Télévision : 18 février 2018 à 21:00-22:50 sur W9

film fantastique

Rescapé d'une catastrophe ferroviaire, il s'interroge sur sa survie… Une spiritualité de bazar. Pourtant, M. Night Shyamalan a un style certain. Critique : M. Night Shyamalan, l'homme qui a imaginé Sixième Sens, est un metteur en scène doué. Les premières séquences de son nouveau film le confirment. Il possède une flagrante dextérité dans l'art de harponner le spectateur en posant les jalons d'une réalité imperceptiblement décalée. On voit, en prologue, une femme accoucher d'un bébé souffrant de nombreuses fractures qui laissent le médecin médusé. Inexplicable. On voit ensuite Bruce Willis à bord d'un train qui, soudain, s'emballe. A l'hôpital où il se réveille, il apprend qu'il est le seul survivant d'une effroyable catastrophe, et surtout qu'il s'en est sorti sans la plus petite égratignure. Tout aussi inexplicable. On verra bientôt cet homme apparemment « incassable » aller au rendez-vous fixé par son double inversé : celui-ci (Samuel L. Jackson), qu'on a surnommé « l'homme de verre », « casse » au moindre choc (c'est le bébé du début). Inexplicable, encore. Tandis que sont ainsi dévoilées, une à une, les pièces d'un puzzle, c'est une réalité quotidienne plutôt anodine qui émerge du récit. Le miraculé, David, est agent de sécurité au stade de la ville, et sa vie privée s'effiloche. L'homme de verre, Elijah, est un éminent collectionneur de pièces rares de bandes dessinées, qui vit en solitaire. Le prolo intuitif se méfie de l'esthète à la froideur toute cérébrale. Mais ils sont liés par le plus énigmatique des fils invisibles, suggère l'auteur. M. Night Shyamalan est à son meilleur quand il insinue des touches de mystère dans un contexte très réaliste, sans effets tonitruants, juste en jouant sur le rythme des scènes, la longueur des plans, les détails qui enrichissent la scène tout en y jetant le trouble. Ce réalisateur de tout juste 30 ans a du style. Mais entre le style et la frime, la frontière est mince. Après une longue, et pas si désagréable attente, on était prêt à le suivre et à accepter cette idée abracadabrante que le malheureux David, résigné à son existence toute grise, pouvait se transfigurer en un superhéros de BD doté de pouvoirs télépathiques inouïs, et mener croisade contre le Mal. On trouvait même assez rigolo qu'une telle métamorphose soit le fruit d'une cogitation alambiquée du très tortueux Elijah, projetant dans la vraie vie ses fantasmes d'héroïsme surnaturel. Manque un ingrédient essentiel : l'humour. Shyamalan prend terriblement au sérieux son histoire, se donne un mal fou pour créer l'illusion de la profondeur. Avec des élucubrations d'une solennelle platitude sur le thème : chacun a son destin entre ses mains, il suffit de trouver quel sens donner à sa vie. Avec des manifestations surnaturelles d'un goût pompier (ah ! la pose christique de David quand il prend conscience de sa mission...). Et le tout baignant dans une spiritualité de bazar. On ne dira rien de la résolution de l'énigme en forme d'ultime pirouette ­ le truc qui avait tant fait pour le triomphe de Sixième Sens ­, si ce n'est que, cette fois, la belle mécanique mouline du vide - Jean-Claude Loiseau

Année : 2000