans âge, à la fois altière et directe, irréductible à un type de personnalité, Tilda Swinton exprime la violence du désamour sans jamais faire de son personnage une victime. Elle qu’on a vue si souvent grimée et déguisée offre son visage à nu et apporte au film une présence justement humaine. L’enfermement, dans un lieu et une obsession, inspire au réalisateur une magnifique idée : l’appartement, qui évoque ceux de Douleur et Gloire (2019) et de Femmes au bord de la crise de nerfs (1988), est montré comme un décor de cinéma (ou de théâtre), lui-même contenu dans un vaste hangar sans fenêtre. L’héroïne y semble donc doublement prisonnière. Pourtant, cette claustration ouvre aussi des horizons insoupçonnés. Si les parois de la chambre ne sont qu’une illusion, le malheur des sentiments en constitue peut-être une autre. Dans la version de Rossellini (Amore, en 1948), Anna Magnani paraissait emmurée vivante. Avec ce dispositif original, Almodóvar invite, lui, son personnage à un geste que Cocteau aurait sans doute reconnu : quitter, dans un même mouvement, son décor et sa douleur, comme on traverse un miroir.

Année : 2020

Avec : Almodóvar Agustín, Carlos García, Dash, Diego Pajuelo, Miguel Almodóvar, Pablo Almodóvar, Tilda Swinton