Télévision : 5 octobre 2017 à 10:20-12:10 sur Canal +

film : comédie dramatique

Une jeune fille de 14 ans, qui fait son stage de troisième obligatoire dans l'entreprise de sa mère, découvre la dureté des rapport sociaux et les terribles répercussions d'une économie uniquement fondée sur le chiffre. Un film sensible, drôle et intelligent, qui accorde une belle confiance à sa jeune héroïne. - Critique :

Anouk, 14 ans, est furieuse contre son père, qui n'a pas assuré. Il lui avait garanti un stage à la télévision — ce fameux stage d'observation obligatoire de troisième —, mais le projet s'est avéré foireux. Pour remédier à cette mésaventure de dernière minute, la maman (Emilie Dequenne), séparée du père, se propose de la prendre dans la compagnie d'assurances où elle travaille, mais dans un autre service. Malgré tout, elles sont amenées à partager quelques moments ensemble, le matin et le soir, lors des trajets en RER, le midi à la cantine. Elles se croisent, aussi, dans les couloirs et l'ascenseur. Anouk voit sa maman parler avec des collègues, subir sa hiérarchie. Dans ce cadre professionnel, ce n'est plus tout à fait la maman qu'elle connaît.

Marc Fitoussi (Copacabana, La Ritournelle), scénariste en plus d'être cinéaste, a eu là une bonne idée, dont il tire finement profit. Il crée une situation troublante en mélangeant ce qui est d'ordinaire séparé : sphères privée et professionnelle. Il le fait en épousant la plupart du temps le point de vue de sa jeune héroïne, Anouk, perspicace, raisonnée, curieuse. Il est rare qu'un cinéaste accorde une telle confiance à ce type de personnage et de jeune actrice (Jeanne Jestin, aussi juste dans la réserve que dans la pétulance). Les récits totalement enjolivés que la jeune demoiselle fait de son sta-ge à sa meilleure copine, ou ses aléas sentimentaux avec un autre stagiaire, mignon, rencontré à la cantine, se rattachent plus au teen-movie. Même là, le cinéaste se démarque, par son sens du détail, son goût de l'allusion, loin de toute démonstration.

L'enjeu principal, c'est bien le monde de l'entreprise. La vie de bureau avec ses codes et son théâtre. Personne ne sait ainsi très bien quoi faire d'Anouk. Elle échoue finalement dans le service de deux prétentieuses vachardes (numéro impayable des duettistes Nelly Antignac et Camille Chamoux) qui lui demandent de vider entièrement un cagibi pour l'aménager autrement. Plus fâcheux : elle découvre que sa mère, poussée à faire du chiffre et sous pression comme tant d'autres, s'est arrangée pour qu'une cliente ne soit pas indemnisée. Du coup, c'est tout le lien mère-fille qui s'en trouve chamboulé. Et qui incite Anouk — mûre, certes, mais candide et pas encore l'adulte qu'elle croit être — à se lancer dans une action secrète, afin que justice soit rendue.

Le film est à la fois cruel et plein de charme. La légèreté dont le cinéaste était coutumier jusque-là n'a pas complètement disparu. Maman a tort voisine autant avec la fable qu'avec la chronique sociale. Il s'y glisse, pourtant, mine de rien, une ambition sociétale nouvelle. Quelle valeur du travail transmet-on à nos enfants ? Quid de nos compromissions possibles, de la violence économique dont ils hériteront ? Le pétage de plomb carabiné d'une employée à la cantine, le cri d'une jeune fille dans une fête, la signature d'une tête de mort sur un mur le confirment : le film de Marc Fitoussi est bien une comédie, mais dramatique. — Jacques Morice

Année : 2016

De : Marc Fitoussi

Avec : Emilie Dequenne, Jeanne Jestin, Annie Grégorio, Camille Chamoux, Nelly Antignac, Jean-François Cayrey, Joshua Mazé, Louvia Bachelier, Lucie Fagedet, Sabrina Ouazani, Grégoire Ludig