Télévision : 15 novembre 2017 à 01:15-02:50 sur Arte

film : drame

Caméra d’or à Cannes, un premier film tourné à Forbach, avec des non-professionnels. Touchant de sincérité. Critique : Pour Dans le paysage souvent tiède des films français, il ­arrive, heureusement, que débarquent de merveilleux ovnis comme celui-ci, qui redonnent con­fiance dans la vitalité du cinéma. Il était une fois Angélique, 60 ans, entraîneuse dans des cabarets défraîchis à la frontière allemande. Même si elle aime toujours autant faire la fête, il ­serait peut-être temps, pour elle, de se ranger : les vieux habitués ont déserté et elle boit de plus en plus pour oublier qu'ils venaient pour elle, avant. Quand Michel, l'un d'eux, lui demande timidement sa main, Angélique croit d'abord à une blague, puis accepte : oui, avec ce gros nounours, elle pourrait vieillir gentiment. Et puis cela rassurerait ses quatre enfants, dont elle ne s'est jamais beaucoup occu­pée — la dernière a même été confiée à une famille d'accueil... Mais, pour certaines herbes folles, y a-t-il vraiment un âge où cesser de fumer, boire, rire, et danser ? Un premier film tourné à Forbach, ville de l'Est sinistrée, où tous les comédiens sont des non-professionnels, à commencer par l'héroïne elle-même, la propre mère de Samuel Théis, l'un des réalisateurs : on s'attend à du pur cinéma naturaliste, et on a raison. Mais ce Party Girl qui a remué le festival de Cannes et raflé la Caméra d'or est aussi un superbe mélodrame. Un peu comme si les frères Dardenne avaient mis en scène un scénario de Douglas Sirk... Changer de vie, croire à l'amour, même tardif, ou se persuader que les sentiments de l'autre sont suffisamment forts pour que le charme opère : des thèmes sans âge que Marie Amachoukeli, Claire Burger (1) et Samuel Théis revisitent dans un style brut, vibrant. Et une empathie absolue pour tous leurs personnages, petites gens fâchés avec la syntaxe, anciens mineurs qui occupent leur retraite au stand de tir, ou « filles » plus ou moins jeunes qui dansent en string et se tiennent chaud entre elles. L'émotion, du coup, est constante. Lors de ce moment, en voiture, où une mère comprend que son fils ne peut plus rien pour elle ; pendant ce mariage, où chacun y va de son discours gêné ; mais aussi, et surtout, dans une scène d'aveu entre une femme et un homme nu... Là encore, la vie, la vraie. Personne n'a tort, et que vaut la raison quand les destins les plus beaux sont écrits sur du vent ? Repéré dans un bistrot (où il s'était accordé un petit verre après avoir coupé son bois) par le trio de réalisateurs, Joseph Bour (Michel) est bouleversant. Face à lui, Angélique Litzenburger joue comme elle respire : comme si chaque seconde était une victoire sur le temps et l'ennui. Une rock star. Avec cette Party Girl d'une sincérité à toute épreuve, les trois jeunes cinéastes ont réussi un film libre sur la liberté. — Guillemette Odicino   Contre Si vous trouvez que le film manque, bizarrement, de justesse, il se trouvera toujours quelqu'un pour vous répondre : impossible, car tout est vrai. Cette femme est exactement comme ça dans la vie. Le scénario raconte ce qui lui est vraiment arrivé... A ce degré de véracité brandie, garantie, le naturalisme rejoint le reportage, le magazine de société, la télé-réalité. Avec le même immense embarras quand arrivent les effusions : par exemple, les déclarations d'amour publiques d'Angélique, le soir de son mariage, à ses enfants (les vrais dans la vraie vie), et vice versa. Il y a quel­ques années, on s'est beaucoup moqué, non sans raison, des discours prononcés par les personnages des Petits Mouchoirs dans une scène d'enterrement (« T'es une belle per­son­ne... »), mais ceux, larmoyants, qu'on entend dans Party Girl n'en sont pas si loin. Leur authenticité ­affichée ne les rend pas moins gênants, au contraire. Sur la spectaculaire Angélique, à la fois sombre et haute en couleur, on aurait aimé voir un documentaire, un portrait, mais pas cette reconstitution brute de décoffrage. Le naturalisme de Party Girl est si naïf, si épais, qu'il nous ramènerait à la formule prêtée à Rimbaud : « Rien n'est beau que le faux. » — Louis Guichard   1 Les deux réalisatrices ont obtenu le César du meilleur court métrage en 2010 avec C'est gratuit pour les filles.

Année : 2014