Télévision : 18 mars 2018 à 20:55-22:20 sur France 4

film : comédie dramatique

Soudain, Lulu, la quarantaine, décroche de son quotidien… D'après la BD d'Etienne Davodeau, un film fantasque et chaleureux, avec Karin Viard, émouvante, telle quelle. Critique : Parmi toutes les adaptations de BD vues ces derniers mois (La Vie d'Adèle, Quai d'Orsay, Snowpiercer), celle-ci cache particulièrement son jeu. Ni cheveux bleus, ni papiers volants, ni train futuriste. Juste une femme ordinaire en fugue, dans un style naturaliste : un genre typique du cinéma français — précédent exemple en date, Elle s'en va, avec Catherine Deneuve. Lulu, au début du film, est aussi une image typique de la France en crise : énième entretien d'embauche planté, responsabilités familiales écrasantes, stress chronique et déprime larvée. Et soudain, elle décroche. Sans comprendre ce qui lui arrive, elle manque le train du retour et s'installe à l'hôtel, au bord de la mer. Avant même que la fiction se déploie, avec ses rebondissements en règle, le plus beau est le vide salvateur dans lequel Lulu se ressaisit, se reprend, revient à elle — lumineuses scènes au miroir dans la chambre d'hôtel. C'est une femme nue au sens où elle se dépouille de ses atours d'épouse, de mère de famille, de chômeuse, pour s'abandonner à l'indétermination, et à tous les possibles qui vont avec. Avec cette « nudité » revient l'ingénuité : il suffit d'un rien pour convertir le moins en plus, et le mal en bien. Lulu croit voir un cadavre sur la plage ? Ce sera vite une sorte de prince charmant d'occasion, un semi-clodo assoupi, lui aussi en manque d'amour (Bouli Lanners). Interdite de carte bancaire, affamée, Lulu en vient à s'en prendre à une vieille dame (Claude Gensac) au sortir de l'épicerie ? Ce sera le début d'une cohabitation bienfaisante pour toutes les deux. Le film, chaleureux, parfois fantasque, a le défaut de faire porter le chapeau du mal-être au seul mari de l'héroïne, présenté comme un pur salaud. Mais il a un atout maître : les retrouvailles, quinze ans après, de Solveig Anspach avec son interprète et alter ego de Haut les coeurs ! Il se confirme que cette cinéaste est l'une des rares à qui la comédienne se donne telle quelle, sans maniérisme ni effets spectaculaires. Le lâcher-prise émouvant de Karin Viard et sa nudité d'actrice font un écho harmonieux à cette histoire d'émancipation, à cet éloge de la roue libre. — Louis Guichard

Année : 2013