Télévision : 29 janvier 2018 à 20:55-22:50 sur Chérie 25

film : comédie

Pléiade de stars dans un musée imaginaire : Jean-Michel Ribes transpose sa pièce sur grand écran et offre une irrésistible satire du « bien-penser » culturel, ainsi qu'une réflexion sur l'art contemporain. Critique : Quand les cinéastes américains installent leurs caméras dans un musée, c'est pour y suivre une ténébreuse affaire criminelle (Da Vinci Code) ou traquer un monstre mutant (Relic). En France, pays de Descartes et de Bourdieu, il s'agit plutôt de réfléchir au rapport de l'oeuvre exposée avec ceux qui la regardent, et plus généralement à ce haut lieu d'une nouvelle forme de sacré. De façon sérieuse et élégiaque quand Olivier Assayas tourne L'Heure d'été ; sur un ton plus malicieux, mais non moins subtil, avec ce Musée haut, musée bas, marquant le retour au cinéma d'un homme de théâtre, Jean-Michel Ribes. Adaptant sa propre pièce, créée en 2004 au Théâtre du Rond-Point (qu'il dirige), Ribes s'amuse d'une faran­dole de « caractères » s'entrecroisant dans un musée imaginaire, encyclopédique, exhaustif - le musée de tous les musées. Lieu quasi unique, arpenté du sous-sol aux combles, où s'observent les mille et une ma­nières - beauf ou pédante, émerveillée ou déroutée - de « vivre » l'art. La volonté de divertissement populaire est évidente, et elle est servie par une distribution assez incroyable, un casting « all stars » qui voit se côtoyer plusieurs ­familles de l'actorat français : famille Splendid (Jugnot, Balasko, Blanc), famille « stand up » (Lemercier, Robin, Demaison), famille Resnais (Arditi, Dussollier, Isabelle Carré), famille théâtreux (Luchini, quelques « comédiens français » dont Guillaume Gallienne et Judith Chemla). Les plus connus aident à une identification immédiate des groupes de visiteurs, tous s'expriment avec talent dans des dialogues taillés sur mesure : on aime la tirade lasse de Luchini en gardien épuisé par la beauté qui l'entoure ; Dussollier est hilarant en ministre très « langien » inaugurant d'un air hébété une expo de photos de sexes masculins ; sans parler des apparitions de Valérie Lemercier à qui l'auteur a réservé cette réplique fondamentale : « J'adore ­cette période qui va de Vinci à Warhol. » S'il se contentait de se moquer gentiment du tourisme culturel de masse, le film serait une simple satire, succession de tableaux mordants, au risque du mépris. Il est bien davantage dès que l'écriture de ­Ribes s'enfonce dans l'absurde, et c'est l'art contemporain qui lui en donne l'occasion. Il y a une verve à la Ionesco dans la scène du « family art » où l'artiste « oeuvre » en direct en tuant sa mère - beau numéro de Micha Lescot et de Josiane Balasko. Et l'on quitte définitivement l'ironie dans le beau passage où, sous la houlette d'un mystérieux artiste, ce sont les spectateurs eux-mêmes qui constituent l'oeuvre exposée. Evidemment, cette abracadabrante installation, artifice suprême du créateur, reflète une vérité de l'art conceptuel d'aujourd'hui. Elle illustre l'astucieuse position du dramaturge-cinéaste : en même temps caricaturiste cinglant et décrypteur sagace, bref agitateur d'idées à la verve ­communicative.

Année : 2008