Télévision : 19 janvier 2018 à 08:34-09:50 sur Canal +

film : drame

Un père veuf présente sa nouvelle compagne à son fils rockeur et chômeur. Le complexe d’Œdipe revu par un disciple prometteur de Maurice Pialat. Critique : Avec son groupe de hard rock (en fait, de post-hardcore, pour les initiés), il s'époumone, il se déchaîne, il s'envole. Chez son père veuf, où il vit encore, à 24 ans, il retombe. Dans la mélancolie du deuil, dans l'amertume et les non-dits, dans la peur des lendemains — pas de diplôme, pas de travail. Le tête-à-tête ombrageux entre les deux hommes, ponctué par les allusions à la disparue, a tout d'une prison, même s'il y a encore de l'amour. Jusqu'au jour où le père, quadragénaire, ramène à la maison une femme, et la présente au fils comme sa nouvelle compagne. Morgan Simon, jeune réalisateur jusqu'ici remarqué pour ses courts métrages, admire manifestement Maurice Pialat : l'influence du maître est palpable dans la violence à peine contenue des rapports entre proches, dans le désespoir, et même dans l'humour discret que distille Compte tes blessures. Il y aussi l'acuité du regard porté sur les acteurs : Nathan Willcocks (le père), excellent dans la rugosité, la fatigue du travailleur matinal (poissonnier ambulant) et, bien sûr, Kévin Azaïs, possédé par son rôle, saisissant. Le relief de son visage et ses innombrables tatouages, spécialement sur le cou, sont au coeur de l'esthétique du film. Des jeux d'ombre et de lumière semblent décapiter le jeune homme quand il se soumet aux humiliations paternelles. Autour de la nouvelle venue (Monia Chokri, révélée par Les Amours imaginaires, de Xavier Dolan), d'un âge intermédiaire, une rivalité s'intensifie, secrètement puis ouvertement. Elle conduit à une longue scène mémorable : tour à tour irréelle, scabreuse, émouvante et d'une cruauté infinie... Le complexe d'OEdipe dans sa forme la plus animale. Ce moment extrême donne le sentiment de voir naître un cinéaste, qui s'arrache soudain à la prudence psychologique et à la vraisemblance pour atteindre une vérité brute. Et en même temps, il s'agit de l'émancipation radicale du jeune héros. La combinaison de ces deux événements signale bien souvent les premiers longs métrages qui comptent. — Louis Guichard

Année : 2016